Nomination d'un Consul à Goma : le Kénya rassure que la procédure nécessitera l’autorisation du gouvernement de Kinshasa avant que le consul général n’assume ses fonctions

William Ruto et Félix Tshisekedi
William Ruto et Félix Tshisekedi

La nomination par le Président Kényan William Ruto d’un consul dans la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu sous contrôle de la rébellion de l'AFC/M23 soutenue par le Rwanda vient de raviver une nouvelle fois les tensions diplomatiques entre Kinshasa et Nairobi. 

Alors que le gouvernement congolais rappelle que toute nomination consulaire sur son territoire, y compris à Goma, ville du Nord-Kivu sous occupation de l’AFC/M23, doit obtenir l’agrément préalable et l’exequatur du Ministère des Affaires étrangères, conformément au droit international et à la Convention de Vienne, Nairobi précise que la nomination présidentielle ne constitue pas en soi une affectation diplomatique automatique. 

"Conformément à la Constitution du Kenya, aux pratiques et protocoles diplomatiques, une fois la nomination approuvée par le Parlement, le Kenya doit demander officiellement l'agrément ou l'acceptation des États hôtes concernés, y compris la RDC, avant l'affectation diplomatique. Dans le cas de Goma, la procédure nécessitera en outre la délivrance d'un exequatur ou d'une autorisation du gouvernement de la RDC avant que le consul général du Kenya puisse assumer ses fonctions officielles", rassure dans un communiqué publié ce lundi 18 août et signé par Dr Musalia Mudavadi Premier secrétaire du Cabinet et secrétaire du Cabinet chargé des Affaires étrangères et de la diaspora du Kenya. 

Au nom du gouvernement du Kenya, il tient à souligner que l'article 132 (2) de la Constitution de la République du Kenya confère au Président le pouvoir de nommer et, avec l'approbation de l'Assemblée nationale, de nommer, entre autres, les Hauts-Commissaires, les Ambassadeurs et les représentants diplomatiques et consulaires. De même, cet article habilite le Président à révoquer les fonctionnaires. Le Président du Kenya a dûment soumis les nominations applicables à l'Assemblée nationale pour examen et approbation, conformément à la Constitution et à la loi sur les nominations publiques (approbation parlementaire).

"Il s'agit du processus transparent, rigoureux et démocratique mis en place au Kenya, systématiquement respecté en pleine conformité avec notre Constitution, nos pratiques diplomatiques et les normes internationales. L'objectif de la récente restructuration du service extérieur du Kenya est d'optimiser les performances et d'améliorer la prestation de services, conformément à notre Programme de transformation économique ascendante (BETA). Cette restructuration n'est motivée par aucune géopolitique défavorable et ne vise pas à compromettre les efforts de paix régionaux en cours, ni l'intégrité territoriale et la souveraineté d'un État. Le Kenya reste fermement attaché aux initiatives de paix en RDC, notamment l'initiative conjointe CAE-SADC-UA, dont nous assurons la coprésidence", a soutenu Dr Musalia Mudavadi, Premier secrétaire du Cabinet et secrétaire du Cabinet chargé des Affaires étrangères et de la diaspora. 

Il a réitéré l'engagement du Kenya à respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de la RDC. À l'en croire, le Kenya et la RDC sont des partenaires stratégiques dans plusieurs domaines, notamment le commerce, l'intégration économique régionale et la sécurité. L'étendue des opportunités et les intérêts stratégiques communs entre les deux nations continuent de favoriser la prospérité commune et un partenariat durable, au bénéfice mutuel de deux peuples.

"Le Kenya et la RDC entretiennent des relations diplomatiques de longue date depuis l'indépendance en 1963. Le Kenya a établi sa représentation diplomatique résidente à Kinshasa en 1968, tandis que la RDC a ouvert sa mission résidente à Nairobi à la même époque. Il est à noter que la RDC dispose d'un consulat à Mombasa depuis le 25 septembre 2023, tandis que le Kenya a inauguré son consulat général à Goma le 1er mars 2022. Cela confirme le renforcement des liens bilatéraux pour un partenariat mutuellement bénéfique. En effet, plusieurs pays, tant en Afrique qu'à l'extérieur du continent, ont établi une présence diplomatique à Goma afin de renforcer leurs liens et de faciliter les partenariats commerciaux", a indiqué Dr Musalia Mudavadi, Premier secrétaire du Cabinet et secrétaire du Cabinet chargé des Affaires étrangères et de la diaspora. 

Cette mise au point intervient dans un climat de fortes tensions entre Kinshasa et Nairobi. On rappelle qu’n décembre 2023, le président kényan William Ruto avait réagi à la demande congolaise d’arrêter Corneille Nangaa et Bertrand Bisimwa, respectivement ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et responsable politique du M23, en déclarant : « Le Kenya est une démocratie. Nous ne pouvons pas arrêter chaque personne qui fait une déclaration ». Ces propos avaient choqué les milieux diplomatiques et provoqué des remous au sein de la classe politique congolaise.

Dans la même période, Corneille Nangaa annonçait la création d’un mouvement politico-militaire baptisé « Alliance fleuve Congo », dont l’objectif affiché est de renverser le pouvoir de Kinshasa. L’annonce était intervenue après le départ des troupes de l’EAC de la RDC, alors que Kinshasa préparait les élections et accélère le processus de retrait de la Mission de l’ONU (Monusco).

La RDC avait réagi en rappelant son ambassadeur en poste au Kenya et en convoquant le chargé d’affaires kényan à Kinshasa pour obtenir des explications. Ces tensions persistent alors que Nairobi continue de piloter une partie du processus de paix dans l’Est congolais.

Clément MUAMBA