La semaine qui s’achève a été marquée par les cas de tueries à l’Est du pays, l'annonce officielle de la reprise des cours, la sortie médiatique de Martin Fayulu et le viol d'une mineur par un homme âgé de 60 ans à Kamako. Comme chaque semaine, le Desk Femme d'Actualité.cd passe en revue les faits marquants de l'actualité. Cette semaine ils sont passés commentés par Evelyne Mbata, membre du cadre permanent de concertation de la femme congolaise (CAFCO).
Bonjour Madame Evelyne Mbata. Joe Biden, l’actuel président américain a annoncé que son administration va reprendre le dialogue avec les institutions internationales telle que l’Union africaine. Cette décision coïncide avec le mandat de la RDC à la tête de cette institution. Quelle attitude devrait avoir l’UA face à cette main tendue de Joe Biden ?
Evelyne Mbata : je vois ce mandat sous le signe de la renaissance de la RDC tant au niveau national, régional qu'international. C’est une occasion pour la RDC de pouvoir faire entendre sa voix au sein de l’Union africaine, de redorer son image et occuper la place qu’elle mérite par sa dimension, ses richesses et sa population. C’est également une grande opportunité qui coïncide avec l’arrivée d’un nouveau président américain. Ce dernier est plutôt ouvert d’esprit. A travers cette main tendue, les taxes douanières pourraient être réduites ou supprimées dans le secteur du commerce entre l’Afrique et les Etats-Unis. Mais, l’Afrique devrait être capable de dire ses attentes par rapport à ce retour et analyser la main tendue de Joe Biden. Il faudrait voir ce qu'elle peut apporter à l'Afrique et ce que l'Afrique peut lui présenter.
Au cours de cette semaine, le candidat malheureux à la présidentielle de 2018, Martin Fayulu a fait une sortie médiatique. Que pensez-vous de tous ses discours ?
Evelyne Mbata : nous sommes dans un Etat de droit et de démocratie. Martin Fayulu a le droit de présenter ses idées et de les défendre. Il a le droit d’émettre son opinion sur la scène politique. Il n’y a aucun mal en cela.
Dans le domaine économique, l’ancien premier ministre congolais, Augustin Matata Ponyo a également tenu un point de presse pour clamer son innocence dans le dossier du parc agro industriel de Bukanga Lonzo après les enquêtes menées et publiées par l’Inspection Générale de Finances (IGF). Selon vous, que devrait faire la justice à ce sujet ?
Evelyne Mbata : la justice a des preuves. Elle devrait exploiter ce que l’IGF a mis à sa disposition. En suivant le point de presse, l’ancien premier ministre a expliqué pourquoi il n’attend pas un procès ou une interpellation de la justice pour pouvoir s’exprimer. A ce stade, il devrait être en train de monter son dossier de défense, montrer des preuves pour se disculper. Nous sommes une fois de plus dans un Etat de droit, il existe une séparation des pouvoirs. Je pense qu’il faut que la justice s'y penche en collaboration avec l’IGF pour établir les responsabilités et que le coupable soit sanctionné. Ensuite, nous saurons s’il est impliqué ou pas dans le dossier Bukanga Lonzo. C’est un projet qui a fait naitre de l’espoir au sein de la population, notamment en matière de lutte contre la faim. Monsieur Matata est en droit de se défendre et cela va être encore mieux devant les instances habilitées.
Ce dossier fait naître de nouvelles interrogations. Est-ce qu'il faudrait enquêter sur tous les projets qui n'ont pas aboutis ?
Evelyne Mbata : je suis agent de développement. Dans l’élaboration d’un projet, il est utile, voire obligatoire de mettre en place un plan de suivi et d'évaluation. Cela permet de s’arrêter un moment et voir si les moyens mis en exécution ont été bien repartis, s’ils étaient suffisants, excessifs et comment ils ont été utilisés réellement. Et donc, évaluer tous les projets lancés va permettre non seulement d’établir les responsabilités des gestionnaires du projet mais aussi de réorienter le tir. Dans le cadre du projet Bukanga Lonzo, on devrait se demander s’il était approprié de lancer un projet d'une telle dimension. Si c’était nécessaire, qu’est-ce qui n’a pas marché ? Quels étaient les garde-fous mis en place ? On ne devrait ni avoir peur du travail que fait l’IGF, ni de tout travail que l’on pourrait faire dans le cadre du suivi d’un projet. Parmi les choses que nous avons à proposer aux Etats-Unis, c’est notamment notre agriculture. Nous avons un sol qui peut nous permettre de produire et vendre aux autres. Mais si de tels projets sont perdus, on ne pourra pas tendre la main aux autres.
En matière de sécurité, des cas attaques armés ont été enregistrées à l'Est de la RDC, précisément à Beni et dans le secteur de Ruwenzori où environ 37 personnes ont péri. Que pensez-vous de l'insécurité dans cette région ? Sachant qu'elle paralyse les activités des femmes, que faudrait-il, selon vous pour y rétablir la paix définitivement ?
Evelyne Mbata : il y a quelques mois, le Chef de l’Etat avait promis de s’installer à l’Est pour notamment combattre cette insécurité. Mais, il y a des éléments à prendre en compte. La guerre à l’Est est asymétrique. Et nous avons entendu parler de la complicité de certains fils du pays et de l’implication de l’armée. Il faudrait s’attaquer à ces éléments et adopter des nouvelles stratégies étant donné qu’il ne s’agit pas d’une guerre conventionnelle. Cette partie du pays ne pourra pas se développer aussi longtemps qu’il n’y aura pas de paix et de sécurité. Il y a une nécessité de restructurer nos forces armées et organiser des formations spécifiques pour faire face à ce phénomène.
L’insécurité, c’est aussi à Kananga (dans la province du Kasaï central) où des hommes armés s'introduisent de force dans les maisons des particuliers où ils emportent bien de valeur, blessent les occupants et violent femmes et filles. Ce samedi, des milliers des femmes ont marché dans les rues de la ville pour protester contre ce phénomène. Finalement, quelles stratégies faudrait-il mettre en place pour instaurer la paix et la sécurité des foyers sur toute l’étendue de la RDC ?
Evelyne Mbata : je pense que cela relève de la formation des policiers, du nombre des policiers affectés à la sécurité des populations, de leurs équipements, de la facilité qu’ils auraient à se déplacer en cas d’attaques comme celles-ci. Les cas de violences ne sont pas spécifiques à la RDC, on voit les phénomènes des gangs urbains (ce qu’on appelle Kuluna en RDC) dans d'autres villes du monde, les violences post-électorales comme les plus récentes en Amérique. Il faudrait monter des stratégies contre ces phénomènes. On ne pourra peut-être pas enrayer définitivement ces phénomènes mais des stratégies peuvent permettre d’y faire face.
Est-ce qu’il faudrait espérer avec l’école de guerre ouverte récemment par le Chef de l’Etat ?
Evelyne Mbata : je n’ai pas encore vu le programme de cette école mais, je suis convaincue que la sécurité à l’Est sera l’un des points qui y seront abordés.
Une fillette de 4 ans a été victime de viol le jeudi 11 février, par un homme de 60 ans, à Kamako (dans le Kasaï). Avec les cas de violences sexuelles sur mineures qui se multiplient en RDC, quelles sanctions faudrait-il encore mettre en place contre leurs auteurs ?
Evelyne Mbata : si les auteurs de viol étaient punis à travers l’organe qui leur permet de commettre ces actes, ils réfléchiraient deux fois. La castration peut paraitre extrême, mais on doit être sûr de ne pas retrouver la même personne entrain de violer une femme ou une fille. Du côté des auteurs de ces actes comme du côté des victimes, tout le monde ne sait pas qu'il existe une loi en RDC qui envoie les bourreaux en prison. Je pense qu'il faut un grand travail de sensibilisation. Il y a aussi des filles, des garçons de moins de 18 ans qui sont violés et les familles recourent plutôt aux arrangements à l'amiable pour faire taire la loi. Ce système ne permet pas à la justice de bien faire son travail. À mon avis, même ceux qui font recours à cette pratique devrait rejoindre les bourreaux en prison. Et donc, il faut une sensibilisation autour de la loi, une application sévère des lois qui existent en matière de viol.
Le Chef de l’Etat a remis officiellement ce samedi 13 février, 400 nouveaux bus de marque Volvo à la société Transport du Congo (Transco). Pensez-vous que ces bus suffiront pour réduire les difficultés de transport en commun à Kinshasa ? Au-delà de ce problème, il y a aussi la question des embouteillage qui se pose. Que faire ?
Evelyne Mbata : c'est l'une des stratégies. Je suis également convaincue qu'avec ce moyen de transport, le phénomène d'enlèvement à Kinshasa va baisser ou être carrément éradiqué. C'est une occasion pour moi d'inviter les jeunes filles à prendre régulièrement ces bus pour être en sécurité. On devrait aussi penser à l'entretien de ces bus. En ce qui concerne les embouteillages, je pense que c'est un problème d'indiscipline. On peut construire des nouvelles routes, mais si l’indiscipline est de mise, ces routes n’auront aucun impact. La police routière, devrait sensibiliser les automobilistes au respect du code de la route.
Et pour terminer, après rencontre avec les membres du Comité multisectoriel de lutte contre la pandémie de COVID-19, le Chef de l’Etat a décidé de la reprise des cours, réouverture des écoles le 22 Février prochain, après deux mois d’arrêt. Comment accueillez-vous cette nouvelle ? Les années scolaire et académique 2019-2020-2021 auront été les plus perturbées par cette pandémie. Quelles leçons faudrait-il tirer de cela et que faire pour prévenir de tels phénomènes ?
Evelyne Mbata : je suis de ceux qui croient que la Covid-19 existe vraiment. Si les enfants doivent retourner à l'école, la première chose à faire serait l'observation stricte des gestes barrières. Les écoles ne devraient pas être des foyers de contamination. Les enseignants, les responsables d'écoles, les parents, le gouvernement, tous devraient être mobilisés pour qu'aucun enfant n'attrape le virus. J'ai assisté à un webinaire sur les femmes scientifiques et leur apport dans la riposte contre Covid-19. Et je suis très heureuse de voir le degré d'implication des femmes dans la recherche des solutions. C'est un investissement de tous les secteurs, au niveau du ministère de l'enseignement primaire, secondaire et universitaire, il faut qu'il y ait des personnes qui réfléchissent sur comment faire respecter la distanciation sociale, en matière de santé, il faudrait savoir à quel niveau se situe les opérations d'homologation des médicaments proposés par la RDC. La Covid-19 devrait être une belle expérience pour rebondir. Il y a le grand projet de la fibre optique. Si l’internet était accessible et gratuit partout, les cours peuvent se poursuivre même dans les provinces, les villages de la RDC.
Propos recueillis par Prisca Lokale