Des tensions communautaires à Kwamouth au sommet Afrique-Japon, en passant par les multiples attaques des ADF sur l'axe Komanda-Mambasa, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l'actualité. Chantal Faida revient sur chacun de ces faits marquants.
Bonjour Madame Chantal Faida et merci de nous accorder de votre temps. Depuis notre dernière entrevue, quelles sont les mises à jour qui ont été faites à vos activités?
Chantal Faida : J'ai ajouté à mon parcours une spécialisation en stratégies électorales qui figure au programme The Campaign School at Yale University.
La semaine qui s'achève a été dominée par les affrontements entre les communautés Yaka et Teke dans la province de Mai-Ndombe. Quelles sont vos recommandations pour la mission du gouvernement dépêchée sur place pour œuvrer au rétablissement de la paix dans ce territoire ?
Chantal Faida : la province de Mai-Ndombe est connue pour être une région pacifique, un havre de paix. La recrudescence des conflits dans cette province est une situation qui préoccupe et interpelle plus d'une personne. Nous demandons qu'en urgence les forces de sécurité soient équipées pour faire taire les armes. Aussi, que les notables de Mai-Ndombe puissent accepter de se mettre autour d'une table pour dialoguer et trouver des solutions à leurs mésententes. Pour ceux qui estiment qu'à l'approche des élections, ils doivent réveiller les esprits de division, de haine ou de tribalisme, nous leur rappelons que la RDC est une nation unie, indivisible et nous lançons un message de paix et de cohabitation harmonieuse. L'unité dans la diversité est la devise de ceux qui veulent construire. Que les élections soient une occasion de réunification, de rassemblement et de cohésion sociale concrète.
Au moins quatre civils dont une femme ont péri au cours d’une nouvelle attaque des ADF à Ruwenzori, dans le territoire de Beni au Nord-Kivu. Cette province est pourtant sous état de siège. Que faire pour que cette mesure exceptionnelle soit une totale réussite?
Chantal Faida : nous rappelons au gouvernement que l'article 16 de la constitution de notre pays reconnaît le caractère sacré de la vie. L'Etat a l'obligation de la protéger et de la sécuriser. Hélas! Nous continuons à compter les morts dans cette partie du pays. Nous rappelons également qu'en territoire de Rutshuru, cela va faire deux mois et dix jours que la cité de Bunagana est occupée par le M23. Que nos autorités puissent redoubler d'efforts pour ramener la paix et la sécurité dans cette partie qui appartient à la RDC.
L'axe Komanda-Mambasa a de nouveau été la cible des ADF. On y compte plus de quatre attaques ayant entraîné plus d'une dizaine de morts en une semaine. Quelle est votre analyse de cette situation?
Chantal Faida : les autorités ont le devoir de réunifier le pays dans ses frontières léguées par nos pères de l'indépendance. Nous déplorons le fait que les compatriotes qui traversent ces axes pour vaquer à leurs activités n'ont pas la possibilité de revenir dans leurs territoires parce que les rebelles les en empêchent mais aussi parce que les FARDC traitent tous ceux qui viennent de ces régions comme des rebelles. Nous demandons aux rebelles de déposer les armes.
A Irumu, dans le territoire de Beni, un militaire a tué par balles deux personnes avant de se donner la mort. C'est un fait récurrent dans ce territoire. Que faire pour y mettre fin?
Chantal Faida : le manque de contrôle des armes détenues par les forces de sécurité devrait interpeller les autorités au niveau central et provincial. Les militaires qui ne sont pas en opération devraient rester dans les casernes. Que les policiers munis d'armes soient également suivis et contrôlés pour éviter des pareils drames à la société congolaise qui est déjà meurtrie par plusieurs histoires douloureuses.
Les FARDC et l'UPDF envisagent une nouvelle phase d'opérations conjointes contre les ADF dans les territoires de Beni et d’Irumu. Quels mécanismes faut-il mettre en place pour réussir ces opérations ?
Chantal Faida : la prochaine phase des opérations conjointes FARDC et UPDF devrait normalement être précédée par une évaluation des opérations passées pour savoir si les objectifs prévus ont été atteints. A ce jour, on continue à enregistrer les attaques des ADF alors que les UPDF étaient venues mutualiser les efforts avec les FARDC. Nous appelons les autorités au niveau central à une évaluation sérieuse, indépendante et sans complaisance avant de pouvoir continuer la collaboration avec les UPDF. Nous demandons aussi que nos forces armées soient équipées pour qu'elles soient seules capables de pouvoir rétablir la paix et la sécurité dans les deux provinces sous état de siège.
Cinq membres d’une même famille ont trouvé la mort dans un incendie à Bukavu. Ces cas deviennent répétitifs dans cette partie du pays. La société civile plaide pour que la ville soit dotée de véhicules anti-incendie pour des assistances en cas d'urgence. Votre point de vue sur cette question ?
Chantal Faida : concernant les incendies, nous demandons aux services de l'urbanisme et habitat de dégager les rues pour que les services de secours portent assistance aux victimes le plus tôt possible. Aux autorités de répondre aux attentes de la société civile. Au cours de cette semaine, il y a eu également l'effondrement d'un immeuble qui a causé des morts à Bukavu. Nous déplorons ces actes et recommandons aux ingénieurs et architectes de se conformer aux lois et textes de la RDC en matière de construction et bâtiments. Une fois de plus, que les services de l'urbanisme et habitat puissent suivre la construction des grandes bâtisses pour éviter pareils drames.
Quelques jours après l'annonce officielle de la 15ème épidémie à virus Ebola, une campagne de vaccination a été lancée à l'hôpital général de référence de Beni, visant les personnels de santé. Quelles sont vos recommandations au sujet de la riposte ?
Chantal Faida : la 15ème épidémie du virus Ebola est une grande surprise pour la population qui était déjà à l'abri de cette maladie. Nous demandons à ce que la campagne de vaccination soit étendue à l'ensemble de la province et même du pays pour éviter une résurgence aussi rapprochée des cas d'épidémie. Nous encourageons les populations ainsi que les leaders communautaires à observer les mesures barrières et à se rapprocher des centres de santé dès que les premiers signes de la maladie se manifestent.
La rentrée des classes est prévue pour le 04 septembre sur toute l'étendue du pays. En sachant que des situations d'insécurité ont occasionné des déplacements massifs des populations, que diriez-vous à ce sujet ?
Chantal Faida : nous lançons un vibrant appel à la Nation de venir en aide aux milliers de personnes en déplacement qui occupent des écoles, principalement dans le territoire de Rutshuru. Les élèves ne savent pas où ils vont poursuivre leurs études étant donné que les familles occupent le site. Nous demandons à ce qu'une assistance humanitaire soit garantie et remise aux personnes en déplacement. Que les sites des déplacés puissent acquérir des écoles d'urgence et que l'article 43 qui consacre l'accès de tous les enfants congolais à l'éducation soit également une réalité pour les enfants des familles en déplacements.
Au niveau continental, un sommet Afrique-Japon s'est ouvert à Tunis pour favoriser un développement mené notamment par les Africains "eux-mêmes". Avez vous des attentes en cette matière ?
Chantal Faida : c'est un sommet placé au niveau diplomatique international. Le Japon veut se positionner au niveau du continent africain par rapport à d'autres grandes puissances. J'appelle les Africains à bien sélectionner leurs partenaires, des partenaires qui tiennent compte de leurs valeurs, de leur apport et qui rétribuent les dividendes des partenariats de manière équitable. Le Japon est un pays qui a une histoire similaire à la RDC avec une géographie volcanique (des volcans actifs), mais qui continue à se construire et qui est résilient. J'appelle les autorités congolaises à nouer des partenariats gagnant-gagnant et à ne pas signer les contrats où le peuple congolais est perdant à tous les points de vue.
Un dernier mot ?
Chantal Faida : nous lançons un appel à la CENI pour intensifier la communication à l'approche de la révision du fichier électoral. Nous aimerions savoir, pour les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri qui sont sous état de siège et qui enregistrent des milliers de déplacés, comment et où s'effectuera le vote pour ces populations. Nous saluons la nouvelle mesure qui fera en sorte que les populations en déplacement et celles de la diaspora puissent avoir droit aux cartes d'électeurs.
Propos recueillis par Prisca Lokale