Tribune de Maître MUHINDO MULUMBI Jackson, Avocat.
Le Parc National des Virunga, PNVi en sigle, fut créé en 1925 sous le nom Parc National Albert, PNA. En 2025, ce sera son centenaire. Ce plus ancien parc d’Afrique fera un siècle d’existence.
Mais son siècle sera aussi celui des conflits entre riverains et l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature ICCN. Cet éternel conflit sera si compliqué qu’il coûte des vies aux riverains et éco-gardes, sinon fils de mêmes riverains du moins familiers à eux. On a beau sensibiliser sur la conservation de la nature, mais chaque cas sanglant et des discussions qui mettent aux prises l’ICCN et les populations riveraines ne donnent rarement qu’à réfléchir sur le plan de sortie de crise.
Le manque de réflexion sur le plan de sortie donne et donnera sans fin la santé politique à des politiciens populistes, alors que ceux-ci ne sauront arrêter non plus l’ICCN dans ses missions légales ni abroger les traités et accord internationaux qui enveloppent cette aire protégée.
Puisque toutes les conventions internationales et les lois en matière environnementales disent que la meilleure façon de traiter les questions environnementales c’est de faire participer tous les citoyens (cf. article 10 de la Déclaration de Rio du 3 au 14 juin 1992 et Loi n°14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature dans ses exposés des motifs), l’ICCN ne saurait prétendre que les riverains ne constituent pas l’État. Si les constitutionnalistes, eux définissent l’État par trois éléments (le territoire d’un État, sa population et le pouvoir), je résume ces trois éléments en deux. Dès lors que tout pouvoir émane du peuple, qui dit pouvoir dit peuple. Même si la démocratie est le pouvoir du grand nombre, elle écoute même les minorités.
Il faut donc bien diagnostiquer le problème du Parc National des Virunga (I) afin de lui administrer le remède idoine et approprié (II)
LA CRÉATION DU PNVi ENTRE MARCHÉ DES DUPES, ESCROQUERIE LÉGALE ET TENDANCE À RENDRE LES RIVERAINS INCAPABLES ÉTERNELS.
Quand l’ICCN parle de son PNVi, il dit avoir conclu la convention de cession des terres avec les Chefferies qui représentent les populations riveraines. Ces Chefferies se regroupent sous une société coopérative appelée COOPEVI (Coopérative de Vitshumbi). C’est cette convention à l’origine de la création du PNVi qui constitue le plus grand problème du joyau Parc.
En effet, avant 1925, date de création du PNVi, c’est le Décret du 30 juillet 1888, relatif aux contrats et obligations conventionnelles, qui régissait et régit jusqu’à tout contrat qu’il soit écrit ou verbal. Dans l’attitude des populations riveraines, la convention entre les Chefferies et l’ICCN pour créer le PNVi est assis sur ces irrégularités juridiques (qui constituent le problème dudit PNVi) :
-Les coutumes rencontrées autour du PNVi sont hiérarchisées telles que le Chef de Chefferie, même celui de groupement, n’a pas une mainmise directe sur les terres. Parfois les grands chefs terriens sont eux aussi vassaux de leurs vassaux. Cette structure coutumière fait croire aux riverains que le contrat conclu entre l’ICCN et les Chefferies est une superposition des contrats : celui que les grands chefs terriens d’avant 1925 avaient passés avec les vassaux et celui qui transfère les mêmes terres à une autre structure. En d’autres mots, dans la conception riveraine, c’est injuste qu’un Chef de Chefferie qui reçoit régulièrement la redevance sur les terres soit le même à les transférer.
-Alors que l’article 23 du Décret précité dit formellement que « toute personne peut contracter, si elle n’en est pas déclarée incapable par loi », l’attitude des riverains a toujours été de vouloir savoir de quelle manière les chefs des groupements et de localités riverains au PNVi étaient eux frappés d’une incapacité et de quelle manière ceux-ci donnaient leur mandat éternel ? ;
-L’éternel mandat à travers lequel les Chefs des Chefferies représentent les riverains semble être la négation de la personnalité juridique des représentés, devenant ainsi des éternels incapables. Si l’incapacité de jouissance devient générale, elle devient la négation de la personnalité de l’incapable ;
-C’est quoi ce mandat où le mandataire (les chefferies) ne rend pas compte de sa gestion, comme l’exige l’article 534 du Décret précité ?
-Tous les civilistes s’accordent que les actes de disposition ou translatif de droit n’appartiennent qu’au propriétaire. Les riverains du PNVi s’interrogent souvent de quelle manière ceux qui n’étaient que des mandataires ont pu transférer en lieu et place des mandants ? ;
Lorsque l’objet et la forme de la convention posent problème, toute sa substance et son exécution paisible en dépendent. Voici quelques pistes de sortie de crise.
REMÈDE POUR UNE PROBABLE SORTIE DE CRISE DE LA MENACE RIVERAINE SUR PARC NATIONAL DE VIRUNGA
Comme dit auparavant, un chef de localité de Kanyabayonga, auquel le Grand-père n’avait pas signifié l’existence d’un lien juridique sur ses terres, ne saurait sensibiliser sa population au respect d’une aire protégée. C’est difficile pour un chef de Chefferie assez loin de servir d’intermédiaire entre l’ICCN et la population directement riveraine. Il en va de soi que ces faits feraient que la population riveraine voyant en l’ICCN un spoliateur ne sait pas alerter ses agents contre tout mouvement suspect dans le Parc.
Aussi, le chiffre d’affaires que la COOPEVI manipule annuellement à la suite des taxes compensatoires au transfert des terres, profite difficilement aux riverains. Ce chiffre serait au minimum qui s’élèverait à 120. 000$ collecté sur les pirogues dans les pêcheries. Si ce chiffre était rationnellement réparti aux riverains (par exemple 60.000$ pour les chefs eux seuls et 60.000 pour une œuvre sociale riveraine), il construirait des hôpitaux ou écoles. Aucun député ne saurait construire une école ou un hôpital de 60.000$ et la population riveraine ne serait plus attraper aux pièges des populistes.
Ainsi, au-delà des emplois des investissements que le PNVi fait ou en projet de faire, il faudrait :
-que la COOPEVI, société regroupant le Chefs de Chefferies, soit étendue à tous les chefs terriens et des Villages riverains. La conservation étant communautaire, tous y auront ainsi été associés dès la base. Penser que les Chefferies, qui sont plus administrative qu’elles ne sont directement coutumières, aideraient au maintien calme du Lac Edouard et du PNVi, c’est d’abord ignorer les groupements pourtant reconnus dans l’administration et aussi laisser indéfiniment l’ICCN dans les conflits avec la population directement riveraine rendue indéfiniment mandat incapable, auquel on ne donne jamais restitution du mandat ;
-Les Chefs terriens et des Villages riverains introduits participeront aux assemblées de toute structure regroupant les Chefs des Chefferies. Outre la restitution qu’ils feraient facilement à leurs administrés riverains, ils y plaideraient, au profit des riverains, la répartition équitable du chiffre d’affaires de la COOPEVI et des frais de tourisme que réalise le PNVi. Leur remplacement en cas de jugement reconnaissant tel autre comme chef se ferait par la signification à la structure ;
-Un bon code de conservation de la nature en RDC devrait inclure des dispositions légales qui associent les Chefs terriens et des Villages riverains à la sensibilisation à la conservation, à travers la COOPEVI. En effet, si l’autorité coutumière est reconnue et dévolue conformément à la coutume locale (article 207 de la Constitution), c’est conserver le PNVi en soudant celui-ci aux coutumes locales dans la considération de leurs principes.
Goma, le 23 octobre 2021
Maître MUHINDO MULUMBI Jackson
Avocat, O.N.A : 10059 ; N.I.F : A1723009E