La RDC a participé, au plus haut niveau, au 41ème sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) tenu les 17 et 18 août derniers à Lilongwe (Malawi). Après plusieurs semaines de lobbying pour obtenir les soutiens des pays de la sous-région en faveur de son candidat au poste de secrétaire exécutif de cette organisation, la diplomatie congolaise n'est pas parvenue au résultat escompté. En apparence, la diplomatie congolaise y aurait pris un coup comme l’affirme Barnabé Kikaya Bin Karubi dans « « Camouflet à Lilongwe : La diplomatie congolaise en berne ». En réalité, en prenant globalement la réalité du fait, elle a gagné. Assurément.
Deux observations, d’entrée de jeu. A Lilongwe, il ne s’est pas agi que du duel diplomatique entre la RDC et le Botswana autour du poste de secrétaire exécutif mais aussi de la détermination de termes de continuité dans la gouvernance de l’organe le plus illustre de cette organisation sous-régionale, à savoir : le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement. La grille de lecture de Barnabé Kikaya s’avère à cet effet partielle et, surtout, « désorientée ». De un. Sa réflexion convoque plusieurs autres considérations visant à soutenir le Botswana contre la RDC. Seulement, à bien scruter, cela accuse, dans le chef de l’ancien journaliste, soit un déficit d’informations soit la volonté de tout voir en noir. De deux.
Ce que B. Kikaya n’a pas dit …
Plusieurs observateurs ont focalisé leur regard sur la compétition en vue de la nomination soit du Congolais Faustin Luanga soit du Botswanais Elias Mpedi Magosi pour occuper l’unique siège de secrétaire exécutif de la SADC pour les quatre prochaines années. Que la RDC aie déposé une candidature déclarée recevable suivant les critères préalablement établis constitue la preuve d’une nouvelle dynamique de la diplomatie congolaise qui rompt avec un passé, pour le moins, peu ambitieux en termes de positionnement de ses citoyens au sein des institutions internationales. Pays francophone, elle savait certainement que le jeu serait très rude. Elle est loin d’avoir démérité.
Pour avoir osé utilement de promouvoir le candidat du pays, mobilisé les ressources à son bénéfice, coordonné l’équipe de lobbying, la diplomatie congolaise a fait preuve de cohérence avec la vision du chef de l’Etat visant à sortir le pays d’un isolement inédit. Ceci est à saluer et à encourager, dans la perspective de meilleure capitalisation des leçons de cette compétition à la SADC pour les défis à venir.
Faut-il rappeler que, dans ses 40 ans d’existence, la SADC n’a pas encore connu un secrétaire exécutif originaire d’un pays francophone. Ce détail n’est pas peu significatif. En plus du fait que, originellement, la RDC est au centre de l’Afrique et, de ce fait, relève de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC). Plutôt que de voir, en la méthode employée, une diplomatie de forcing de Félix Thisekedi – sans la moindre preuve ni des indicateurs d’analyse -, il y a lieu de voir dans la posture du Chef de l’Etat la stratégie de persuasion. Il n’en est pas sorti main vide. Sauf refus de voir la réalité en face.
Il est vrai que le candidat congolais n’a pas « gagné ». Ce n’est pas pour autant que le pays a perdu. Ce que Barnabé Kikaya n’a pas dit ou n’a pas voulu dire est que, de ce sommet, la RDC a accédé au poste de vice-président et devra diriger la SADC au cours de l’exercice août 2022 – août 2023. Certes, la présidence relève de la rotation, mais, dans ce contexte, il s’est aussi agi de la reconnaissance expresse, par les pays membres de la SADC, de la qualité du leadership congolais pour diriger cette organisation assez prestigieuse, structurée et puissante. Le principe de rotation à la direction du sommet de la SADC est tout de même assorti des exigences minimales que la RDC a remplies. Ce qui permet à cette dernière de jouer pendant au moins deux ans un rôle important en termes d’influence au sein de la SADC. Ne pas reconnaitre ce gain diplomatique pourrait relever du renoncement à la rigueur analytique.
En présidant à la destinée de la SADC, le pays pourrait mieux s’ancrer dans la sous-région d’Afrique australe dont les Etats sont marqués, dans la plupart de cas, par une proximité idéologique axée sur la lutte contre l’apartheid et la colonisation. Le soutien du Zaïre de Mobutu au régime d’apartheid en Afrique du sud constitue toujours une entrave aux ambitions de la RDC au sein de la SADC. La dynamique pour faire bouger les lignes est en cours et s’avère prometteuse.
Les arguments non convaincants de B. Kikaya
Barnabé Kikaya a soulevé une batterie d’arguments pour faire créditer sa thèse, du reste bancale. Tenez ! Il apprécie la démarche du Botswana ayant visé de convaincre la RDC à retirer la candidature du Prof Luanga au poste de secrétaire exécutif de la SADC sur la base des raisons ci-après :
1. « la RDC est un mauvais contributeur au budget de la SADC » : Ceci n’est conforme ni à la vérité ni à la réalité. Cohérente dans sa méthode de persuasion, la RDC avait rempli toutes ses obligations financières à la SADC. Faut-il indiquer que, compte tenu des considérations particulières, tous les pays de la SADC ne cotisent pas à la même hauteur. La RDC est parmi les Etats dont les cotisations sont élevées. La preuve du contraire que brandirait Barnabé Kikaya serait de plus édifiant.
2. « La RDC n’a pas d’Ambassade à Gaborone » : En application du Droit diplomatique, la RDC a une mission diplomatique en Afrique du sud dont la compétence territoriale couvre la SADC qui a son siège à Gaborone. Ce dont il s’agit n’est nullement question de disposer d’une Ambassade à Gaborone (visant à établir les relations diplomatiques avec le Botswana qui n’a pas non plus d’Ambassade à Kinshasa) mais plutôt d’avoir une représentation auprès de la SADC. Le pouvoir actuel a hérité cette situation du régime précédent, en attendant une reconfiguration des missions diplomatiques du pays à la suite de la tenue de la Conférence diplomatique prévue dans le Programme du Gouvernement. Certes, a priori, il n’est pas inutile d’avoir une Ambassade à Gaborone mais ceci ne saurait constituer un argument du Botswana pour tenter de convaincre la RDC de retirer sa candidature au poste de secrétaire exécutif de la SADC. Au fond, c’est le Botswana, abritant le siège de la SADC, qui devrait, si la rigueur était de mise, s’abstenir de nourrir pareille ambition eu égard à la pratique diplomatique en la matière.
3.« le Protocole de défense mutuelle de la communauté n’a toujours pas été ratifiée par le Parlement congolais » : Le Journal officiel de la RDC renseigne la promulgation de la « Loi n°10/003 du 11 février 2010 (sous le Président Joseph Kabila) portant autorisation de la ratification du Pacte de défense mutuelle signé le 26 août 2003 à Dar-Es-Salam par les Etats membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe ». La preuve de la contre-vérité.
Barnabé Kikaya a raté sa sortie médiatique. Son expérience et son expertise seraient mieux utiles au travers de propositions dans une posture davantage prospective plutôt que d’analyser partiellement les faits comme c’est le cas dans sa réflexion sur le dernier sommet de la SADC.
MODJO A.E.
Chercheuse sur les questions diplomatiques et de coopération internationale
Membre de la Force Grise/DPS