Goma et ses cimetières : des tombes profanées au fil des années, les espaces spoliés, … un repos douloureux réservé aux morts

Des tombes profanées au cimetière de l'ITIG
Des tombes profanées au cimetière de l'ITIG

La profanation des tombes devient une pratique de plus en plus récurrente dans plusieurs cimetières de la ville de Goma, en dépit de nombreuses dénonciations et des mesures prises par les autorités provinciales. Lors d’une descente effectuée ce lundi 4 août dans les cimetières de l’ITIG, Kanyamuhanga et Joli Bois (Gabiro), ACTUALITÉ.CD a constaté des scènes de désolation : des tombes détruites, des croix brisées et jetées, des carreaux arrachés, et même des corps exhumés.

Dans certains cas, les espaces autrefois réservés au repos éternel sont désormais transformés en aires de jeu, en jardins potagers ou en chantiers de construction. Au cimetière Joli Bois par exemple, plusieurs habitations poussent là où des tombes existaient il y a quelques années encore.

John Munguiko, responsable de la garde des cimetières de l’ITIG dénonce cette situation qu’il qualifie « d'acte de barbarie et de mépris envers les morts ». Il accuse certains jeunes venus des quartiers Kahembe et Kabutembo, identifiés comme des brigands, de venir régulièrement voler les matériaux (carreaux, croix, etc.) posés sur les tombes.

Il indique que des jeunes viennent la nuit, saccagent les croix, déterrent les carreaux pour les revendre. Certains les livrent même à des fabricants de boisson locale (Rutuku), qui utilisent le bois comme combustible. Il affirme ne pas savoir exactement où ces matériaux sont écoulés, mais estime que ce trafic illégal est bien organisé et se fait avec la complicité passive, voire active, de certaines autorités locales.

« Les problèmes que nous rencontrons actuellement ici, au cimetière de l'ITIG, ont commencé depuis sa fermeture. Dès qu'on l’a fermé, il n’était plus possible d’y enterrer qui que ce soit. Des jeunes venus de Kahembe et de Kabutembo souvent sans emploi, viennent ici pour fumer du chanvre.

Une fois qu’ils ont fini de fumer, ils commencent à voler. Toutes les maisonnettes qu’on retrouvait sur les tombes ont été volées. On ne sait pas exactement qui les a envoyés ou encouragés à faire cela. On se réveille le matin, et on découvre qu’une maisonnette a disparu. À la longue, ils ont tout emporté.

Un autre type de vol, c’est ce qu’ils font du côté de Focolari, vers la MONUSCO; ils s’installent là et arrachent les carreaux posés sur les tombes. Et là encore, on ignore totalement où ils vont revendre ces carreaux, et à qui », fait savoir John Munguiko.

Spoliation des cimetières

Au-delà des actes de vandalisme isolés, une problématique plus structurelle inquiète ; la vente illégale de parcelles à l’intérieur des cimetières. John Munguiko fustige l’implication de certaines autorités administratives dans ce commerce illicite, qui pousse à la destruction progressive des cimetières pourtant non encore désaffectés.

Il trouve inacceptable que ceux qui devraient faire respecter la loi soient les premiers à la violer en autorisant, voire en participant, à la vente de ces espaces sacrés.

Face à cette situation, il appelle la mairie de Goma à démolir toutes les maisons construites dans les cimetières, en particulier dans la zone de Gabiro. Il demande également aux autorités judiciaires d'engager des poursuites à l'encontre des auteurs de ces profanations.

« Lorsqu'il y a eu enterrement dans une fosse en béton pendant la nuit, ces jeunes viennent pour voler les fers à béton et les planches. Ils attachent les fers, les emportent pour les vendre chez les ferrailleurs, et les planches sont revendues à des personnes qui fabriquent des boissons locales appelées Rutuku.

C’est pourquoi je demande aux nouvelles autorités de nous aider. Jusqu’à présent, nous sommes encore à la recherche de ces individus qui viennent profaner les tombes. Certains ont déjà été arrêtés, mais d’autres sont toujours en fuite. Leur arrestation nous aiderait énormément.

Par ailleurs, je demande que les autorités poursuivent ces personnes qui profanent les tombes, afin que l’on sache réellement où sont transportés les fers à béton et les carreaux qu’ils enlèvent des tombes », a-t-il déclaré.

Chaque 1er août, la RDC célèbre le Respect des Défunts, un moment où la mémoire des ancêtres et d’autres membres des familles est honorée. Pour de nombreux observateurs, cette date devrait justement servir à rappeler l'importance du respect dû aux morts et la sacralité des lieux de sépulture.

Cela fait écho aux réactions des habitants qui dénoncent la destruction des cimetières, comme celui de l'ITIG, en dépit de leur histoire de 50 ans.

Depuis le 9 mars 2024, des habitants de Goma dénoncent ouvertement les travaux de démolition entamés au cimetière de l’ITIG, suivis par ceux de Joli Bois (Gabiro). Des cimetières qui n’ont pourtant que deux ans d’utilisation pour certains secteurs, alors que la loi congolaise stipule qu’un cimetière doit rester actif pendant au moins 50 ans avant toute désaffectation.

En réponse à la demande de la population, le gouverneur de la province du Nord-Kivu, à l’époque le général-major Peter Chirimwami, avait pris un arrêté le 11 mars 2024, interdisant formellement toute activité sur les cimetières dits « désaffectés ». Cet arrêté annulait celui pris le 15 avril 2021 par son prédécesseur, qui avait autorisé la désaffectation d'une partie du cimetière de l’ITIG. Une décision saluée par les défenseurs des droits humains et les familles des défunts, mais dont l’application semble encore difficile sur le terrain.

Josué Mutanava, à Goma