En République Démocratique du Congo, des organisations œuvrant dans la défense et la promotion des droits des femmes plaident pour la mise en place d’une loi spécifique contre les violences domestiques et conjugales. Pour connaître l’impact d’une telle disposition légale dans l’élimination du phénomène « shégué », Sandrine Lusamba, coordonnatrice de la SOFEPADI propose des voies et moyens pour y pallier.
« Il y a de nombreuses situations qui occasionnent l’accroissement du nombre d’enfants des rues et particulièrement des filles shégués. Les violences domestiques et les violences conjugales font partie des causes majeures, car les familles sont brisées et les enfants se retrouvent dans la rue », dit la coordonnatrice de la Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral.
En effet, lors des reportages réalisés par ACTUALITE.CD dans le cadre de la campagne des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre (VBG), des jeunes filles vivant dans les rues de Kinshasa ont notamment confié avoir vécu « dans un domicile où les violences domestiques étaient « régulières » ou avoir « trouvé dans l’influence des amies (shégués), une bonne raison pour se libérer du comportement de leur parâtre ».
Lire : RDC : « les plus âgés ne veulent pas m’aider sans exiger des attouchements sexuels », Abigaël Nlemvo
Selon la quatrième édition de l’enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS 2018-2019) citée par l’UNICEF lors du Forum des filles en novembre dernier, 56% des filles de 15 à 17 ans et 65% des filles de 18 à 19 ans ont été victimes de violences domestiques. Ce qui constitue, pour cette agence des Nations Unies, une indication claire de la banalisation des violences basées sur le genre en RDC.
Sandrine Lusamba explique que « les violences domestiques sont une réalité dans plusieurs familles congolaises. Pendant que nous travaillons sur ce projet de loi, nous faisons en même temps le recensement des cas. Nous essayons aussi de comprendre la perception des hommes (époux ou non) par rapport à cette situation. Parmi les conclusions que nous en tirons, la plupart des hommes battent leurs épouses, filles ou membres de familles, non pas parce que ces derniers.ères ont commis des fautes graves, plutôt parce qu’ils ont eux-mêmes vu leurs pères battre leurs mères sans que celles-ci ne se défendent. (…) Si le pays se dote de cette loi, non seulement, la femme ne sera plus considérée comme un objet à battre, mieux encore, les hommes pourront comprendre que les problèmes ne se résolvent pas par la violence ».
Et de renchérir, « Le nombre croissant des enfants dans les rues est un des problèmes majeurs qui intervient lorsqu’il y a rupture familiale. Plusieurs enfants ont quitté leurs maisons parce qu’ils subissent des violences de la part de leurs propres parents. Cette loi va nous permettre d’avoir des garde-fous, elle va réduire le nombre d’enfants sans abris en RDC et va permettre à toute personne qui voudrait s’engager dans la vie de couple, ou même ceux qui sont déjà engagé, d’être avertie sur l’existence d’une loi et des répressions qui s’en suivent ».
Lire : Sud-Kivu : le système Femme au Fone enregistre plus de 175 messages des VSB d'août à octobre
Parmi les recommandations de l'ONU pour réduire la violence domestique (qu’elle assimile aussi aux violences conjugales), il y a notamment le fait de veiller à ce que l’appareil judiciaire continue de poursuivre les coupables, d’ajouter les centres d’hébergement à la liste des services essentiels, de faire en sorte que les femmes puissent demander de l’aide de manière sûre, sans que ceux qui les maltraitent s’en rendent compte, d’éviter de libérer les prisonniers condamnés pour violence à l'égard des femmes sous quelque forme que ce soit, ainsi que d’intensifier les campagnes de sensibilisation du public, en particulier celles ciblant les hommes et les garçons.
Prisca Lokale