RDC : la population de Goma soumise aux abus et à la terreur des rebelles de l’AFC/M23

La ville de Goma sans taxi
La ville de Goma sans taxi

Depuis fin janvier dernier, la ville de Goma est sous le contrôle de la rébellion de l’AFC/M23. Une occupation qui a intensifié la crise sécuritaire, économique et sociale dans cette partie de l’est de la République démocratique du Congo. Cette situation a plongé la population dans la peur et l’incertitude.

Cambriolages, assassinats, taxation abusive, enrôlements forcés 

Les cambriolages nocturnes se sont intensifiés dans la ville. Le cas tragique survenu dans la nuit du dimanche 13 au lundi 14 avril en est une illustration désolante. Deux membres d’une même famille ont été assassinés dans leur domicile dans les périphérie de Goma. Il s’agit d’un père de famille, ancien chauffeur du médecin-chef de la zone de santé de Karisimbi et de son fils, élève en 4e année construction à l’école du Cinquantenaire de Goma. Tous deux ont été criblés de balles. La mère, grièvement blessée lors de l’attaque, a succombé à ses blessures le matin de ce mardi.

Autres cas de violences, au quartier Virunga, le domicile d’un pasteur a été attaqué la nuit du lundi au mardi 15 avril. Gravement blessé à la tête et aux genoux, le pasteur a été conduit d’urgence à l’hôpital. Les assaillants auraient exigé de l’argent avant de le frapper violemment. Dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, la victime avance qu’« ils ont dit que c’est moi qui possède les dollars à Goma, voilà comment ils m’ont tabassée, je n’arrive même pas à marcher ». 

Fouets et intimidation: la population torturée 

Il y a peu, une vidéo devenue virale montrait des éléments du M23 fouettant un jeune homme dans le stade de l’Unité. Cette pratique est courante et s’est répandue dans la ville. Des cas d’enrôlement forcé de jeunes dans l’armée ont également été rapportés, tout comme des tracasseries nocturnes systématiques.

Crise économique et pression fiscale

La présence de l’AFC/M23 a provoqué un effondrement des activités économiques. Les banques sont fermées, les prix des denrées ont grimpé. Les impôts et taxes ont été multipliés. Par exemple au marché Olive Lembe communément appelé marché Alanine, la taxe initialement fixée à 500 FC atteint aujourd’hui 2 000 FC. La caisse d’épargne du Congo (CADECO), seule structure fiscale ouverte par les rebelles du M23, est utilisée pour la collecte des taxes imposées de manière autoritaire.

Salongo obligatoire

Chaque samedi, les habitants sont contraints de participer au salongo (travaux communautaires). La rébellion a interdit la circulation des véhicules et taxis entre 6h et 11h, des heures consacrées au salongo. Même avant de traverser la frontière vers le Rwanda, les habitants doivent présenter une preuve de leur participation au salongo.

La ville n’est toujours pas à l’abri des attaques 

Alors que la population subit des exactions au quotidien, les affrontements entre les rebelles de l’AFC/M23 et les wazalendo  continuent à Goma. La récente attaque des combattants wazalendo vers Mugunga dans la nuit du 11 au 12 avril a ravivé les tensions au sein de la population. Plus de 50 personnes ont perdu la vie. 

Le gouvernement congolais, dans un communiqué, a condamné les violences et promis des enquêtes, tout en appelant la population au calme. Mais sur le terrain, la peur et l’exaspération sont palpables. Lors d’une campagne de sensibilisation organisée récemment par les rebelles dans le quartier Kasika (commune de Karisimbi), plusieurs habitants ont exprimé leur lassitude face à l’insécurité persistante. Ils disent être particulièrement perturbés par les coups de feu qui résonnent régulièrement autour du camp militaire de Katindo.

« On est fatigué d’entendre les balles nuit et jour autour du camp militaire alors que vous nous dites que votre armée est la meilleure. Comment allons-nous envoyer nos jeunes dans cette armée alors qu’ils sont d’abord torturés par les éléments de l’AFC/M23. Voilà pourquoi même quand les gens voient de loin les véhicules des militaires, ils ont tendance à s’échapper », a lancé un habitant lors de ce rassemblement populaire. 

Une femme a ajouté : « Moi, j’ai surtout peur des fouets. Quand on voit leurs véhicules arriver, on prend la fuite automatiquement. »

Sur le plan diplomatique, des discussions sont toujours en cours en vue d’une sortie de crise. Kinshasa réaffirme sa volonté de restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire. Parallèlement, une nouvelle phase de médiation régionale s’est ouverte, la nomination d’un médiateur chargé de relancer le dialogue entre les parties. En attendant d’éventuelles avancées la situation sur le terrain reste tendue et l’incertitude persiste pour les habitants des zones sous contrôle du M23 notamment la ville de Goma.