Chronique Droits des Femmes: Travail domestique en RDC : quelles protections pour les aides ménagères ?

Photo/ Actualité.cd
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Elles sont souvent invisibles, mais essentielles au quotidien de milliers de foyers congolais. Les aides ménagères, majoritairement des femmes et des jeunes filles, exercent un métier indispensable dans les maisons en RDC. Pourtant, elles restent parmi les travailleuses les plus vulnérables, souvent exposées à des conditions de travail abusives, sans contrat, sans protection sociale ni recours connu en cas d’exploitation. Que dit réellement la loi congolaise ? Et comment ces travailleuses peuvent-elles faire valoir leurs droits dans un secteur encore largement informel ?

Contactée à ce sujet par le DeskFemme d’Actualité.cd, Nenette Mushiya, avocate en droit social, rappelle que « le travail domestique est bel et bien encadré par le Code du travail congolais, même si dans la pratique, il est souvent ignoré par les employeurs eux-mêmes ».

Elle cite notamment l’article 5 du Code du travail qui reconnaît le travail domestique comme une activité salariée, et l’article 56 qui impose la conclusion d’un contrat de travail, même pour les emplois à domicile.

« Toute personne employée de manière régulière, même dans un cadre domestique, doit bénéficier d’un contrat écrit, d’un salaire conforme au barème national et des conditions minimales de travail. Le fait que le travail se déroule dans une maison privée ne retire en rien ces obligations », insiste l’avocate.

En l’absence de cadre formel, poursuit Maître Mushiya, les abus se multiplient : salaires en dessous du minimum légal, journées de travail interminables, congés non rémunérés, mauvais traitements, voire violences physiques ou sexuelles.

Clarisse Wanza, 26ans, raconte avoir été employée dès l’âge de 24ans dans une famille à Mont Ngafula, sans jour de repos et pour à peine 100 000 FC par mois : « Je n’avais pas de téléphone, pas de liberté, je dormais sur un tapis en cuisine. Je ne savais même pas que j’avais des droits », confie-t-elle.

Ce témoignage n’est pas isolé. Les cas d’exploitation ou de maltraitance des aides ménagères sont régulièrement signalés par les associations féminines, mais très peu d’entre eux donnent lieu à des poursuites ou à une réparation, faute de preuves ou de recours juridiques appropriés.

Ce que prévoit la loi

En plus du Code du travail, l’avocate souligne que d’autres textes protègent les travailleuses domestiques :

- La Constitution de 2006, dans son article 36, garantit à chaque citoyen le droit à un travail rémunéré dans des conditions justes et équitables

- ⁠Le Code pénal prévoit des sanctions contre le travail forcé, les violences physiques, les menaces et les atteintes à la dignité humaine.

- ⁠La Convention n°189 de l’OIT sur le travail domestique que la RDC n’a pas encore ratifiée reste une référence pour les organisations qui plaident pour une réforme en profondeur du secteur.

Quels recours pour les travailleuses domestiques ?

Selon Maître Nenette Mushiya, il existe des mécanismes de plainte, encore peu connus des victimes :

- Saisir l’Inspection du travail, notamment en cas de non-paiement du salaire ou d’abus manifeste ;

- ⁠Porter plainte en cas de violences ou d’exploitation ;

- ⁠Contacter des ONG spécialisées, qui proposent un accompagnement juridique gratuit ;

- ⁠Tenter la médiation avec l’appui d’un tiers (par exemple, une association de quartier ou un syndicat informel), lorsque la relation employeur-employé peut être régularisée à l’amiable.

Mais ces recours, souligne-t-elle, restent souvent théoriques dans un contexte où la majorité des aides ménagères sont peu alphabétisées, sans accès à l’information ou aux moyens de transport pour se rendre dans une administration.

« Il ne suffit pas de dénoncer les abus. Il faut aussi que l’État mette en place des mécanismes simples, accessibles et adaptés au terrain. Trop souvent, ces femmes sont considérées comme une main-d’œuvre jetable. Pourtant, ce sont des travailleuses comme les autres. »

Face à cette situation, Maitre Nenette Mushiya propose un changement qui passe par l'information 

« On doit informer les aides ménagères sur leurs droits, renforcer les inspections dans les foyers, et instaurer une culture de respect mutuel dans les relations de travail domestique : telles sont les clés d’un changement durable. Car derrière chaque uniforme de maison, il y a une femme, une vie, une dignité ».

Nancy Clémence Tshimueneka