Mbongo, mongasa, poka, kambanioka, mungusu sont vendus depuis des années sur le marché de la cité de Kinkole. En saison sèche ou en saison de pluie, du lundi au dimanche, les vendeuses du marché de Kinkole restent fidèles à leurs étales. Focus sur celles qui font le bonheur des clients depuis des décennies.
« En 2015, je me suis lancée dans le commerce des poissons. Et jusqu’ici, mon business se porte bien. Même pendant la saison sèche, les pêcheurs nous ramènent des poissons, selon nos attentes. C'est aussi la période des vacances scolaires, les parents viennent visiter le port de Kinkole, ils en profitent pour ramener quelques poissons frais," raconte Nene Simbu, une jeune graduée en sciences infirmières qui vend du poisson depuis 2015. Au sortir de ses études, elle n’a pas trouvé d’emploi, elle s’est réorientée vers la vente de poissons.
Pour Pamela Sele, qui a commencé a vendre des poissons en 2013, la saison sèche n’a pas vraiment d’influence sur la production. “Depuis que j’ai commencé à vendre du poisson, je peux dire que la saison sèche n’impacte pas la production de poisson. D’ailleurs, c’est pendant cette période que les pêcheurs trouvent facilement du poisson. Les eaux ne sont pas très abondantes, cela permet de repérer les bons endroits ”, explique Pamela qui ajoute “j’ai épousé un pasteur et j’ai trois enfants. Je fais ce commerce depuis 2013. Par semaine, je viens ici quatre fois.”
Les précédents avis rencontrent une précision chez Séraphine et une contradiction chez Aminata, deux autres vendeuses de poissons. Séraphine Yanda vend au marché de Kinkole depuis 1998. “Dans ce commerce, il arrive que certaines catégories de poissons deviennent très rares pendant la saison sèche. C’est le cas de mboto et monganza (gros poissons). Les autres types peuvent être ramenés par les pêcheurs mais après de longues heures de pêche. Nous conservons le reste de nos produits dans des bassins ou des congélateurs,” confie-t-elle tout en ajoutant "une pièce de mboto coûte 150.000 francs, un client peut nous donner 100.000 francs congolais pour l'avoir. mongasa, poka et les autres sont vendus de 100.000 à 10.000 francs selon la taille du poisson."
Aux abords du fleuve, une vingtaine de femmes munies de leurs bassins de différentes couleurs et dimensions, sont assises dans les pirogues et au sol. Depuis 5 heures du matin, elles attendent le retour des pêcheurs. Aminata, attend avec les autres. “ Nous attendons les poissons. Les pêcheurs vont sûrement revenir entre 15 et 16 heures. Nous sommes ici depuis 5 heures, certaines femmes sont arrivées à 6 heures du matin. Mais, les pêcheurs tardent à revenir. Pendant la saison sèche, nous ne vendons que des petits poissons, ndakala, mbongo (fretins). C’est très difficile de trouver d’autres types de poissons. Parfois, nous les suivons même sur le fleuve pour voir l'évolution de la pêche, il faut être courageuse et rapide pour remplir ces bassins de poissons ”, dit Aminata avant d’embarquer sur une pirogue.
Certaines femmes mettent en place des stratégies pour ne pas manquer de poissons pendant toute la saison. C'est le cas de Solange Senga : “ Je connais nos pêcheurs, j'en ai choisi un seul à qui je donne la ration d'au moins 45.000 francs, deux ou trois jours avant son départ. A son retour, il ne pourra pas livrer les produits à d’autres personnes avant de m’avoir servie. Il doit respecter notre compromis”. Plainte tout de même de Solange : “Le 24 juin dernier, c’était la fête nationale des pêcheurs. Nous avons un centre de pêche ici à Kinkole. Le ministère de la Pêche débourse chaque année une somme importante pour permettre aux pêcheurs de bien fêter. Cette année, le chef du centre avait emprunté mes vivres d'une valeur estimée à 435 dollars. Ils ont distribué des poissons aux membres. Cela fait un mois, ils ne nous ont pas encore payé. Et pourtant, tout le fonds de commerce est inclus dans les 435 dollars", déplore la vendeuse.
Véronique Bonekye donne des précisions sur les prix ." Pour un bassin de 25 litres, rempli des mbongo, nous donnons au moins 300 dollars aux pêcheurs. Un bassin de 15 litres de kambanioka peut coûter 50.000 francs ou plus. Une bassine de 5 litres coûte environ 10.000 francs congolais."
À 16 heures 10 minutes, deux pêcheurs sont de retour. Épuisés et déçus, ils ont ramené quelques petits poissons. Trois femmes se précipitent pour négocier le prix. Ils ne peuvent pas les vendre, Nadine, une autre vendeuse, avait déjà payé la ration. Ils promettent de pêcher durant la nuit.
Prisca Lokale