La sphère musicale congolaise a été très mouvementée la fin de la semaine dernière à la suite des sorties officielles de trois nouvelles chansons qui retracent la situation socio-politique de l’heure en République Démocratique du Congo (RDC). Dans le rang de ces hits, on retrouve les chansons « Nini tosali te » du groupe MPR, « Bongo mutupu » de Kivunge Kyamitofwe et « Lettre à ya Tshitshi » de Bob Elvis.
Ces trois nouveautés ont surtout la particularité d’avoir un contenu très proche. Ces différents artistes évoquent notamment le bilan du pays 61 ans après son indépendance, les promesses non tenues par les autorités, et pointent aussi du doigt la dégradation du bien-être de la population. Le succès est tellement indéniable que ces chansons sont actuellement sur les lèvres de tout le monde.
Des réactions fussent de partout. Personnalités politiques dont les ministres ou encore des députés nationaux et autres en ont salué le mérite. Outre les politiques, la population congolaise en général et celle de la capitale en particulier n’est pas en reste. Interrogés par ACTUALITE.CD, les Kinois disent espérer qu’à travers ces trois tubes, les dirigeants du pays seront, enfin, interpellés par le contenu de ces œuvres.
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« J’ai vraiment apprécié. La chanson évoque notre pays et sa jeunesse. En plus, c'est vraiment des réalités. Ça se passe vraiment comme ça dans notre pays actuellement (ce qui est dit dans les chants, ndlr). Je trouve que c'est une bonne inspiration de leur part. Ça nous pousse aussi à faire beaucoup de choses comme réfléchir. Je pense que les autorités seront interpellées, parce que déjà c'est une honte. Ce pays n'évolue pas, et je pense que ne serait-ce qu'en écoutant cette chanson, elles vont prendre le temps de réfléchir sur notre pays, sur la révolution, la mentalité, etc. Je pense qu'après ça, si et seulement s'ils écoutent cette chanson (celle de MPR, ndlr), ils vont peut-être changer les choses (…) », a déclaré une étudiante en première année de Graduat à l'ISP.
A un autre kinois d’ajouter : « Ça m'avait vraiment beaucoup inspiré compte tenu de la réalité. Ces chansons disent beaucoup. C'est presque ce que nous vivons. Le message a été clair, presque tout le monde a compris de quoi il parlait. Normalement, ça doit les interpeller (les autorités, ndlr). Ils sont là, ils écoutent. Petit à petit pas totalement, ça va aller ».
Un autre habitant de la capitale interrogé pense que grâce à ces trois tubes, la situation du pays pourrait enfin entrer dans une phase où les choses vont commencer à s’améliorer progressivement. Il est optimiste.
« Cette chanson nous incite à nous réveiller sur tout ce que nous vivons. Je crois que les autorités ont déjà été interpellées parce qu'il paraît que l'ANR avait suspendu ces chansons (…). Certainement que ça les a incités, poussé à quelque chose. Nous espérons que grâce à ça la situation du pays va changer, mais je ne crois pas que ça pourra changer maintenant là », a-t-il dit.
« C'est une très bonne chanson parce qu'elle n'ajoute rien et ne retire rien de ce que vit le peuple congolais. Disons les autorités ne se rendent pas compte. C'est une très belle chanson qui doit rester bien sûr pour éveiller la conscience du peuple congolais. On espère que les autorités seront pour une fois interpellées parce que ce n'est pas non plus la première chanson. Auparavant, il y a eu beaucoup d’autres chansons avec le même thème ou presque. Le changement ne vient pas d'un coup, ça prend du temps et on ne peut pas changer la situation d'un pays aussi grand, d'une ville aussi grande que Kinshasa en une seule journée ou en 3 mois. Ça prend des années. Mais je pense que ces chansons peuvent aider à améliorer au moins la situation. Un œuf qu'on achetait à 250 francs revient maintenant à 500 francs, on est censé manger comment ? », souligne cette jeune étudiante, la vingtaine révolue.
A en croire cette dame, économiste de formation, la question d’interpellation des dirigeants est d’abord sujet de leurs propres consciences sans lesquelles il n’y aura jamais un impact visible sur le terrain.
« Je dirais que l'interpellation est un problème de conscience. Lorsque les dirigeants ne sont pas encore conscients, il y aura plusieurs chansons, mais ils ne vont pas changer leurs attitudes. Ils doivent commencer par prendre conscience et changer un peu leurs comportements. En tant qu’économiste de formation, la chanson n'a pas d'influence sur la situation du pays, et pourtant les gens doivent investir. Et moi, je trouve que le fait d'aller toujours chercher les investisseurs dehors, c'est un gaspillage. Parce que le fait de sortir, il y a des frais de mission. Il faut calculer les frais de mission du président et de ses collaborateurs, c'est vraiment coûteux! Mieux vaut investir ici au pays, chez les fils du pays, pour que l'argent puisse retourner au trésor public », a-t-elle dit devant l’hôtel de ville de Kinshasa.
Pour d’aucuns, la chanson « Nini tosali te » du groupe MPR est ciblée et s’adresse aux dirigeants du pays. C’est notamment le cas d’un cambiste interrogé au centre-ville. Il dit condamner cette façon de faire.
« Les paroles qui y sont montrent que selon leur façon de voir les choses, il y a quelqu'un qui est auteur de la souffrance de la population. Dans la chanson, ils se sont adressés au président de la République, aux pasteurs qui prêchent dans les bus voire même à Dieu quand ils disent parfois Dieu nous a laissés. La première de chose : on ne peut pas condamner ou soit on n’est pas obligé de voir tous dans la même direction pour être Congolais. Chacun a sa façon de voir les choses (...). Selon moi, dans ma façon de voir et de comprendre les choses, je pense qu'ils ont un peu exagéré. Le travail que font le président et les autres, c'est un travail qui va prendre du temps. Les Congolais doivent apprendre à être patients. Je ne pense pas que cette chanson peut occasionner un changement. Chanter, c'est éduquer. D’ailleurs, c'est eux qui dégradent le niveau avec ce qu'ils chantent », a-t-il expliqué.
Plus que jamais, les artistes se décident d'éveiller les consciences en secouant les autorités en particulier et tout le peuple congolais en général. Ces trois chansons évoquent la principale caractéristique de différent pouvoir passé en RDC : le non changement du système incluant la famine, le chômage, le manque d'assurance santé et tous les déboires du peuple Congolais jusqu'à ce jour.
Gloire Kipoy et Monica Bubanji, stagiaires UCC