L'option relative à une nouvelle évaluation de l'état de siège, en vigueur depuis 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri, ne semble pas encore à l'ordre du jour du côté du gouvernement, malgré l'opposition des élus nationaux et sénateurs de cette partie de la République Démocratique du Congo.
Malgré la réaction des élus du Nord-Kivu et de l'Ituri, les 19 et 20 septembre derniers à l'Assemblée nationale et au Sénat, le gouvernement de la République vient d'adopter une nouvelle fois le projet de loi portant prorogation de l'état de siège dans ces provinces.
"Le ministre d'État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, a soumis au Conseil le projet de loi autorisant la prorogation de l'état de siège dans les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu pour une période de 15 jours à compter du 09 octobre 2024. Ce régime d'exception s'avère indispensable pour permettre à nos forces de défense et de sécurité de faire face aux multiples tentatives d'incursions et attaques de la coalition RDF-M23 et d'autres forces négatives qui insécurisent les populations de l'Est de notre pays", indique le compte-rendu de la quinzième réunion du Conseil des ministres, tenue le vendredi 27 septembre 2024 à la Cité de l'Union Africaine sous la direction de la Première ministre Judith Suminwa Tuluka.
Lors de la précédente plénière, quelques députés nationaux du Nord-Kivu et de l'Ituri, soutenus par ceux du Sud-Kivu, ont quitté la plénière en signe de protestation contre la prorogation de cette mesure, désormais autorisée sans débat.
"On nous interdit de nous plaindre, nous qui subissons la guerre. Et c'est ici le moment de dire au président de la République qu'il a intérêt à nous écouter pour que cette guerre prenne fin", a déclaré fermement Justin Bitakwira, élu d'Uvira, dans le Sud-Kivu.
Il plaide également pour l'implication des leaders des régions touchées dans les négociations de paix. "Nous sommes indignés de voir que dans les négociations tenues à Luanda, à Nairobi ou ailleurs, les leaders de l'Ituri, du Nord-Kivu ou du Sud-Kivu ne sont pas parmi les délégués de la RDC. Si cette situation persiste, nous choisirons un autre lieu pour discuter de notre sort et de celui de notre peuple. Continuer à voter automatiquement l'état de siège sans en évaluer l'apport, c'est une haute trahison", a-t-il fustigé.
Gratien de Saint-Nicolas Iracan, élu de Bunia, dans la province de l'Ituri, dénonce quant à lui l'inefficacité de l'état de siège, qualifiant la situation de "business" pour certains généraux.
"L'état de siège est devenu un business pour les généraux déployés sur le terrain. Ils exploitent illicitement les minerais au lieu de protéger la population. Il y a trop de trafic entre les mouvements rebelles et certains officiers de l'armée. Il faut des discussions franches pour aider le chef de l'État et la population", a-t-il déclaré.
Au Sénat, des voix comme celles de Célestin Vunabandi, José Mpanda et Carole Agito insistent sur la nécessité d'une nouvelle évaluation de cette mesure d'exception, qui peine à produire les résultats escomptés, trois ans après sa mise en place.
"En tant qu'élus, nous devons savoir ce qui a été fait. Une évaluation doit être faite pour comprendre clairement ce que fait notre gouvernement. La population souffre, et la situation humanitaire est devenue catastrophique", a souligné la sénatrice Carole Agito.
Tous les élus locaux et acteurs de la société civile sont unanimes : l'état de siège n'a pas donné les résultats attendus. Les groupes armés se sont multipliés et, pire encore, la rébellion du M23, défaite en 2013, a ressurgi en novembre 2021. Aujourd'hui, le M23 occupe de vastes zones dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo, Masisi et Lubero.
L'état de siège, proclamé en mai 2021 par le président Félix Tshisekedi, visait à permettre à l'armée de lutter efficacement contre les forces négatives en Ituri et au Nord-Kivu. Malgré l'annonce d'un "allègement progressif" de cette mesure en octobre 2023, aucune avancée significative n'a été enregistrée depuis.
Clément MUAMBA