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Aujourd'hui, on vous propose cette chronique du professeur Adolphe Voto.
Ceux qui ont défié Joseph Kabila politiquement ne sont pas morts, ni politiquement, ni physiquement. Au contraire, ils se sont refait une santé politique. Par contre, ceux qui ont manqué le courage de défier Kabila sont morts politiquement, certains physiquement.
LE DEFI POLITIQUE
Joseph Kabila, comme ses prédécesseurs aura sensiblement marqué l’histoire de son pays, si bien qu’à un moment, toute la politique congolaise se défini par le rapport de chaque acteur politique avec celui qui commande, selon qu’on est opposant ou collaborateur. C’est dans ce rapport dualiste que se situe chacun des hommes politiques. En République Démocratique du Congo, la vie politique n’est pas définie par une idéologie, mais par le rapport avec le chef. Soit on est avec lui, soit on n’est pas avec lui. C’est cela l’idéologie politique congolaise. Chercher à schématiser la scène politique congolaise en idéologie de gauche ou de droite, en républicain ou en démocrate, c’est perdre son temps. Par ce que du jour au lendemain, les acteurs qui se disent de gauche se retrouvent à droite pour un poste ou ceux de droite font alliance avec ceux de gauche pour partager le pouvoir. Tout ce qui compte, c’est être avec pour partager le pouvoir ou ne pas être avec pour attendre le pouvoir. Aussi, il n’est pas étonnant de voir un Nzanga Mobutu ou un Félix Tshisekedi faire alliance avec le camp Kabila qu’ils ont combattu de père en fils.
CEUX QUI ONT DEFIE LE CHEF
A part les membres de l’opposition dont le rôle est connu pour défier le pouvoir en place, parmi les personnalités qui ont choisi à un moment de leur carrière politique de défier Joseph Kabila, on peut citer Moïse Katumbi, les membres du G7, notamment Pierre Lumbi et José Endundo ; certains acteurs politiques qui jouent à la cinquième colonne au sein de la majorité comme Henri Thomas Lokondo, Kinkiey Mulumba, Modeste Bahati, etc.
Tous ces acteurs politiques qui ont travaillé avec Kabila ont eu le courage, à un moment donné, de défier le chef. Ils ne sont morts ni politiquement, ni physiquement. Par contre, certains se sont refait une santé politique et ont garanti leur avenir politique avec possibilité de survivre à l’ère Kabila. On se souviendra de la lettre du G7 adressée à Joseph Kabila pour lui demander de ne pas briguer le troisième mandat, lettre qui rappelle celle des treize parlementaires à Mobutu. On se souviendra également des propos du député Bolengetenge du MSR à Kingakati face à Kabila pour lui demander de ne pas briguer un troisième mandat.
Par contre, beaucoup sont ceux qui n’ont pas eu assez de courage pour défier Joseph Kabila. Ils ont choisi de jouer à l’hypocrisie, soit par peur d’un Kabila qui a été souvent présenté, parfois à tort, comme un monstre, soit simplement par la boulimie du pouvoir. Ils ont ainsi compromis leur carrière. Certains sont morts physiquement, d’autres politiquement.
MOISE KATUMBI
L’ancien gouverneur du Katanga a été l’un des plus proches collaborateurs de Joseph Kabila. Ils ont eu à partager des secrets politiques et des secrets d’affaires. Mais à un moment, devant les dérives dictatoriales de Joseph Kabila, il a choisi de prendre ses distances. Bien au contraire, il est allé plus loin en déclarant sa candidature en remplacement Kabila. On se souviendra de la célèbre formule ‘’troisième penalty.’’ L’histoire lui donnera raison et Kabila ne marquera pas un troisième penalty. Malgré que Moïse Katumbi a été empêché d’être candidat, il s’est bien positionné et compte aujourd’hui sur la scène politique congolaise. C’est vrai qu’à un moment il a eu des soucis de santé physique, mais il n’est mort, ni physiquement, ni politiquement. Il est encore plus vivant qu’avant.
PIERRE LUMBI
Parmi ceux qui étaient avec Kabila et qui se sont rebellés, il faut citer les membres du G7, notamment Pierre Lumbi. C’est encore un proche des proches. Pierre Lumbi a été conseiller spécial de Kabila. Il n y a pas plus proche que cela. Lui aussi, à un moment, comme Moïse Katumbi, a choisi la voie de la rébellion. Personne ne pouvait croire que Pierre Lumbi quitta Kabila. Ou c’est une supercherie, ou c’est impardonnable. C’est comme une femme qui divorce avec son mari. C’est le passage de l’amour à la haine. Mais quelques années après, Pierre Lumbi est vivant et en très bonne santé politique. Son parti est parmi ceux qui ont fait élire assez de députés de l’opposition et il compte dans l’échiquier politique congolais.
JOSE ENDUNDO
Un autre qui a quitté Kabila et qui a rebondit, c’est José Endundo. Le Président du PDC a été plusieurs fois Ministre de Kabila. Mais lui aussi a choisi de quitter Kabila avec les G7. Cette décision lui a permis de se refaire une santé politique. Originaire de l’Equateur, José Endundo n’a pas été élu en 2011 à cause de son appartenance au camp Kabila. Mais à cause justement de son éloignement de Kabila, il est triple brassard en 2018 : Il a été élu à la fois député provincial, député nationale et sénateur. Il peut encore espérer une longue carrière politique.
HENRI THOMAS LOKONDO
L’éternel élu de Mbandaka est connu pour sa grande gueule face au pouvoir auquel il appartient. Faisant partie de la Majorité Présidentielle, Henry Thomas Lokondo a souvent nagé à contre-courant au sein de cette majorité. La dernière parade, c’est lorsqu’il se présente comme candidat indépendant à la présidence du Sénat, alors que Joseph Kabila avait déjà désigné Jeanine Mabunda pour le compte du FCC. HTM ne joue ni à l’hypocrisie au sein de la Majorité, ni à un scénario pour distraire l’opinion. Il a choisi son combat : celui de dire non quand il faut dire non, même si c’est le chef qui parlé. Cette prise de position lui vaut l’estime aussi bien des Congolais que de la majorité au pouvoir qui n’a pas le courage de le défenestrer. Thomas Lokondo a certainement une longue carrière politique.
KINKIEY MULUMBA
Opportuniste ou réaliste ? En tout cas KKM a eu le courage politique de prendre position au moment où le bateau Kabila prenait de l’eau à la veille des élections présidentielles de 2018. La Majorité Présidentielle avait pris l’option d’une candidature unique après que Kabila s’est désisté de la course. Le chef va désigner Emmanuel Ramazani Shadari pour des raisons qui lui sont propres. Tout le monde savait que c’était un mauvais choix et Shadari n’avait aucune chance pour gagner. Mais étant donné la peur et l’hypocrisie qui caractérisent cette majorité, toux ceux, comme Matata Mponyo ou Modeste Bahati qui avaient des ambitions et pourtant valaient mieux que Shadari, ont préféré se taire. Kinkiey Mulumba qui pourtant, s’est montré à un moment plus plus kabiliste que les kabilistes avec son ‘’Kabila désir’’ et ‘’Kabila totondi yo nano te’’, va trouver un prétexte : si le chef n’est pas candidat, il n y a pas de raison que je ne sois pas candidat. Kinkiey Mulumba va annoncer sa candidature aux élections présidentielles, même si personne ne pouvait lui donner même 1 pourcent des voix. Son parti n’étant implanté qu’à Kinshasa et dans son Masimbanimba natal. Mais la politique, c’est aussi le calcul. L’élection présidentielle étant à un seul tour, Kinkiey qui a le flair journalistique pressent vers qui le pouvoir va basculer. Il propose une alliance avec Fatshi. La suite, on la connait. Kinkiey peut espérer aujourd’hui rentrer proprement dans le nouveau gouvernement pendant que ceux qui sont restés fidèles à Kabila et contestés pour leur passé se demandent s’ils seront sur la liste de Félix Tshisekedi.
MODESTE BAHATI
Rusé comme Kinkiey Mulumba, Modeste Bahati n’est pas opportuniste. C’est l’un des hommes politiques congolais les plus réalistes et les plus ambitieux. Quand il s’agit de ses intérêts Bahati n’a rien de modeste. Venant de la société civile, il a juré de ne jamais être dans l’opposition. Et c’est en restant au sein du pouvoir qu’il mène son combat pour le pouvoir. A la fin du mandat de Kabila, il est tenté de faire route avec les G7, mais il se ravise à la dernière minute pour ne pas déroger à ses principes. Lorsque Kabila se retire de la course, il exprime ses ambitions pour la présidentielle. Mais il est bloqué par les consignes de la majorité. Il a un poids politique qui fait parfois peur eu PPRD. Lorsque Shadari n’est pas élu, il exprime ensuite ses ambitions pour la présidence de l’Assemblée nationale. Le PPRD au courant lui coupe l’herbe sous les pieds. Il ne sera pas sur la liste des fidèles du pouvoir récompensés par la Ceni. Mais sa coalition AFDC et alliés rafle beaucoup de sièges à tous les niveaux. Encore une foi, l’AFDC subi des injustices au sein du FCC dans la répartition des postes, tant aux élections des gouverneurs, des gouvernements provinciaux que des bureaux des Assemblées provinciales. Bahati est mécontent. Mais comme un ressort, plus on le presse, plus haut il rebondit. Il sort sa dernière carte : il est candidat à la présidence du Sénat, malgré que le chef a présenté Alexis Tambwe Mwamba. Une candidature à prendre au sérieux.
UN VOTE INCERTAIN
Contrairement à Bahati, Tambwe Mwamba traine beaucoup de casseroles. D’abord, il n’est pas du Pprd et on lui reproche d’être conflictuel et suffisant. Il a plusieurs dossiers sur le plan international. Il est victime d’un mandat ciblé des Etats Unis et de l’Union européenne. Il est poursuivi par la justice belge pour l’attentat contre l’avion de Congo Airlines abattu par le RDC pendant la rébellion. Il a un dossier avec l’ancien garde du corps américain de Moïse Katumbi qu’il avait accusé injustement de mercenaire.
Face à tous ces dossiers, Bahati qui a la sympathie de ceux qui ont toujours eu des ambitions au sein du FCC et qui se taisent par peur, risque de surprendre. A moins que sa candidature soit écartée d’avance comme ce fut le cas avec Thomas Lokondo. Dans cette hypothèse, Bahati n’aura rien perdu. Il peut néanmoins obtenir réparation des injustices subi en compensation du retrait de sa candidature au niveau du gouvernement et des entreprises publiques. Sinon, il sera obligé de quitter le FCC, avec le risque pour le FCC qu’il soit récupéré par Félix Tshisekedi pour tenter de former une nouvelle coalition avec Lamuka et les indépendants.
CEUX QUI ONT PEUR DU CHEF
Par contre, beaucoup sont ces cadres du FCC qui ont peur de Kabila et qui sont victimes du système. Ce sont des cadres de grande valeur avec des grandes ambitions, mais qui n’ont pas le courage d’affronter Kabila qui les a pris pratiquement en otage. Ils se cachent derrière une fausse fidélité alors qu’ils déplorent des mauvais choix du chef en privé. Manquant du courage politique, ils finiront par couler. Ils donnent l’impression d’avoir scellé leur sort à celui de Kabila, alors que c’est faux. Ce sont eux qui disaient : c’est Kabila ou rien avant que ce dernier ne les surprenne en arrêtant la course. La plupart d’eux sont en déphasage avec la population si bien que leur retour aux affaires est contesté d’avance. Ils sont en train de mourir politiquement à petit feu.
La proximité du chef ne dispense, ni de la mort politique, ni de la mort physique. Katumba Mwanke et Samba Kaputo sont partis, mais Pierre Lumbi est très vivant. Qu’on soit allié naturel ou de circonstance, il n’y a aucune raison de ne pas s’exprimer si les ambitions politiques et l’intérêt national l’exigent.