De la section d’un conducteur de la SNEL à Matadi-Kibala, à la fin du deuxième mandat de la RDC à la tête de l’Union africaine, en passant par une attaque des miliciens dans un site des déplacés à Djugu ainsi que des cas de féminicides dans trois territoires, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité. Valérie Vanesse Kongolo fait le point sur chacun de ces faits marquants.
Bonjour Madame Valérie Vanesse Kongolo, merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler en quelques lignes de votre parcours ?
Valérie Vanesse Kongolo : Je suis ingénieure en management de formation et j’évolue dans les domaines de la communication, le lobbying, la gastronomie, la décoration d’intérieur et le service exclusif à travers l’agence 777-Excellence dont je suis la responsable.
La semaine qui s’achève a été marquée par la section d’un conducteur de phase de la Société Nationale d’électricité, causant la mort de 26 personnes dont 24 femmes au marché Matadi-Kibala. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle? Que faudrait-il pour prévenir pareils drames ?
Valérie Vanesse Kongolo : j’ai accueilli la nouvelle avec tristesse et consternation. Je déplore que l’Etat ne s’engage à l’amélioration des installations électriques qu'au moment où il y a mort d’hommes. C’est un drame qui aurait pu être évité si l’Etat congolais avait assumé ses engagements dans le sens de l’amélioration et la maintenance des installations électriques en vue de ne pas exposer la population à ce genre de risque. Je regrette la perte en vies humaines. J'espère que ce drame soit l'élément déclencheur d’un changement favorable.
Le DG de la SNEL précise que l’occupation de cette zone du pylône à haute tension était interdite, il appelle également la population à tirer des leçons de cette réalité. Qu'en pensez-vous?
Valérie Vanesse Kongolo : c’est aux décisionnaires d’œuvrer au respect des lois et s’engager pour un meilleur suivi, encadrement et communication afin d’éviter que la population ne soit exposée à des dangers. Ce drame doit pousser les décisionnaires à une prise de conscience, à tirer des leçons, à être sanctionnés parce que c’est à eux qu’incombent la sécurité de la population. Au-delà des dédommagements et des messages de compassion, il faut que les gouvernants développent un sens de la redevabilité sachant que si le drame a eu lieu, c’est parce qu’à un niveau, une personne a failli à sa mission. Par ailleurs, il faut aussi une prise de conscience des citoyens congolais face à certaines prises de risque.
En janvier, lors d’une réunion du gouvernement, le Chef de l’Etat avait recommandé la délocalisation du marché Matadi-Kibala. Des sites ont même déjà été identifiés après ce drame. Quelles recommandations pourriez-vous faire au sujet de cette délocalisation ?
Valérie Vanesse Kongolo : avant de donner un avis, pourquoi attendre qu’il y ait un drame pour effectivement délocaliser ? Il faut qu’il y ait une gestion préventive en RDC. « Gouverner, c’est prévoir », dit-on. On ne doit pas se limiter à la réflexion ! Il faut faire de cette problématique une priorité et après cette gestion de crise, s’assurer de la continuité, du suivi et de la conformité des marchés aux réalités locales. Il faut également une approche inclusive et des responsabilités simultanées entre l’Etat et la population.
Une attaque des miliciens CODECO sur le site des déplacés à Djugu dans la province de l’Ituri a fait plus de 60 morts. Les ADF poursuivent les tueries des civils dans les territoires d’Irumu en Ituri et de Beni au Nord-Kivu, malgré l’Etat de siège. Quelles seraient vos suggestions pour réussir cette opération ?
Valérie Vanesse Kongolo : Pour endiguer la crise sécuritaire, il faut :
Information et renseignement : comprendre pourquoi il y a autant d’hostilités communautaires, les motivations, les revendications et les méthodes des rebelles.
Revoir la planification et la méthodologie
Prévoir les moyens logistiques et une approche militaire basée sur la discipline et la rigueur
Unification des commandements et synchronisation de la mise en œuvre des mesures
S’interroger sur le rôle de la MONUSCO
En janvier, trois femmes ont trouvé la mort suite à des violences conjugales. Quelles sont vos attentes auprès de la justice, pour réprimer et prévenir ces types de violence ?
Valérie Vanesse Kongolo : mes attentes s’expliquent en trois points
Mettre en place un cadre légal sur la violence domestique (textes clairs et précis)
Application ferme des textes de loi. Les sanctions doivent être effectives pour décourager de tels actes
Engagement des leaders d’opinion, représentants religieux, corps enseignant, professionnels de la santé et des structures familiales, pour la conscientisation de cette problématique.
En économie, le ministère de l'agriculture a signé deux protocoles d'accord avec l'Institut International d'agriculture tropicale (IITA) pour soutenir sa mise en œuvre dans le volet de la transformation agricole du programme de développement à la base de 145 territoires du pays. Vos attentes par rapport à ce projet ?
Valérie Vanesse Kongolo : la signature de ce protocole d’accord est une grande opportunité sectorielle et un défi pour la RDC. C’est un défi par rapport à la grandeur du potentiel agricole qui s’élève à plus de 75 000 000 d’hectares cultivables, ledit potentiel qui pourrait nourrir le ¼ de l’humanité. Il faut donc des investissements, des infrastructures, un suivi conséquent ainsi que des orientations politiques concrètes au-delà des slogans. Tirons également des leçons du projet Bukanga-Lonzo.
Le ministère de l’ESU et les syndicats des chefs de travaux, assistants, administratifs, techniciens et ouvriers ont trouvé un compromis jeudi 3 février après les négociations entamées le 26 janvier, suite’ à une nouvelle grève. Quelles seraient vos recommandations ?
Valérie Vanesse Kongolo : une valorisation du métier d’enseignant, une prise en considération des étudiants, qui sont des victimes collatérales. Un engagement dans l’application effective des propositions faites, sachant que ces mouvements de grève ont un impact sur la qualité de l’enseignement.
Dans la riposte contre la Covid-19, l’OMS appelle l’Afrique à multiplier par six fois le taux de vaccination. Quelles sont vos suggestions pour parvenir à ce résultat ?
Valérie Vanesse Kongolo : il faut optimiser l’accès au vaccin et à l’information en incluant les réalités locales. Il faut tenir compte des réticences de la population face au vaccin due au taux de mortalité qui est inférieure en Afrique comparée au reste du monde. Il faudrait aussi une prise de conscience de la gravité de la pandémie.
Junior Ilunga Makabu a battu Packard Music de Ohio (États-Unis d'Amérique), Thabiso Mchunu en fin janvier. Le Congolais a conservé ainsi sa ceinture de champion du monde des lourds-légers de WBC (World Boxing Council). Que représente pour vous cette énième victoire du Boxeur congolais ?
Valérie Vanesse Kongolo : c’est une valorisation, une fierté pour la communauté congolaise et aussi un appel à davantage de structuration au niveau de la fédération congolaise de boxe, qui devrait tirer profit de cette visibilité internationale. La victoire de Junior Ilunga pourrait susciter des vocations auprès des jeunes pour qui il serait un modèle.
Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, a échappé mardi à une tentative de coup d'Etat qui a fait de nombreux morts selon lui, dernier en date d'une série de coups de force en Afrique de l'Ouest. Quelles recommandations feriez-vous à l’Union Africaine afin de mettre fin à ce phénomène ?
Valérie Vanesse Kongolo : il faut mettre en application l’article 2 de la charte de l’Union Africaine (Les objectifs). Le coup d’état ne devrait pas être perçu comme un moyen de transmission du pouvoir, au sein d’une démocratie. L’union africaine doit être ferme quant à la lutte contre l’impérialisme et le non-respect de la limitation des mandats, en faisant en sorte que les pays africains soient indépendants économiquement et politiquement.
Ce week-end, la RDC achève son mandat à la tête de l’Union africaine. Quel bilan faites-vous du mandat de Félix Tshisekedi à la tête de cette institution? Quelle recommandation à Macky Sall qui prendra les commandes ?
Valérie Vanesse Kongolo : c’est un bilan très mitigé à l’égard des ambitions annoncées à la prise de la présidence. Au-delà des bonnes intentions, ce qui a fait défaut c’est le manque d’impact palpable sur la population, concernant par exemple « le désarmement de l’Afrique ». Par ailleurs, il y a eu un grand changement en termes de visibilité médiatique pour la RDC sur le plan international. L’idéal pour Macky Sall est de viser une continuité et d’instaurer des priorités telles que l’éducation, la sécurité, la santé, l’énergie et l’agriculture comme des piliers du développement africain. En dehors des grands objectifs fixés, il faut s’assurer de répondre aux besoins primaires des populations.
Un dernier mot ?
Valérie Vanesse Kongolo : j’invite les gens à prendre le temps de se cultiver, de bien s’informer, de lire, pour faire preuve d’esprit critique, avoir le sens de la répartie, savoir partager leurs idées et défendre leurs opinions au mieux, mais aussi éviter la manipulation de masse et l’injure facile.
Propos recueillis par Prisca Lokale