« L’Ituri est en danger », déclare l’Eglise catholique locale qui exprime sa colère au regard de la situation sécuritaire sombre de cette province sous état de siège depuis quatre ans

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En Ituri, l’Eglise catholique monte au créneau pour dénoncer la situation sécuritaire sombre qui met « en danger » cette province du nord-est de la RDC. Soixante-seize (76) prêtres séculiers du diocèse de Bunia ont signé une déclaration poignante qui décrit un tableau alarmant du climat sécuritaire marqué par des attaques intenses des groupes armés ces derniers mois contre des civils et aussi des installations religieuses de l’Eglise catholique. C’est entre autres, l’attaque des miliciens CODECO le 21 juillet dernier à la paroisse Saint Jean de Capistran de Lopa.

« Après avoir tiré plusieurs coups de fusil, ils se sont livrés, sous le commandement de leurs chefs de file, à divers actes criminels dont la profanation de l'Eglise, du sanctuaire marial, le pillage du presbytère et du centre de santé, l'assassinat des civils, l'incendie des maisons, des attaques et pillages des boutiques et des ménages, des violences faites aux femmes, aux enfants et à des personnes du troisième âge, etc. », dit la déclaration des prêtres.

Ces derniers précisent que « cette crise s'est étendue à Nizi, Iga Barrière, Tchomia, Nyamamba, Boga causant des déplacements massifs des populations à la recherche de lieux sécurisés et sécurisants ».

Les prêtres de Bunia rappellent aussi l’attaque sanglante des islamistes ADF dans la nuit du 26 au 27 juillet à la paroisse Bienheureuse Anuarite à Komanda où près de 50 personnes ont été tuées, et au moins 40 jeunes enlevés jusqu’à ce jour. Après ces tueries de masse, l’armée avait publiquement indexé « les jeunes du milieu » qu’elle accuse de collaborer avec les assaillants.

« L'inefficacité des forces de l'ordre, souvent justifiée par la minimisation et la banalisation de la situation en utilisant des concepts comme provocation, représailles, en cachant leur incapacité et complicité, en pointant des jeunes du milieu comme auteurs de cette insécurité, est inadmissible », tonne l’Eglise.

L’Eglise et l’armée s’accusent

Dans la déclaration, les prêtres du diocèse de Bunia dénoncent aussi ce qu’ils qualifient des « diffamations et menaces verbales » proférées contre l’Eglise par les autorités militaires qui dirigent l’Ituri. D’après la déclaration, les autorités accusent l’Eglise « d’héberger » les membres de la milice Convention pour la Révolution Populaire (CRP).

« … Comme nous condamnons aussi l'existence des autres groupes armés -et à cause de laquelle des personnes civiles sont attaquées, et quelques structures de l'Eglise Catholique sont détruites méchamment par certains éléments de la milice URDPC/CODECO sous le regard complice des FARDC, nous ne pouvons pas nous taire. Il est clair que l'Eglise catholique, à cause de sa mission prophétique, est devenue une cible, parmi tant d'autres, des attaques orchestrées par l'Etat de siège, responsable de tout cе drame, lequel état de siège opère en complicité criminelle avec la CODECO ».

L’Eglise accuse nommément le lieutenant Jules Ngongo, porte-parole de l’armée en Ituri « à cause de ses propos irrespectueux à l'égard de l'Evêque de Bunia, de ses discours de haine et de division et de son rôle de catalyseur dans le conflit en Ituri ».

Dans leur déclaration, les prêtres de Bunia demandent au gouvernement « de travailler réellement pour l'unité de tous les Ituriens plutôt que de les diviser pour bien régner et exploiter les ressources naturelles de l'Ituri ; de lever immédiatement l'état de siège qui ne fait qu'aggraver le mal en Ituri ».

L’état de siège instauré depuis quatre ans dans la province de l’Ituri pour mettre fin aux violences armées « a visiblement et gravement échoué à imposer la paix qui était sa mission première et primordiale sous peine d'être accusé de complice ».

« Plusieurs massacres de civils et destructions de leurs biens ont été commis des personnes enterrées vivantes, des massacres dans des sites de déplacés et dans des villages, des kidnappings, des assassinats en pleine ville de Bunia, des villages et centres de négoces détruits et disparus, des paroisses vandalisées, des destructions et pillages des structures sanitaires et scolaires, l'insécurité sur les différents axes routiers, etc », explique l’Eglise.

L’armée et les autorités de l’Ituri sollicitées n’ont pas encore réagi à ces accusations accablantes de l’Eglise catholique locale.