RDC: ils ont déposé les armes, et maintenant?

Les armes dans un camp militaire dans le territoire de Beni
Les armes dans un camp militaire dans le territoire de Beni

"Déposez les armes!" Des centaines de miliciens actifs dans l'est déchiré de la République démocratique du Congo ont répondu à l'appel des autorités mais beaucoup déchantent, croupissant dans des camps insalubres ou, sans espoir de jours meilleurs, reprennent le maquis.

"Ayant laissé les armes pour donner la place à la paix, nous pensions pourtant être bien traités", déclare, amer, Tumaini Bivundi, 26 ans, ancien combattant du groupe armé hutu Nyatura devenu chef des "rendus" du camp de Mubambiro.

A une vingtaine de km de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, ce camp abrite dans de petites huttes plus de 600 ex-rebelles et 200 de leurs dépendants. Début janvier, les miliciens démobilisés ont manifesté contre leurs mauvaises conditions de vie. L'armée les a dispersés, l'un d'eux a été tué.

Il s'appelait Faustin et repose dans le cimetière situé derrière le camp, où sont enterrés au moins 13 autres anciens occupants, morts pour la plupart de maladies liées à l'eau. "C'était mon frère", déclare à une équipe de l'AFP Muhindo Syauswa, lui aussi ancien combattant, en montrant la tombe surmontée d'une croix blanche.

Dans le camp, sous un soleil timide, deux jeunes femmes, épouses d'anciens miliciens, se tressent les cheveux devant une cabane. Non loin de là, d'ex-combattants jouent aux dames. "Cela nous permet d'oublier un temps la vie que nous menons ici, après l'échec du gouvernement à nous encadrer", déclare Jimy Mazimpaka, un ancien "maï-maï" (milicien communautaire) de 35 ans.

"On n’a même pas un matelas, nous dormons sur le sable, sans aucune couverture, quand il pleut c’est un calvaire", se plaint Kavira Furaha Anourite, ex-maï-maï de 18 ans, mère d'un enfant de six mois qu’elle a eu avec un autre combattant.

- "Nous souffrons" - L'unique repas de la journée, servi ce jour-là vers 16H30, est composé de haricots et de farine de maïs cuisinée sous forme de foufou (pâte). "Depuis trois ans, c’est cette nourriture que nous mangeons", explique Bahati Safari, 28 ans.

Par manque d'assiettes, certains viennent chercher leur repas dans des bouteilles en plastique coupées. Leurs femmes n'ont droit à rien et doivent se débrouiller pour manger. "Nous souffrons, il est temps que ça finisse", souhaite l'une d'elles.

Dans une tente militaire, quatre ex-combattants se partagent une cigarette. Près d'eux, Innocent Sibomana est allongé sur un lit de fortune. "Depuis trois jours je suis malade, mais je n'ai pas de médicaments", souffle-t-il.

Des cas de choléra sont parfois signalés dans le camp, dont les occupants disposent d'une seule latrine entourée d'une bâche.

Jacques Katembo, responsable du programme gouvernemental de démobilisation et de réinsertion des miliciens dans le Nord-Kivu, indiquait récemment qu'à cause des mauvaises conditions de vie, plus de la moitié des miliciens qui avaient rejoint le camp avaient "repris le chemin de la brousse".

L'est de la RDC est en proie aux violences de plus d'une centaine de groupes armés depuis plus de 25 ans et plusieurs programmes de démobilisation ont déjà été lancés, avec des résultats mitigés.

- "Nous appellerons les autres" - Le gouvernement de Félix Tshisekedi en a initié un autre l'année dernière, appelé "P-DDRCS" (programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation), pour lequel la question des moyens se pose de nouveau.

Son coordonnateur, Tommy Tambwe, est venu le 14 janvier à Mubambiro, promettant qu'une équipe d'identification viendrait dans les deux semaines. Certains rendus voudraient intégrer l'armée, d'autres simplement retrouver leurs proches. 

Ils attendent d'avoir un document attestant de leur démobilisation et un petit pécule pour rentrer à la maison. Comme Fulgens Ushindi, ancien milicien hutu. "J'ai participé à plusieurs guerres, je n'en peux plus, je veux retrouver ma famille", explique-t-il. 

"J’ai reçu vos requêtes et je vous assure que vous allez commencer à manger trois fois par jour", a promis Tommy Tambwe, lui-même ancien milicien.

"Nous sommes habitués à leurs promesses, le président avait promis la même chose, mais rien n’a été fait", commente le jeune ex-rebelle David Musema.

Malgré les doutes, de nouveaux miliciens candidats à la démobilisation sont arrivés ces derniers jours à Mubambiro. "Si l'accueil se passe bien, nous appellerons les autres, qui sont restés en brousse", avance un colonel milicien autoproclamé, Claude Amani.

Un autre camp de cantonnement de miliciens, semblable à celui de Mubambiro, est situé à Rumangabo, à environ 50 km de Goma.

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AFP et ACTUALITE.CD