"Pour faire de la RDC un pays émergent en 15 ans” (Noël K. Tshiani) - Tribune

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Aujourd'hui, on vous propose cette chronique de Noël Kabamba Tshiani Muadiamvita, Docteur en sciences économiques, candidat à la présidence de la République Démocratique du Congo lors de l'élection de décembre 2018 et auteur du Plan Marshall de Noël Tshiani pour la reconstruction et le développement de la RDC.

TRIBUNE. Face aux maux qui accablent la RDC, une autre vision du développement du pays s'impose pour les défis à relever. Au cœur de la vision se trouvent la politique des grands travaux d’infrastructures, l’industrialisation et le soutien aux Petites et Moyennes Entreprises ainsi que des investissements dans le capital humain.

Situation économique et sociale catastrophique, pauvreté extrême, corruption endémique, insécurité généralisée : la République démocratique du Congo (RDC) est aujourd'hui l'exemple typique de la mauvaise gouvernance économique et politique d'un pays. En dépit de ses immenses ressources naturelles et humaines, elle a aujourd'hui le produit intérieur brut (PIB) par habitant le plus bas du monde et est classée 228e sur 228 pays, selon le classement effectué par Indexmundi et Wikipédia qui s'appuient sur les statistiques de la Banque Mondiale (BM) et du Fonds monétaire international FMI). En d'autres termes, la RDC est le pays le plus pauvre et le moins développé du monde.

L'état des lieux révèle des insuffisances à tous les niveaux.

Depuis l'accession à l'indépendance, la RD Congo a vécu de longues années d'instabilité politique permanente, de mauvaise gouvernance et de stagnation économique. De quoi expliquer ce classement.

La République démocratique du Congo a besoin d'une nouvelle vision pour sortir du sous-développement. Objectif : placer la RD Congo sur la voie d'un développement économique et social durable qui profite à tous ses citoyens. La situation économique et sociale qui résulte de la gouvernance du pays depuis 1960 à ce jour est catastrophique. Le taux de chômage avoisine 80 % de la population active, et le pays, surendetté, est incapable de faire face à ses obligations nationales et internationales. Il est d'ailleurs classé en dernière position de l'Indice de développement humain du Programme des Nations unies pour le développement.

Qualité de la population 

Le plus grand défi de développement de la RDC est la qualité de la population. L’éducation et la santé ont été négligées depuis l’accession du pays à l’indépendance au point que les écoles, universités et hôpitaux n’existent que de nom aujourd’hui. Par conséquent, beaucoup de jeunes sortent des universités sans savoir ni lire ni écrire correctement. Il n’y a pas une seule université congolaise dans les 200 premières universités africaines. L’espérance de vie à la naissance n’est que de 50 ans. Les Congolais meurent trop vite et trop tôt au point que les maisons funéraires sont pleines et il faut rester en ligne pour attendre son tour avant d’enterrer les siens. 

Pauvreté

La pauvreté extrême est assise sur 38.000 milliards de dollars de ressources naturelles. Avec un PIB par habitant de 800 dollars US en 2018, la RDC est le pays le plus pauvre du monde, avec plus des deux tiers de la population en dessous du seuil de pauvreté de 1,25 dollar par jour. Le pays ne peut pas assurer une bonne scolarisation ni une couverture sanitaire adéquate à sa population. Seulement 10% de la population ont accès à l'eau potable et à l'électricité, et ce, essentiellement dans les milieux urbains. La majorité de la population vivant dans les milieux ruraux est abandonnée à son triste sort. Les infrastructures de base (routes, ports, aéroports, chemins de fer, hôpitaux, écoles, et marchés publics) sont très peu développées.

Insécurité

L'insécurité est ressentie sur l'ensemble du territoire national. Jusqu’à une époque récente, les libertés individuelles étaient bafouées et les droits humains ne sont pas respectés. Il n'existe ni une justice indépendante ni une administration publique fonctionnelle. La démocratie n'existe que de façade et se traduit par des résultats des élections contestés à tous les niveaux, ce qui rend très fragiles et faibles les institutions de la République. Les conditions préalables au développement durable ne sont pas réunies alors que ce pays de 92,7 millions d'habitants regorge d'importantes ressources naturelles : 1 100 minerais et métaux précieux différents d'une valeur estimée à 38.000 milliards de dollars ; 120 millions d'hectares de terres arables ; 135 millions d'hectares de forêts ; 100 000 mégawatts de potentiel d'énergie hydroélectrique, de sources diverses d'énergie renouvelable (solaire, biomasse, géothermie, charbon, nucléaire, et gaz méthane) et de ressources énormes de pêche et d'élevage.

Corruption

La corruption est endémique et même banalisée dans toutes les sphères de la vie nationale. La corruption se réclame ouvertement sous une appellation savante de “motivation”. Transparency International classe la RDC parmi les pays les plus corrompus de la planète. Le Panel des experts africains dirigé par Thabo Mbeki estime que 85% des ressources naturelles de la RDC n'entrent pas dans le budget national, mais plutôt dans des poches de particuliers. Le budget annuel entre 4 et 9 milliards de dollars entre 2010 et 2018 n'est donc qu'une petite fraction de ce qu'il aurait pu être dans un environnement sans corruption. Le classement fait par la Banque Africaine de Développement (BAD) de tous les 55 pays africains d’après leurs budgets annuels en fin 2018 met le Nigeria en tête avec $581 milliards et la RDC en dernier avec $4 milliards. Un scandale et une honte nationale pour les Congolais. Dans mes estimations, la RDC est capable de mobiliser au moins 75 milliards de dollars américains en terme de budget annuel moyennant la bonne gouvernance. 

Monnaie, banques et finances

La monnaie nationale n'existe que de nom et est totalement supplantée par le dollar américain qui représente 95% de l'économie nationale. La dollarisation coûte cher au pays en termes de revenus de seigneuriage et empêche la conception et la mise en œuvre d'une politique monétaire crédible. La Banque Centrale soumise a perdu sa raison d'être et laisse se développer un système financier extraverti sans impact sur l'économie nationale. Toutes les banques commerciales du pays appartiennent aux étrangers et ne sont bonnes que pour organiser la fuite des capitaux et le blanchiment d’argent sale. Il n’existe pas d’institution d’assurance des dépôts bancaires au point que pendant les deux dernières décennies, toutes les faillites bancaires ont entraîné la perte par le public de tous leurs dépôts. Ce phénomène est en partie à l’origine de la perte de confiance des Congolais dans le système financier. Il n’existe pas de marché boursier ni de marché des capitaux au point que la vente des entreprises congolaises se passe entre étrangers au grand dam des Congolais, marginalisés dans leurs propres pays. L’Américain Freeport MacMoran a vendu récemment toutes ses participations dans Tenke Fungurume à China Molybdenum à l’insu du public et même du gouvernement congolais.

Justice  pour les riches

La justice est tellement corrompue que personne ne peut gagner un procès sans corrompre les juges et le personnel judiciaire à tous les niveaux. A la Cour de cassation et dans toutes les autres juridictions, sur les juges se réunissant en plénière, il faut débourser de l’argent pour au moins la moitié d’entre eux pour espérer gagner lorsque la décision est prise par majorité de vote. Et lorsque les discussions entre juges en plénière évoluent dans le sens contraire à la volonté du Premier Président de la Cour, ce dernier suspend les délibérations pour décider d’autorité en faveur de son « client » de qui il a déjà reçu une motivation. Sans scrupule. Depuis l’alternance au sommet de l’Etat intervenue le 24 janvier 2019, les choses tardent à changer car les mêmes juges corrompus sous l’ancien régime continuent à être en place. La justice condamne les pauvres et les faibles sans les avoir même entendus. Elle blanchit les riches et les barrons du régime qui versent des sommes faramineuses aux juges et magistrats véreux. 

Les gens vont jusqu’à soudoyer le Ministère public pour avoir un avis favorable sur le banc même si son avis n’influence pas nécessairement la décision du juge. Les greffiers sont tellement partisans qu’ils se permettent à dessein et sans vergogne à ne pas enregistrer les déclarations de la partie sans moyens financiers. Au greffe, la disparition des pièces importantes du dossier est une manœuvre courante pour affaiblir l’adversaire. Certaines personnes perdent des procès auxquels elles n’ont jamais participé pour n’avoir jamais été notifiées alors que dans les registres du tribunal, des fausses pièces de notification y sont versées. Au delà des juges, les avocats contactés par la partie adverse finissent par plaider contre leurs propres clients pour obtenir leur condamnation moyennant une “motivation”.

Pour restructurer la justice en RDC, le point de départ est de renouveler tous les juges et personnel judiciaire. Il faut donc sanctionner et révoquer tous les juges condamnés en prise à partie et envoyer à la retraite tous ceux qui sont habitués à ces mauvaises habitudes. Ils sont tous connus. 

La nécessité d'une nouvelle vision du développement

Il est très important que la population congolaise et les dirigeants actuels et futurs prennent conscience de la gravité de l'échec du modèle de développement suivi jusqu'à ce jour. A répéter les mêmes erreurs du passé, on reproduira les mêmes résultats : le sous-développement, la pauvreté, le chômage des masses, et la grogne sociale. Aussi, il me semble qu'un « plan Marshall pour la RDC » échelonné sur 15 ans pourrait aider à sortir de l'ornière. 

Loin de moi les réformes cosmétiques habituelles qui laissent les problèmes intacts et font l'éloge d'une croissance économique sans impact réel sur le vécu quotidien de la population. Ma proposition vise à transformer fondamentalement la société afin de créer des opportunités pour que toute la population congolaise sans exclusion et sans discrimination puisse elle-même se prendre en charge définitivement.

Un « plan Marshall pour la RDC »... 

Il s'articule autour de quinze programmes complémentaires cohérents :  

1. Promouvoir la paix, la sécurité, l'Etat de droit et la démocratie ;  2. Promouvoir la bonne gouvernance et l'utilisation efficiente des ressources publiques ; 3. Investir d’ans les ressources humaines à travers l’accès de tous à l’éducation et la santé de qualité ; 4 Promouvoir l’autosuffisance alimentaire en mécanisant l’agriculture, l’élevage et la pêche ; 5. Promouvoir l'émergence de la finance nationale en réformant la Banque Centrale, la monnaie nationale et le système financier ; 6. Promouvoir l'émergence d'un secteur privé national responsable ; 7. Favoriser la réalisation de grands travaux d'infrastructures. Il s'agira de mettre en œuvre  un programme pluriannuel de construction d’infrastructures à haute intensité de main-d’œuvre comprenant, entre autres, les routes, autoroutes, chemins de fer, écoles publiques, hôpitaux publics, aéroports, 243 villes et villages modernes à travers tout le pays qui seraient équipées des infrastructures telles que l’eau, l’électricité, les télécommunications, les centres de récréation, les centres commerciaux, les services administratifs, les quartiers résidentiels, les champs d’exploitations industrielles, agricoles, d’élevage ou de pêche, etc. ;  8. Favoriser et accélérer l’industrialisation du pays ; 9. Promouvoir l'intégration nationale et l'intégration régionale ; 10. Promouvoir le développement du tourisme et l’éclosion du secteur tertiaire ; 11. Protéger l’environnement pour la santé et la survie de notre population ; 12. Promouvoir le changement des mentalités et la moralisation de la vie publique pour soutenir le développement durable du pays ; 13. Promouvoir l’image positive du pays ; 14. Mobiliser les ressources humaines pour mettre en oeuvre le Plan Marshall ; et 15. Mobiliser les ressources financières évaluées a $800 milliards sur 15 ans pour mettre en oeuvre le Plan Marshall.

Accélérer l’industrialisation  et promouvoir les PMEs/PMIs

La RDC devra viser la  transformation locale de ses minerais et de ses ressources naturelles en favorisant l’industrialisation et l’émergence des petites et moyennes entreprises et industries afin de créer de l’emploi pour ses populations et éliminer la pauvreté. La RDC est un pays aux ressources naturelles immenses. Sa superficie équivaut aux deux-tiers de l’Union européenne. Deuxième grand pays africain après l'Algérie et le plus grand pays d'Afrique subsaharienne en termes de superficie, la RDC est le pays le plus peuplé du continent après le Nigeria, l'Egypte et l'Ethiopie. Sa situation géographique la met au cœur de l'Afrique et à distances égales vers l'Afrique du Sud au Sud et l'Algérie au Nord du continent. La RDC et ses neuf pays voisins ont une population de 280 millions d'habitants. 

La RDC a été à l’avant-garde des développements mondiaux depuis des siècles. Le pays a fourni des pointes d’ivoire lorsque l’Europe jouait au piano et au billard. Il a fourni du caoutchouc lorsque le pneu gonflable a été inventé par Dunlop. Il a fourni du cuivre pour fabriquer les obus utilisés durant les deux guerres mondiales. Il a fourni de l’uranium qui a beaucoup compté dans la décision américaine de mener une offensive définitive au cours de la Seconde Guerre mondiale. C'est de la RDC que provient le coltan qu'on utilise pour fabriquer divers appareils électroniques tels que le smartphone, le Ipad, les ordinateurs et tant d’autres gadgets électroniques. La RDC est donc un pays stratégique dont les matières premières ont servi au développement industriel du monde occidental et qui a tous les ingrédients pour sa propre industrialisation. 

Le pays a une capacité de production de l’énergie hydroélectrique de 100.000 mégawatts dont seulement 1.700 sont utilisés. Le pays a un répertoire de plus de 1.100 minerais et métaux précieux différents d'une valeur estimée de 38.000 milliards de dollars, mais dont à peine une trentaine de minerais sont exploités de façon anarchique. Il détient des réserves de forêts qui s'étendent sur 135 millions d'hectares et sont les plus importantes dans le monde après le Brésil. Il a d'importantes réserves de pétrole dont les quantités et les niveaux ne sont pas connus de façon exhaustive comme le démontre la récente découverte du pétrole dans le parc de Virunga. Il détient 53 pour cent des réserves d'eau d'Afrique et 15 pour cent des réserves d'eau du monde. Il a aujourd'hui une population de 92,7 millions d'habitants dont 60 pour cent sont de jeunes de moins de 20 ans, et qui est projetée à 190 millions en 2050. • Avec toutes ces ressources naturelles et humaines, la RDC a le potentiel de devenir l’un des pays les plus riches d'Afrique et l’un de principaux vecteurs de sa croissance économique. Mais la question fondamentale que nous devons nous poser en tant que Congolais est la suivante : comment s’assurer que les revenus tirés de l’exploitation des ressources naturelles favorisent un développement économique, social et humain profitant à tous les Congolais?

Pour répondre à cette interrogation, je propose une politique d’industrialisation accélérée de la RDC qui  consisterait à développer une industrie locale à partir de ces minerais et métaux précieux et à partir de la mise en valeur planifiée de l’agriculture, de la pèche, de l’élevage et de la forêt. On ne peut pas se contenter d'exporter éternellement des matières premières brutes. Il faut créer de la valeur ajoutée et des emplois localement. 

En sélectionnant, par exemple, 100 de ces minerais et métaux précieux et en les transformant localement en produits semi-finis et produits finis à condition que chaque transformation crée de 5 à 10 emplois directs et indirects nouveaux au minimum à travers une chaîne de petites et moyennes entreprises en sous-traitance, la RDC créerait de 50 à 100 millions d’emplois nouveaux dans le pays en l’espace de 15 ans. Ce qui permettrait d'atteindre le plein emploi pour une population de 92,7 million de personnes dont un tiers constitue la population active. 

Pour mettre en oeuvre la politique d'industrialisation, je propose la création d'une Agence Nationale pour la Promotion de l'Industrialisation (différente de l’ANAPI) ayant pour missions : (1) d'inventorier les produits manufacturés pouvant être fabriqués localement à partir des minerais et métaux précieux ou d'autres matières premières du pays ; (2) de sponsoriser la recherche scientifique sur les matières premières, d'organiser des études de faisabilité de transformation et d'identifier les investisseurs potentiels ; le gouvernement facilitera la création d'un centre de recherche technologique pour promouvoir des recherches scientifiques dans des domaines divers pour appuyer la politique d'industrialisation. L’agence aura aussi la mission de (3) d'organiser la création des zones de développement industrielles avec des facilités foncières et fiscales ; (4) de développer des zones franches pour l'exportation ; et (5) de négocier la délocalisation des entreprises de transformation en vue de leur implantation en RDC. 

La RDC pourrait ainsi devenir, comme la Chine, le Vietnam ou l’Indonésie, un centre de production mondiale de certains produits semi-finis et finis. Les Congolais ne demandent pas mieux parce que notre population est travailleuse si on lui en donne l’opportunité. Jusqu’à ce jour, personne ne leur a donné du travail au point où 85% de la population active est au chômage. Une telle évolution créerait le plein emploi en 15 ans et nécessiterait même l’importation de la main d’œuvre étrangère pour combler le déficit en ressources humaines. La main d’œuvre étrangère proviendrait des pays africains, d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord. Tout le monde gagnerait de la mise en oeuvre de cette stratégie de développement. Un tel succès confirmerait la RDC dans son rôle de stabilisateur dans la région de grands lacs et de moteur de l’économie africaine. La réussite d’une telle politique d'industrialisation accélérée passe par une plus grande intégration économique.

Favoriser la réalisation de grands travaux d'infrastructures 

Il s'agira d'implementer un programme pluriannuel de construction d’infrastructures à haute intensité de main-d’œuvre comprenant, entre autres, les routes, autoroutes, chemins de fer, écoles publiques, hôpitaux publics. Il s'agira aussi de favoriser la construction de 244 villes et villages modernes dans les 26 provinces à travers tout le pays qui seraient équipées de la même façon des infrastructures telles que l’eau, l’électricité, les télécommunications, les centres de récréation, les centres commerciaux, les services administratifs, les quartiers résidentiels, les champs d’exploitations industrielles, agricoles, d’élevage ou de pêche. Nous allons créer les mêmes conditions de vie pour toutes nos populations dans toutes les 26 provinces du pays sans discrimination et sans exception. 

L’ambition doit être de bâtir un pays plus beau qu’avant et où il fait bon vivre partout. La politique des grands travaux d'infrastructures doit être mise en oeuvre en suivant le plan directeur national pour éviter des actions au hasard sans cohérence et ne s’inscrivant pas dans une vision d’ensemble. 

Promouvoir l’autosuffisance alimentaire

La promotion de l'autosuffisance alimentaire se fera par le développement et la mécanisation de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche et la mise en valeur planifiée et ordonnée de nos forêts, de notre fleuve, de nos rivières et de nos lacs. La RDC a 120 millions d’hectares de terres arables bonnes pour l'agriculture dont seulement 5% sont utilisés pendant que notre population meurt de faim et nous importons presque tout ce que nous consommons. 

Pour corriger cette défaillance, nous allons favoriser l’émergence d’une série de petites et moyennes entreprises en mécanisant l’agriculture, l’élevage et la pêche ; développer un système de financement des activités agro-pastorales ; construire des infrastructures dans les milieux ruraux : routes, électricité, eau et télécommunication ; attirer des investissements dans les secteurs de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche pour développer une industrie agro-alimentaire complète dans le pays ; et mettre en place un mécanisme d'achat des produits agro-pastoraux et d'écoulement de ces produits vers les marchés intérieurs et extérieurs afin de promouvoir le développement économique et garantir un pouvoir d’achat adéquat aux producteurs, aux paysans, aux pécheurs et aux éleveurs. De cette façon, nous allons promouvoir des petites et moyennes entreprises qui créeront des millions d'emplois et réduire la pauvreté dans les milieux ruraux où vivent 60 à 75 pour cent de nos populations. 

Émergence au coût de 800 milliards de dollars sur 15 ans

La stratégie doit reposer sur le secteur privé comme principal moteur de la croissance. Elle devrait également s'appuyer sur un libéralisme à visage humain avec une dose raisonnable d'interventionnisme étatique. Au vu de graves inégalités dans la société, le libéralisme aveugle aboutirait à plus de frustrations sociales. Pour corriger ces inégalités, l’Etat doit nécessairement jouer le rôle, d’une part, de régulateur et, d’autre part, d’investisseur ou acteur dans l’économie en attendant de créer la demande. Le pays pourrait ainsi mobiliser les Congolais de l'intérieur et de la diaspora pour la mise en œuvre de cette vision de développement avec une forte implication des nationaux. 

L’Etat fera appel à l'expertise internationale quand cela sera nécessaire. Mais, pour le faire, l’Etat lui-même et ses animateurs doivent être éduqués suffisamment pour ne pas se laisser berner avec les mêmes recettes imposées de loin sous des conditionnalités qui se sont avérées infructueuses pendant les six derniers. Au rythme actuel, les mêmes erreurs assises sur les réformes cosmétiques sans véritable appropriations nationales produiront sans aucun doute les mêmes résultats sans impact réel sur le vécu quotidien de la population. L’abandon des réformes cosmétiques au profit des réglages structurels pour réaliser un développement durable aura un coût très élevé. 

Il est important de noter que le coût total pour la mise en œuvre de ce « plan Marshall » est de 800 milliards dollars US sur 15 ans. Ce montant très important pourra être mobilisé sur une combinaison des ressources intérieures, des contributions des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux ainsi que du secteur privé sous forme d'investissements directs étrangers.

Pour la réussite de la mobilisation de ressources financières, plusieurs facteurs vont compter : un leadership politique qui doit être crédible et à la hauteur des ambitions de développement du pays, une bonne gouvernance pour s'assurer que les ressources publiques sont utilisées de façon efficiente, des politiques économiques et sociales saines, une lutte sans merci contre la corruption, des institutions stables, la cohésion nationale et enfin la paix et la sécurité sur l'ensemble du territoire national.

Aux grands maux, les grands remèdes

Les Congolais ne peuvent pas sortir de la pauvreté extrême et du sous-développement par le biais des discours et des querelles politiciennes. L'ampleur des problèmes et des défis à relever est telle qu'il faut une certaine expertise nationale, de la méthode et de la détermination pour concevoir et mettre en œuvre une véritable vision de développement de ce pays continent. 

Les Congolais doivent comprendre que personne de loin sans agenda caché ne viendra concevoir une vision de développement pour eux. Tant qu'ils n'ont pas compris cela, la RDC continuera à accumuler du retard de développement et sa population continuera à vivre dans la pauvreté en dépit des immenses ressources naturelles dont le pays dispose.

Une approche ambitieuse mais réalisable

Ma vision de développement de mon pays est certes ambitieuse, mais réalisable dans un environnement national démocratique nouveau impulsé par la force du changement qui doit animer chacun de nous. Si nous éradiquons la corruption, l'impunité et toutes sortes d'antivaleurs, si nous mettons en place un État de droit fonctionnel et améliorons la gouvernance sous un leadership visionnaire, compétent, responsable et intègre, l'État aura des moyens suffisants pour se doter d'un budget annuel d'au moins 75 milliards de dollars à la hauteur de l'immensité du pays pour implémenter cette vision de développement qui devrait permettre d'atteindre le plein-emploi et faire passer le PIB par habitant actuellement de 800 dollars US à 15 000 dollars US dans 15 ans.

Les réformes cosmétiques de court terme ne sont pas suffisantes pour changer le destin de notre pays. Toutes les actions doivent s'inscrire dans cette vision de développement à long terme qu'est ce plan Marshall pour la RDC. J'invite mes compatriotes à s'approprier cette vision de développement qui nous permettra de sortir du sous-développement, de créer des emplois pour un plus grand nombre, d'éradiquer la pauvreté, de faire entrer le pays dans le groupe des pays à revenus intermédiaires, et de redonner la dignité à  notre peuple.