A Kinshasa, de nombreuses femmes se battent pour accéder à la justice, en particulier lorsqu’elles sont victimes de violences domestiques. Si la loi congolaise reconnaît leurs droits et la nécessité de lutter contre ces violences, le chemin vers la justice reste semé d'obstacles. Entre la stigmatisation et la lourdeur des procédures judiciaires, ces femmes se retrouvent souvent livrées à elles-mêmes.
Sous couvert d’anonymat, quelques victimes de violences domestiques se sont livrées au Desk Femme d’Actualité.cd
Âgée de 35 ans, une mère de trois enfants raconte son expérience :
"Mon mari m’a frappée pendant des années, mais chaque fois que j’essayais de porter plainte, on me disait que c’était une affaire familiale. Personne ne m’a aidée."
Elle explique que, malgré les multiples tentatives de se rendre au commissariat, ses plaintes étaient systématiquement ignorées ou minimisées. "On me conseillait de rentrer chez moi et de pardonner. Mais à chaque retour, la situation empirait. Il pouvait me frapper et m’insulter en présence des enfants, et même des visiteurs. Il me laissait passer la nuit dehors comme ça lui plaisait et me violait chaque fois qu’il en avait envie."
Après avoir réussi à déposer sa plainte, la victime explique que les délais de traitement des dossiers sont souvent interminables, et la lourdeur des procédures décourage de poursuivre la démarche. "J’ai attendu plus de six mois pour qu’un juge daigne prendre en charge mon dossier", explique-t-elle. "Entre-temps, mon agresseur continuait à me harceler. Et cette absence de suivi régulier et la lenteur de la justice créent un sentiment d’impunité parmi les agresseurs, ce qui contribue à la persistance du cycle de violence", déplore-t-elle.
L'absence de soutien financier pour les femmes rend également difficile l’accès à une défense juridique adéquate. Les frais pour consulter un avocat ou pour engager une procédure sont prohibitifs pour certaines victimes, surtout dans un contexte où l'accès à l'emploi et l'autonomisation financière des femmes restent des enjeux majeurs.
"À cause du cycle de violence interminable dans mon foyer, des insultes et des maltraitances de la part de mon ex-mari, j’ai finalement décidé de m’enfuir de la maison en attendant de voir clair et de réfléchir sur la démarche à entreprendre. Une amie m’a proposé de porter plainte, mais nous nous sommes heurtées à des difficultés financières. D’abord, la somme que nous demandaient les avocats pour prendre notre défense était exorbitante, et les frais administratifs pour le dépôt du dossier étaient au-dessus de nos moyens", déplore une autre victime.
Elle appelle l’État congolais à instituer des cabinets d’avocats et des tribunaux gratuits pour défendre les victimes de toute sorte de violences.
Les obstacles à l'accès à la justice à Kinshasa ne se limitent pas à des questions de procédures judiciaires. C’est également une question de mentalités et de normes sociales. La société patriarcale dans laquelle évoluent ces femmes les place souvent dans une position de vulnérabilité où leurs droits sont constamment bafoués. "Les policiers, les juges et même les voisins me disaient que c'était normal que mon mari me frappe. Au fond, dans notre société, c’est comme si c’était de ma faute, et une femme doit supporter cela", ajoute-t-elle.
Pour qu’il y ait un changement durable, ces femmes proposent qu’il ne suffira pas d’améliorer l’accès aux services juridiques. Il faudra aussi un travail de sensibilisation sur les droits des femmes, un renforcement des capacités des acteurs judiciaires et une véritable politique d’inclusion pour les femmes dans tous les secteurs de la société.
Nancy Clémence Tshimueneka