Le plan d’engagement budgétaire du premier trimestre exercice 2024 renseigne qu’un crédit de 851 697 120 FC (340 678,8 USD) a été affecté au Comité National de Suivi de l’Accord de la Saint Sylvestre (CNSA). Comparé aux prévisions votées de 3 840 096 975 FC (1 536 038 USD), l’institution va dépenser 22,1% de ses allocations entre Janvier et Mars 2024, indique le Ministère du Budget dans un document publié sur son site Internet.
L’apparition du CNSA dans la nomenclature budgétaire de l’exercice 2024 est une surprise aux yeux des acteurs qui plaident pour son retrait au budget de l’Etat dans la mesure où sa mission est estimée révolue. Depuis 2019 par exemple, Claudel André Lubaya, personnalité politique de la République démocratique du Congo (RDC) et député national honoraire ne voyait plus la raison d’être de cette structure, après les élections du 30 décembre 2018 à l’issue desquelles le président Félix Tshisekedi a été élu pour un premier mandat.
Economiste et membre de l’Union sacrée, coalition politique qui soutient Félix Tshisekedi, Patrick Onoya estime que le ministre du budget n’a pas de choix que de reprendre cette institution dans le plan budgétaire. Selon lui, le CNSA est venu à l’existence à la suite d’un accord politique et ne peut être dissout que par une décision politique du Président de la République. Pour l’instant, « ce n’est pas une priorité politique » pour lui, à en croire Patrick Onoya.
« Le CNSA n’a bénéficié d’aucun fonds de la part de l’Etat pour son fonctionnement depuis son installation »
Depuis son installation, le CNSA n’a bénéficié d’aucun fonds pour son fonctionnement, renseigne son président, Joseph Olenghankoy. Selon lui, les appartements qui lui servent de bureaux sont des biens privés. L’Etat n’aurait jamais mis à sa disposition un quelconque local. Selon lui, la non-exécution des financements en faveur du CNSA de 2019 à nos jours a été largement documentée dans plusieurs rapports des agents contrôleurs budgétaires.
Les factures de frais de missions n’ont jamais été prises en compte par le budget national, même si « le CNSA jouit de l’autonomie administrative et financière et dispose d’un budget propre sous forme de dotation », selon l’article 4 de sa loi organique.
Pour Joseph Olenghankoy, la tranche salariale mensuelle du CNSA environne 60 000 USD, soit une masse salariale annuelle de 720 000 USD, pour l’ensemble de son personnel, y compris les membres de ses deux organes principaux à savoir l’assemblée plénière et le bureau, montant viré dans les comptes bancaires du personnel, comme pour les agents publics de carrière de l’Etat. Par ailleurs, un membre de la plénière toucherait 3 000 000 FC par mois, soit 1200 USD au taux budgétaire actuel.
Pourtant, des statistiques du ministère du budget renseignent qu’ entre 2017 et 2019, l’institution a reçu du trésor public 7 805 327 USD contre les prévisions de 17 073 994 USD, soit 45,71%. Par contre, de 2020 à 2023, les paiement en faveur du CNSA ont connu un décaissement de 9 028 075 293 FC (3.611.230 USD) contre les prévisions de 15 377 785 637 FC (6 151 114 USD), soit 58,7%.
Olenghankoy affirme donc que ces chiffres ne sont jamais parvenus au CNSA.
De la fin de la mission du CNSA
Le CNSA est né de l’accord signé le 31 décembre 2016 entre les acteurs politiques de la majorité, du rassemblement de l’opposition et de la société civile. Au chapitre 6 de cet accord, cette « institution d’appui à la démocratie » s’est vue octroyée la mission notamment « d’assurer le suivi ainsi que l’évaluation de la mise en œuvre de l’accord, en vue de garantir l’organisation des élections crédibles, transparentes et apaisées ».
Dans sa résolution 2348 de 2017, le Conseil de sécurité des Nations-Unies recommandait notamment à Joseph Kabila, président de la RDC à l’époque, « de mettre en place le Conseil national de suivi de l’accord et d’appliquer pleinement les mesures de confiance, afin de commencer sans plus tarder la préparation des élections présidentielle et législatives ».
Si plusieurs leaders d’opinion ont jugé révolue la mission du CNSA après les élections du 30 décembre 2018 et la voient fonctionner avec un cadre juridique devenu obsolète depuis 4 ans, Joseph Olenghankoy voit les choses autrement.
D’après l’article 38 de sa loi organique, « le CNSA est dissout de plein droit à la fin du processus électoral ». A en croire Olenghankoy, qui se base sur l’esprit de l’accord du 31 décembre 2016, le processus électoral inclut également l’organisation des élections locales et municipales. Or, ces élections n’avaient pas eu lieu en 2018, ce qui justifiait la poursuite de la mission du CNSA.
Aussi, « à la dissolution du CNSA, son patrimoine est affecté à d’autres institutions par décret du Premier Ministre délibéré en conseil des ministres », renseigne le même article 38 de la loi organique du CNSA.
Des sources au CNSA renseignent que le premier ministre, « autorité compétente », a déjà été saisi pour une notification sur la fin de la mission de l’institution, après l’organisation des élections municipales le 20 décembre 2023, ensemble avec la présidentielle, ainsi que les législatives nationales et provinciales.
Bruno Nsaka