Pendant que le monde cherche à migrer des énergies fossiles vers les énergies renouvelables, la République démocratique du Congo quant à elle, a mis en place le projet d’exploitation de ses blocs pétroliers et gaziers en lançant depuis juillet 2023, des appels d’offres. Le pays s’est engagé au regard des exigences mondiales, à veiller sur le respect des normes environnementales dans l'exploration et l'exploitation du pétrole ainsi que du gaz.
Mais d’après plusieurs rapports publiés par différentes organisations œuvrant dans le secteur de l’environnement, le fait de mettre ces blocs pétroliers et gaziers en exploitation, constitue déjà un virement mondial d’autant plus que la RDC avait signé un accord pour la protection de la forêt tropicale du bassin du Congo sur une période de dix ans. Cet accord prévoyait sur les cinq premières années, des investissements internationaux à hauteur de 500 millions de dollars.
Pour les autorités congolaises, la RDC étant un pays respectueux des textes, toutes les recommandations prises par les institutions internationales pour limiter les dérèglements climatiques, ont été prises en compte.
« Vous savez, notre priorité n’est pas de sauver la planète. Comment les pays occidentaux, qui ont bâti leurs richesses sur l’exploitation des combustibles fossiles au prix d’émissions toxiques responsables du réchauffement climatique, peuvent-ils exiger des États africains qu’ils renoncent à leurs propres réserves de charbon, de pétrole et de gaz pour protéger le reste du monde ? C’est inadmissible. Les africains devaient être responsables de leurs richesses, et ici chez nous en RDC, nous avons déjà tout mis en œuvre pour que les choses avancent. Nous savons tous que les énergies fossiles tendent vers la fin, il est donc dans notre intérêt de les exploiter maintenant », disait à ACTUALITE.CD Tosi Mpanu, l’un des conseillers de l’ancien Ministre des Hydrocarbures.
Un argumentaire vite rejeté du révère de la main par les scientifiques qui estiment que l’exploitation de ces parcelles pourrait entraîner la destruction de précieuses zones de forêt tropicale et de tourbières, qui constituent d’ailleurs l’un des derniers remparts de la planète face à l’augmentation de la température. C’est à l’instar de Maître Jimmy Munguriek, membre de la coalition Le Congo n’est pas à vendre (CNPAV).
Ce projet, ajoute-t-il, n’aura plus d’impact car, le monde actuel est en train de basculer des énergies fossiles à des énergies renouvelables. Bref, poursuit-il, il est hors de question que ce projet intéresse encore les congolais.
« Les investisseurs ont peur de venir jeter leur argent dans ce secteur. Au lieu de rester concentré dans cette affaire, le gouvernement congolais a d’autres moyens en termes d’alternative à l’exploitation des hydrocarbures. Aujourd’hui, la RDC est parmi les pays qui détiennent assez des minerais stratégiques pour la transition énergétique. Alors pourquoi ne pas organiser une bonne gouvernance de ces minerais. La RDC est appelée à respecter les engagements pris lors des assises de la Cop28 tenues l’année passée à Dubaï, pour ne pas être victime à la longue, des rapports d’enquête des ONG internationales et locales qui militent pour la protection de l’environnement », a dit Maître Jimmy Munguriek.
Même point de vue exprimé par Lewis Yola, expert en Hydrocarbures. Pour lui, avec la décision prise par les banques occidentales, les grandes sociétés d’exploitation de pétrole et gaz à travers le monde, ne peuvent en aucun cas recevoir le financement. Ces sociétés veulent respecter les clauses prises pour basculer à des énergies renouvelables de peur de se retrouver sous sanctions internationales.
«Aujourd’hui il faut noter qu’avec la marche vers les énergies renouvelables, les banques occidentales ne financent plus les grands projets d’investissement dans le secteur des hydrocarbures en Afrique. Or, le secteur des hydrocarbures est le secteur du risque partagé. Ce qui fait qu’aucun entrepreneur ne peut financer ce projet de bout en bout. Le manque d’études de rentabilité fait que la RDC puisse perdre beaucoup d’argent car nous serons obligés de payer des endettements qui iront jusqu’à un milliard de dollars. Et pour y arriver, le nouveau ministre des hydrocarbures doit soumettre l’analyse minutieuse de ce dossier à des experts pétroliers attitrés pour que le pays arrive à gagner grand chose dans ce secteur », a-t-il fait savoir.
Ainsi dans un des rapports de Greenpeace intitulé « Nous garderons nos forêts, vous gardez vos dollars », cette ONG internationale a relayé les recommandations des communautés locales qui ont demandé de vive voix, l’annulation immédiate des appels d’offres de blocs pétroliers et gaziers. Comme pour dire, pas de nouveau pétrole et gaz en RDC.
Un rapport qu’avait d’ailleurs dénoncé à l’époque, Ève Bazaiba, Ministre reconduite en charge de l’Environnement et Développement durable, qualifiant Greenpeace d’être à la solde des occidentaux qui cherchent à imposer leur manière d’agir à la RDC.
« Tout sauf vert et pacifique, Greenpeace est comme une organisation pleine d’animosité́ pathologique et effrénée envers le gouvernement de la République. Son personnel est bénéficiaire des soutiens impérialistes », lançait Mme Bazaiba au cours d’une conférence de presse à Kinshasa.
Pourtant, d’après plusieurs experts, les appels d’offres de blocs pétroliers et gaziers de la RDC est une contradiction flagrante avec la prétention du gouvernement d’être un « pays solution » à la crise climatique. D’où, la mise en place des cadres d’études approfondies s’avère indispensable pour éviter le pire dans les jours à venir.
La RDC devrait donc se concentrer sur ses importants gisements de toutes sortes des minerais afin de préserver sa place de premier producteur mondial de cobalt à travers le monde.
Ben AKILI