A peine lancé, le 05 novembre dernier, l’opus « Nini tosali te » (« Que n’avons-nous pas fait ?») du groupe musical Kinois « MPR » fait jaser dans la capitale de la République Démocratique du Congo. Entre, d’une part, la controverse du fond de la posture discursive de jeunes artistes musiciens et, d’autre part, celle de l’éventuel impact de cette œuvre, MPR a, dans ses aventures, fait un pas non négligeable. Il ne semble plus laisser indifférents ses très auditeurs variés. A sa faveur, les contextes de la sortie du single dans lequel figure cet opus dont les non-dits méritent d’être mis en évidence. Dans l’ordre purement politologique.
Les contextes
Il s’agit d’abord du contexte d’un monde réticulaire (en réseaux) suite aux effets des technologies de l’information et de la communication. Ceci facilite la diffusion des nouvelles et des œuvres d’esprit, notamment sur la toile mondiale (Internet), sans forcément exiger préalablement des frais aux curieux et intéressés. Contrairement à leurs prédécesseurs, peut-être mieux inspirés et plus engagés à l’instar de Franco, les jeunes de MPR bénéficient, sans coups férir, pourrait-on exagérément dire, des avancées technologiques caractéristiques du temps présent offrant plus d’opportunités d’épanouissement individuel et collectif. Ainsi, le succès de cet opus pourrait vite rapporter financièrement à ces talentueux. Preuve, si besoin est, des marges de capitalisation individuelle de pistes entrepreneuriales existantes, y compris dans les pays les plus pauvres du monde. De quoi, à l’ère de la réforme de l’enseignement supérieur et universitaire, penser axer la formation sur l’initiation à l’entreprenariat dans le but de lutter contre le chômage des milliers des diplômés déversés annuellement sur l’étroit marché de l’emploi congolais.
Il s’agit ensuite de conditions de vie sociales à travers le pays marquées par la persistance de la crise multiforme et des tensions de divers ordres depuis l’accession du pays à l’indépendance que ces musiciens n’ont pas vécue. Le focus dans l’opus est fait sur le parcours d’un jeune homme, visiblement figure emblématique d’une catégorie cible constituant la grande majorité de la population congolaise, qui a résisté aux tentations de rompre avec la société, et décroché un diplôme de fin d’un cycle de formation (universitaire apparemment). Ce, au prix de dur labeur de sa mère remuant ciel et terre, au travers de son petit commerce, pour faire tant soit peu face aux contraintes financières des études de son fils, non sans expression de gratitude de ce dernier.
Il y a remarquablement des séquences éducatives dans cet opus, qui, au fond, en questionne l’impact face à la peine du « diplômé » de trouver, à la contrepartie financière, un espace d’expression de son savoir, son savoir-faire et son savoir-être. Il en résulte l’amer constat de son incapacité à prendre médicalement soin de sa pauvre mère, manifestement sans assurance et terrassée par une maladie, qui la fait, fort malheureusement, passer sur l’autre rive. L’impuissance du « diplômé » de rendre l’ascenseur salutaire à sa moribonde maman interroge le sens de ses incessants efforts : études, jeûnes et prières, délivrances, luttes courageuses et persévérances, dans la quête, sans nul doute, de la réussite sociale. A quoi bon ? Peut-on légitimement s’interroger.
Il est possible d’épiloguer sur le niveau de rigueur avec laquelle ce tableau social est ainsi peint par ces jeunes musiciens de MPR. Il est possible de faire, de bonne foi, un chapelet de reproches à leur encontre.
Toutefois, une évidence : MPR alerte la société sur le niveau de plus en plus élevé de sérieuses menaces qui pèsent sur la sécurité humaine des Congolais, presqu’au bord de perdre espoir de changement tant attendu, à la rupture d’avec une gouvernance du pays aux positifs effets sociaux non encore ou peu palpables. Pour n’avoir pas obtenu gain de cause, en dépit de sacrifices consentis, le jeune « diplômé » présenté par MPR suggère une question : qu’est-ce qui reste encore à faire pour enfin mériter le meilleur ? Plusieurs hypothèses à émettre à cet effet : résignation, changement, révolution, etc. Rappelons que tout changement ne relève pas d’une révolution.
Les non-dits
« Elections ou pas, c’est pareil », tranche MPR. Sans questionner l’impact de la qualité des élections sur le social tant décrié, les jeunes musiciens se focalisent sur l’utilité des élections dont - rappel oblige - le coût du dernier cycle (en 2018) était de l’ordre d’un peu plus d’un milliard de dollars américains, financé par le Gouvernement de la République sur fonds propres. Ils martèlent sur la portée pragmatique de visions des politiques, sans incidence sociale attrayante. Il en résulte, à leur avis, l’inutilité de voter.
Pourtant, le Gouvernement de la République s’emploie à tenir le rendez-vous électoral de 2023 pour se mettre en cohérence avec ses obligations constitutionnelles. A quoi auront servi ces élections si, par absurde, le pourcentage des votants aura été inférieur à la moyenne des électeurs inscrits ? Au-delà, en quoi cela pourrait-il assurer le changement ? Les gestionnaires de la communication électorale devront s’employer intensément pour persuader les électeurs de leur intérêt d’aller aux urnes en 2023.
De tout ce qui précède, la portée politologique de l’opus de MPR se rapporte notamment au questionnement sur les (éventuelles) incidences de perceptions des Congolais, dont « le sourire masque un profond mal-être », de leurs rapports avec leurs Gouvernants face à l’avenir sombre du pays. Il va sans dire que la réponse à « ce qui devrait être fait de plus pour mériter le meilleur » découle des interactions des Gouvernés et des Dirigeants. Les limites de la gouvernance sociale du pays devraient mettre en branle les uns et les autres. Car la responsabilité de ce mal social est collective.
Les Gouvernés pourraient se résoudre à la résignation sous-tendant leur enclin à la complicité de la persistance de la situation sociale ainsi peinte. Ce, au travers notamment de l’entretien subi d’une faible conscience du pouvoir de sanctions positives ou négatives dont ils disposent au regard de la Loi fondamentale. Les Gouvernants feraient œuvre utile de ne point (ou plus) compter sur une supposée « résignation quasi collective ». A ce titre, il est intéressant d’apprendre que « les jeunes du MPR ont une écoute attentive du Chef de l’Etat », comme l’a affirmé le lundi 8 novembre 2021 le Porte-parole du Président de la République.
L’heure devrait être à la révision des mécanismes de dialogue entre la RDC d’en haut et celle d’en bas. Ce, dans la perspective du développement de la démocratie à la fois participative et délibérative (à ne pas confondre avec la démocratie représentative en vigueur) dont les vertus pédagogiques permettent de créer les conditions de cohésion nationale et de gouvernance plus rigoureuse de la chose publique. Les Gouvernés étant davantage informés de difficultés auxquelles sont buttés les Gouvernants, et impliqués dans le contrôle de ces derniers, plus soumis à la transparence et à la redevabilité à tous les niveaux, il pourrait en découler la réduction de la marge de malentendus et de suspicions « populaires ».
Le contraire expose davantage le pays à d’insoupçonnées dynamiques susceptibles de faire tempêter. Tôt ou tard. Sans nécessairement apporter aux Congolais le changement tant rêvé. Comme ce fut le cas du « Printemps arabe ».
Gouvernants et Gouvernés sont à l’heure du choix. A suivre attentivement « Nini tosali te ».
Martin Ziakwau L.
Politologue, Docteur en Relations internationales
Lire aussi: