Le Centre culturel de la Wallonie-Bruxelles de Kinshasa a reçu le lancement de la neuvième édition du Festival des films Alimeterre, dans la soirée du vendredi 31 octobre. Les activités ont été lancées sous le signe, cette année, de l’agroforesterie et de la restauration des terres congolaises.
Organisé par l’ONG Humundi, le festival s’impose désormais comme un rendez-vous incontournable du calendrier agricole congolais. À travers des films, des débats et des expositions, il met en lumière les savoirs paysans et promeut une alimentation durable et juste.
« À travers ce thème, le festival veut mettre en lumière le savoir paysan, encourager les politiques publiques favorables à l’agroécologie et inspirer une nouvelle génération d’agriculteurs, de citoyens et de décideurs engagés pour la souveraineté alimentaire en RDC », a déclaré Jean-Pierre Usseni, représentant pays de Humundi, à l’ouverture.
L’édition 2025 innove avec la création du village alimentaire, un espace vivant mêlant foire agricole, expositions, dégustations, dialogues et expressions artistiques. Sur les stands, des produits issus de l’agroécologie congolaise s’exposent fièrement. Il s’agit entre autres de farines locales, jus de fruits naturels, semences traditionnelles et plats revisités à base de manioc et d’arachide.
« C’est un véritable carrefour entre producteurs et consommateurs, une vitrine du savoir-faire paysan congolais », explique Usseni.
Le festival se veut ainsi un lieu d’échanges et d’apprentissage collectif, rassemblant acteurs publics, privés et associatifs autour d’un même idéal, celui d’une alimentation durable, respectueuse de la terre et des hommes.
Autre innovation, la caravane alimentaire, une projection itinérante qui a traversé Kisangani, Budjala et Gemena. Des écrans dressés dans les villages, des chaises en bois, des discussions passionnées autour des films projetés ; l’ambiance y était à la fois conviviale et éducative.
« Cette caravane permet de donner la parole à ceux qui nourrissent réellement le pays, tout en bâtissant un pont entre le cinéma, l’éducation populaire et le changement social », a ajouté le représentant de Humundi.
Le festival se déploie cette année dans neuf provinces : Kinshasa, Kongo-Central, Kwilu, Tshopo, Sud-Ubangi, Kasaï Central, Kasaï Oriental, Haut-Katanga et Équateur.
L’agroforesterie au centre du débat
Si l’édition précédente dénonçait les méfaits des pesticides interdits sur la terre, celle de 2025 met l’accent sur la restauration des sols par l’agroforesterie.
« La neuvième édition est une continuité de la huitième. L’an dernier, on a montré les dégâts des pesticides ; cette année, on réfléchit à comment réparer la terre, notamment grâce à l’agroforesterie », explique Glodi Nkodi, coordonnateur du festival Alimenterre.
L’agroforesterie consiste à associer arbres et cultures sur une même parcelle. En RDC, cette pratique séduit de plus en plus de communautés rurales. Elle fertilise naturellement le sol, lutte contre l’érosion et diversifie les revenus grâce aux fruits, au bois ou aux produits forestiers non ligneux.
Sur le plateau des Bateke, par exemple, l’association d’acacias et de manioc a permis de reboiser des savanes dégradées tout en répondant aux besoins croissants en bois-énergie de Kinshasa.
Mais les défis restent notamment les droits fonciers incertains, le manque de semences de qualité, la faiblesse de l’encadrement technique. Pour Humundi, le festival sert aussi de tribune pour interpeller les décideurs sur la nécessité de soutenir ces pratiques agroécologiques.
Au-delà des innovations techniques, le festival met surtout en avant les visages et les voix des agriculteurs congolais. À travers les films projetés, ils racontent leurs luttes quotidiennes, leurs espoirs et leurs réussites.
« Nous voulons montrer que l’agriculture familiale congolaise n’est pas celle du passé mais celle de l’avenir : celle capable de nourrir durablement la communauté, de restaurer nos terres et de garantir la dignité de celles et ceux qui les cultivent », a insisté Jean-Pierre Usseni.
Chaque projection est suivie de débats et de panels animés par des experts, des chercheurs, des étudiants et des producteurs. À Kinshasa, la Clinique des Plantes prévoit des projections dans les universités, tandis que Caritas Développement accueillera des séances au centre agroécologique Liziba.

La cérémonie d’ouverture s’est clôturée par la remise d’une note de plaidoyer au représentant du ministère de l’Agriculture. Celui-ci, au nom du ministre, a salué « l’engagement du festival en faveur de l’agriculture durable et de la sécurité alimentaire », soulignant la convergence de cette initiative avec les priorités nationales.
De la dénonciation à la restauration
Lors de la huitième édition, en 2024, le festival avait mobilisé plus de dix mille participants autour du thème : “Nourrir la RDC sans pesticides interdits et dangereux.”
Cette année, le mouvement passe de la dénonciation à la proposition, en explorant des solutions concrètes pour restaurer la terre et redonner confiance aux paysans.
De Kinshasa à Gemena, du Kwilu au Haut-Katanga, le Festival Alimenterre poursuit ainsi sa mission de changer le regard sur l’agriculture familiale congolaise et rappeler que la souveraineté alimentaire du pays dépend avant tout de celles et ceux qui travaillent la terre.
Kuzamba Mbuangu