Cessez-le-feu dans l’est de la RDC : le gouvernement et l’AFC/M23 continuent de s’accuser de violer la mesure, les rebelles promettent de riposter désormais aux attaques de l’armée

Bisimwa, Nangaa, Kimbulungu
Bisimwa, Nangaa, Kimbulungu

Lors d’un point de presse ce jeudi à Goma, les autorités de l’AFC/M23 ont condamné ce qu’elles qualifient de « violations répétées du cessez-le-feu » par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et leurs alliés miliciens wazalendo dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Ces accusations surviennent alors que se poursuivent les pourparlers de paix à Doha, au Qatar, sous la médiation qatarie et avec l’appui des États-Unis. Selon le mouvement rebelle, le gouvernement congolais saboterait les efforts diplomatiques en cours, notamment ceux engagés dans le cadre des processus de Doha et de Washington.

L’AFC/M23 affirme que plusieurs de ses positions ont été bombardées dans les territoires de Walikale et Masisi (Nord-Kivu), ainsi que dans celui de Kalehe (Sud-Kivu). Le mouvement dénonce également les violences commises contre la communauté Banyamulenge dans le Haut-Plateau de Minembwe, et cite l’usine d’extraction d’or de Twangiza, touchée par des bombardements les 17 et 23 octobre.

La rébellion affirme que les bombardements, offensives et attaques généralisées se sont multipliés sur tous les fronts depuis le 16 juillet 2025, accusant les FARDC et leurs alliés de « piétiner les efforts de la communauté internationale » en faveur d’une résolution pacifique du conflit.

« Depuis le déclenchement du processus de Doha en avril 2025 censé ouvrir une heure nouvelle de dialogue, de réconciliation et de cessation des hostilités la réalité sur le terrain est resté tragiquement inchangé alors que même l'AF/M23 a fait preuve à plusieurs reprises, d'une volonté claire inscrite dans la voie politique multipliant les actes d'engagement en respectant les appels à la retenu, la guerre elle ne s'est jamais véritablement arrêté sous le couvert d'un discours diplomatique de façade, le régime de Kinshasa a persisté dans une longue logique d'affrontements préférant la voix des armes à celle du dialogue.

C’est avec de profonds regrets que nous sommes obligés d’informer le peuple congolais ainsi que l’ensemble de la communauté internationale de la violation généralisée du cessez-le-feu sur toutes les lignes de front, par le régime de Kinshasa », a déclaré Corneille Naanga Yobeluo, coordonnateur politique de l’AFC/M23, lors du point de presse.

 Et d'ajouter :

« Il s'agit là d’un crime contre la paix. Alors que le monde entier attendait de Kinshasa le respect de ses engagements, ce régime a choisi la voie contraire : les armes ont parlé là où Doha avait ordonné le silence.

Les bombardements, les offensives et les attaques généralisées se sont multipliés sur tous les fronts depuis le 16 juillet 2025. Les forces coalisées du régime de Kinshasa FARDC, FDLR, Wazalendo et Imbonerakure s’emploient à piétiner tous les efforts fournis par la communauté internationale, notamment les États-Unis d’Amérique, en vue d’une résolution pacifique et durable du conflit en République démocratique du Congo.

Le blocage ne vient pas de l’AFC/M23. Il vient d’un régime qui renie sa propre signature, d’un pouvoir qui, après avoir apposé son nom sur des engagements internationaux, persiste à les violer sur le terrain ».

Répondre coup sur coup

La rébellion de l'AFC/M23 a promis de répondre désormais à toute attaque, a prévenu pour sa part Bertrand Bisimwa, coordonnateur politique adjoint de l'AFC/M23, lors du même point de presse.

« Nous mettrons fin à la mauvaise gouvernance persistante dans les zones encore non libérées, et ce de deux façons : d'abord par le dialogue en cours à Doha ; ensuite, si Doha n'aboutit pas, en définissant nos propres moyens pour imposer la paix et en nous retirant officiellement du processus politique de Doha. À compter d'aujourd'hui, nous répondrons coup pour coup aux provocations de Kinshasa afin d'assurer la paix dans les zones sous notre contrôle et celles contrôlées par Kinshasa non pour nuire aux FARDC et aux wazalendo, mais pour protéger la population », a-t-il déclaré.

Face à cette recrudescence des violences, l’AFC/M23 interpelle la médiation du Qatar, l’Union africaine, les Nations unies, les appelant à constater les violations du cessez-le-feu et à exercer des pressions sur Kinshasa pour le respect des engagements pris à Doha et Washington.

« Tout en réaffirmant son attachement à l'accord conjoint signé à Doha le 19 avril 2025, à la Déclaration de principes signée également à Doha le 29 juillet 2025, ainsi qu’au processus de Luanda et de Nairobi piloté conjointement par la SADC et l’EAC sous le leadership de l’Union africaine, l’AFC/M23 réaffirme sa disponibilité politique à porter la voix de la paix, sa préparation militaire à repousser la barbarie, et sa détermination morale à supporter tous les sacrifices nécessaires pour la libération du peuple congolais.

L’AFC/M23 interpelle solennellement la médiation du Qatar, l’Union africaine, les Nations unies, ainsi que les partenaires bilatéraux, en réaffirmant que le blocage ne vient pas de l’AFC/M23, mais bien d’un régime qui renie sa propre signature.

L’AFC/M23 appelle la communauté internationale à regarder la vérité en face et à assumer ses responsabilités. Car fermer les yeux aujourd’hui, c’est cautionner demain les crimes les plus graves, au détriment des populations civiles », a martelé M. Bisimwa.

Réaction du gouvernement congolais

En réaction, le porte-parole du gouvernement, sans évoquer les attaques allégées qu’il qualifie « d’élucubration » de la rébellion. Patrick Muyaya rappelle les actes de violences de l’AFC/M23 dont des tueries, massacres, tes que rapportés ces derniers jours par le gouvernement.

« Vous avez suivi des progrès qui ont été faits à Doha où on a parlé de l’accord qui a été trouvé sur le mécanisme de cessez-le-feu et le mécanisme avec le CICR sur la question des prisonniers conformément aux lois congolaises. Et dans la médiation il est prévu des mécanismes où on rapporte si les incidents ont lieu. On ne peut pas répondre à ce genre d’élucubration…  Nous savons qui tue à Goma, à Bukavu, nous savons qui a massacré à Rutshuru, qui brime les médias. Nous avons toute une liste de ceux qui sont responsables de cette situation », a déclaré Patrick Muyaya lors d’un breifing de presse ce jeudi à Kinshasa.

Le gouvernement avait dénoncé, le vendredi 11 octobre dernier, de nouvelles violations des droits humains imputées aux rebelles de l’AFC/M23, qu’il qualifie de « supplétifs de l’armée rwandaise », dans plusieurs zones sous leur contrôle dans l’Est du pays.

Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 270 assassinats et exécutions sommaires, 300 cas de viols et plus de 300 cas de tortures auraient été recensés en septembre dans les territoires de Rutshuru, Walikale et Masisi (Nord-Kivu). Des recrutements forcés de jeunes auraient également été signalés à Chanzu et Rumangabo, ainsi que des bombardements d’habitations civiles entre le 20 septembre et le 2 octobre.

Josué Mutanava, Goma