Etat de siège en Ituri et au Nord-Kivu : Combien de fois doit-on finalement évaluer cette mesure dont la levée est réclamée?

Evaluation de l'état de siège
Evaluation de l'état de siège

La Première ministre Judith Suminwa entame ce vendredi un voyage dans l’est du pays plus précisément à Goma (Nord-Kivu) et à Bunia (Ituri) pour une mission d’évaluation de l’état de siège en vigueur dans ces provinces depuis mai 2021. La cheffe du gouvernement sera accompagnée de quelques ministres et députés. Selon le programme officiel, la délégation de Kinshasa va rencontrer plusieurs groupes et associations représentant les couches sociales dans ces deux provinces, la communauté humanitaire ainsi que la Monusco.

Il ne s’agit pas d’une première mission d’évaluation. En juin 2021, le Chef de l’Etat avait conduit une mission d’évaluation de l’état de siège à Goma, Beni et Bunia. L’ancien Premier ministre Sama Lukonde avait, quant à lui, dirigé au moins deux missions d’évaluation de cette mesure exceptionnelle, outre celles menées par des parlementaires et des ministres sectoriels. En attendant Judith Suminwa à Goma, certains habitants se sont exprimés au sujet de cette mission de trop pour la même mesure jugée inefficace et dont on demande la levée pure et simple.

« La population du Nord-Kivu plus particulièrement de Goma a besoin tout simplement de la paix, pas nous dire que la première ministre vient pour évaluer l’état de siège. Chaque fois, ils viennent ici pour évaluer mais ils n’aboutissent pas à de bonnes réalisations, nous n'avons besoin que de la paix  », dit Moïse Hangi.

De son côté, Muhindo Kamasita Oscar, étudiant en droit, exprime des doutes quant à l'efficacité de cette visite qu'il perçoit comme une manœuvre politique déconnectée des réalités du terrain.

« Personnellement, je crois que cette visite est une manœuvre politique déconnectée du peuple. L’état de siège est une mesure exceptionnelle qui a été décrétée il y a maintenant trois ans. Cependant, sur le terrain, les résultats restent largement mitigés. Nous pensons qu'il y a encore des fonds pléthoriques à décaisser, car lorsque la Première ministre se déplace, elle n'est jamais seule, elle est toujours accompagnée d'une forte délégation. Je pense que c'est une façon pour eux de dilapider les fonds du trésor public. Pas plus tard qu'il y a eu une table ronde pour évaluer l'état de siège, à laquelle plusieurs experts et parties prenantes ont participé. Nous pensons qu'au lieu de gaspiller encore une fois des ressources pour tenter d'évaluer l'état de siège, nous devrions nous pencher davantage sur les différentes recommandations issues de cette table ronde. Sur le terrain, les résultats demeurent mitigés. Nous n'allons pas nous voiler la face : nous pensons tout simplement que cette visite est vraiment inutile », souligne-t-il.

Espérance Nzianabo, habitante de la commune de Karisimbi, suggère que la Première ministre passe la nuit dans l'un des quartiers les plus insécurisés tels que Mugunga ou Ndosho pour mieux comprendre la situation.

« Plusieurs fois, ces autorités viennent ici, mais on ne sait pas réellement pourquoi. Aujourd'hui, c'est la Première ministre qui sera à Goma. J'ai appris que c'est pour évaluer l'état de siège. Si c'est réellement pour cela qu'elle vient à Goma, je lui propose de passer la nuit dans les quartiers Mugunga, Ndosho ou à Buhene, car là, elle aura déjà fini l'évaluation de l'état de siège et pourra prendre une décision vraiment favorable à la vie que nous, la population, menons dans cet état de siège. Mais si elle préfère encore passer la nuit à l'hôtel Serena, sa mission sera une fois de plus inutile dans cette province », affirme-t-elle.

Marion Ngavo Kambale, président de la société civile urbaine de Goma, réclame également la levée de l'état de siège, arguant qu'il n'a eu aucun impact positif sur la sécurité. Selon lui, la lenteur de la justice et la substitution des tribunaux civils par une justice militaire sont des problèmes majeurs.

« Nous attendons que la première ministre nous donne un ouf de soulagement pour que nous puissions recouvrer la paix et la sécurité. Ce qui est un droit pour la population du Nord-Kivu et en particulier celles des territoires de Rutshuru, Masisi et walikale », a souligné Marion Ngavo.

Le Nord-Kivu et l'Ituri, qui subissent des violences armées persistantes depuis des décennies, ont été placés sous état de siège depuis mai 2021. Cette décision du Chef de l’Etat visait à restaurer l'autorité de l'État dans ces régions en proie à l'activisme des groupes armés. Ce qui n’est pas le cas. Des opérations militaires menées n’ont à ce jour rien donné comme résultat escompté. Au contraire, le nombre des milices ont augmenté et de vastes espaces dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo, Masisi, Lubero et Walikale au Nord-Kivu sont occupés et administrés par la rébellion du M23. Une table ronde a même été organisée à Kinshasa avec la participation des représentants de deux provinces. Des recommandations allant notamment dans le sens de lever cette mesure avaient été formulées. Mais depuis, rien n’a été fait.

Josué Mutanava, à Goma