Dans une ambiance à la fois conviviale et fraternelle, les habitants du quartier Matonge, dans la commune de Kalamu à Kinshasa, ont célébré, ce samedi 5 juillet 2025, la “Fête des Voisins”, une initiative sociale visant à renforcer la cohésion et la solidarité communautaire. Organisée entre les avenues Boera, Bozene, Biburu et Bikeyi, cette rencontre s’inscrit dans une dynamique de lutte contre l’isolement, la méfiance sociale et les tensions communautaires qui fragilisent de plus en plus le tissu urbain kinois.
Cet événement, placé sous le thème “Kabola kopo na voisin” (que nous pouvons traduire littéralement en français par “Partage un verre avec ton voisin”), a rassemblé enfants, jeunes et parents du quartier Matongo autour d’un programme riche, mêlant musique, danse, partages de repas, discussions et témoignages dans une ambiance décontractée.
« À Kinshasa, malgré les temps difficiles, on sait encore partager un verre. Cette fête est une opportunité pour briser la méfiance, se réconcilier et recréer des liens humains entre nous, habitants de ce quartier emblématique de Kinshasa », a déclaré Landry Linghele, l’un des initiateurs de l’événement.
Cette Fête des Voisins est également perçue comme une occasion unique de résoudre les conflits latents entre habitants d’un même quartier. « Si dans nos quartiers on se regardait un peu avec méfiance, c'est une bonne occasion pour se réconcilier autour d'un verre, pour pouvoir vivre ensemble », a insisté Landry Linghele. Rappelant que « les conflits entre humains ne manquent pas, mais très souvent à Kinshasa, ce n'est jamais la rancœur qui nous anime. Un verre partagé peut aider à oublier les petites querelles et à regarder vers l'avenir ».
Inspirée du modèle européen
Née à Paris en 1999, la Fête des voisins a été imaginée après un fait tragique : la découverte tardive du décès d’une personne isolée dans son immeuble. Ce drame avait interpellé les consciences sur l’importance du lien de voisinage dans les grandes villes. L’événement s’est rapidement institutionnalisé en Europe à partir de 2003, et aujourd’hui, c’est à Kinshasa que cette dynamique commence à s’ancrer, grâce notamment à des citoyens comme ceux du quartier Matonge, soucieux du vivre ensemble.
« Ce n’est pas une invention congolaise, nous nous sommes inspirés de ce qui se passe en Europe, précisément à Paris. C’est une initiative que nous avons trouvé opportune dans notre contexte actuel, marqué par la méfiance entre voisins », renchérit Landry Linghele.
À Kinshasa, le climat sociopolitique actuel, empreint de tensions et de divisions, a progressivement nourri une méfiance entre voisins et fragilisé le vivre-ensemble. C’est pour inverser cette dynamique que cette initiative a été lancée, avec pour ambition de retisser les liens sociaux et raviver l’esprit de solidarité au sein des quartiers.
« Aujourd’hui, les voisins ne se parlent presque même plus assez, les enfants ne jouent plus ensemble comme avant, et même les repas partagés deviennent source de suspicion. Cette fête est une façon de briser cette hémorragie sociale », explique Flore Mwamba, chargée de Communication de l’événement.
Pour elle, cette initiative avait pour objectif de répondre à la fracture sociale en créant un espace de reconnexion entre voisins. « Le fait de partager un verre, un repas, faire ces échanges-là, crée un lien. Et ces liens-là nous amènent à être solidaires, à créer l'amour », a-t-elle conclu.
Des talents locaux mis en lumière
Pour cette première édition, l'accent a été mis sur la participation des résidents. Plutôt que de faire appel à des célébrités, les organisateurs ont choisi de mettre en avant les talents locaux : chanteurs de rue, danseurs du quartier, animateurs de proximité ; une manière de valoriser les forces vives du quartier tout en gardant l'authenticité de l’événement.
« Ce sont les jeunes du quartier qui sont montés sur scène, on voulait les mettre à l’honneur, voir exposer nos propres talents. Ceux qui chantent, ont chanté. Ceux qui dansent, ont dansé… ce sont eux qui ont animé, avec les instruments qu’on a simplement loués bien sûr», précise Flore Mwamba.
Bien que modeste, cette première édition de la Fête des Voisins à Matonge a non seulement offert un moment de convivialité et de joie, mais a également semé les graines d’une tradition sociale que les organisateurs espèrent voir fleurir dans toute la capitale, mais aussi, dans d’autres villes du pays.
« Aujourd’hui c’est Matonge. Demain, on aimerait que ça soit Limete, Kintambo, ou encore Lemba… », rêve Landry, qui rappelle l'importance des liens de proximité dans la construction d'une communauté plus unie et solidaire.
« Matonge est à Kinshasa ce que Matonge (Ixelles, considéré comme le quartier le plus africain en Belgique) est à Bruxelles. C’est un carrefour culturel, un symbole d’ouverture. On dit souvent tel quartier, telle commune c’est Paris, c’est Bruxelles… Mais Matonge, c’est Matonge. Et c'est bien de ce quartier vibrant que l'on espère voir la flamme de la solidarité se propager à travers toute la capitale congolaise », a laissé entendre Papa Mbaki, habitant du quartier.
James Mutuba