Selon Constant Mutamba, son procès lui a été imposé par le Ministère public : « Vous avez le choix de condamner un innocent ou de l'acquitter en entrant dans l'histoire par la grande porte », lance-t-il aux juges

Constant Mutamba
Constant Mutamba

Poursuivi pour tentative de détournement de 19 millions USD dans le cadre de projet de construction d’une prison à Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo, l'ancien ministre de la Justice, Constant Mutamba a, lors de l'audience de mercredi 13 août devant la Cour de cassation, qualifié son procès d’un complot politique. Il a souligné que ce procès lui a été imposé par le Ministère public suite aux divergences liées aux réformes du secteur de la justice.

« Ce procès me fait penser à un syllogisme simple : l'on demande au ministre d'État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux de construire une prison, le ministre s'active à construire cette prison et on conclut par la suite en disant que le ministre de la Justice a détourné les fonds destinés à la construction alors que ces fonds sont logés en banque, toutes les autorités ont été informées. Deuxième syllogisme qui résume ce procès : le Ministère Public accuse le ministre de la Justice et Garde des Sceaux pour détournement des 19 millions USD qui se trouvent en banque, ces 19 millions n'ont jamais été touchés, le ministre de la Justice n'a touché à aucun dollar de ce fonds mais dans la conclusion le Ministère public dit le ministre de la Justice a détourné 19 millions USD. Je suis perdu face à ce syllogisme », a démontré Constant Mutamba.

Et de poursuivre :

« En à peine trois mois que j'étais nommé ministre de la Justice, le même PG de la Cour de Cassation avait déjà fait un réquisitoire pour me faire arrêter mais il sait comment cela n'avait pas abouti, trois mois à peine, pour quelle raison ? Pour un rapport qui était concocté et dressé à mon insu par les deux juges que nous avions récusé. Vous comprendrez que ça ne me surprend pas parce qu'il y a eu des divergences de fond sur les réformes que nous devrions ensemble engager et on ne s’est pas mis d'accord. Est-ce pour autant que l'on puisse recourir à la justice pour pouvoir régler ces divergences ? Je ne pense pas. Ce procès qui m'a été imposé par le ministère public, c'est un procès imposé par force pour me montrer comment il est fort ».

Constant Mutamba dit avoir été poussé à quitter le pays mais il n'a pas voulu en vue de ne pas donner une mauvaise image de la justice congolaise.

« Quitter le pays donnerait l'impression que notre justice est politisée, c'est pourquoi j'ai accepté malgré la maladie, malgré tout ce que j'ai connu par la suite, d'affronter votre haute sagesse que vous n'êtes pas obligé ou appelé vous haut magistrat, la plus haute instance judiciaire de notre pays, à régler nos problèmes de leadership au sein du gouvernement au niveau de la justice ».

Face à cette situation, Constant Mutamba a invité les juges à plus de responsabilités lors de la prise de décision.

« Vous avez le choix de condamner un innocent ou de l'acquitter en entrant dans l'histoire par la grande porte. L'histoire nous renseigne que vos prédécesseurs qui n'étaient pas plus brillants que vous, pas plus intègres que vous ont dû faire valoir la justice et la vraie justice ».

La Cour de cassation a pris l'affaire en délibéré et prévoit de rendre son arrêt le 27 août prochain. Dans son réquisitoire, l'avocat général Sylvain Kalwila a demandé à la Cour de le condamner l'ancien ministre Constant Mutamba à 10 ans des travaux forcés, assortis de 10 ans d'inéligibilité après avoir purgé la peine, de privation du droit à la libération conditionnelle ainsi que de son exclusion des fonctions publiques.

Dans sa narration des faits, le ministère public a relevé plusieurs éléments qui soutiennent ses arguments : le recours à la procédure de gré à gré au lieu de la passation des marchés publics, la mise à l'écart par l'ancien Ministre de la Justice de certaines institutions censées le conduire dans cette procédure (notamment le secrétariat général à la Justice), la conclusion du marché des constructions avec la société Zion construct qui n'a pas d'existence juridique, le fait de virer l'argent sur le compte de cette société au mépris de ces règles de procédure, l'exécution du marché sans avoir l'avis de non objection, la fictivité de la société qui est matérialisée par l'absence de siège sociale, l'absence de personnel de cette société, l'absence de garantie bancaire de cette société, etc.

Sur le plan du droit, l'organe de la loi a soutenu que l'acte de détournement a été posé par le prévenu dès l'instant où l'argent a quitté le compte FRIVAO du Ministère de la justice, pour le compte de la société Zion construct. Pour l'élément moral, le Ministère public a soutenu d'abord que le prévenu est un praticien du droit, ayant la connaissance des règles des marchés publics, mais a pourtant procédé en violation de la procédure prévue en la matière. Il a aussi soutenu l'intention frauduleuse par le fait de procéder alors que le Conseil des Ministres, ni la Première ministre n'avait validé de contrat, et sans avoir obtenu l'avis de non objection. Il a aussi ajouté à cela, notamment l'inexpérience de la société choisie et l'inexistence de cette dernière.

Clément MUAMBA