Procès Roger Lumbala : les actes posés par la justice française pour tenter d’obtenir la coopération avec la justice congolaise

 ACTUALITE.CD

Ouverte mercredi 12 novembre dernier, l’affaire Roger Lumbala Tshitenga, ancien ministre, député national et sénateur de la République démocratique du Congo se poursuit devant la Cour d’assises de Paris (France). Selon le document de presse du Parquet national anti terroriste (PNAT) parvenu à la rédaction de ACTUALITE.CD, les audiences se tiendront chaque jour avec un verdict attendu le vendredi 19 décembre.

Selon le PNAT, 85 personnes sont citées à comparaître, dont 35 témoins et 6 experts judiciaires. Par ailleurs, 34 victimes se sont constituées parties civiles, parmi lesquelles 6 personnes morales. L’accusé Roger Lumbala Tshitenga, détenu provisoirement, a été renvoyé devant la Cour d’assises par un arrêt de mise en accusation du 28 février 2024. Il est reproché à Roger Lumbala de s’être rendu complice de crimes contre l’humanité commis entre le 1er juillet 2002 et le 31 décembre 2003 sur le territoire de l’ancienne Province orientale notamment à Bafwasende, Isiro (Haut-Uélé) et Mambasa (Ituri). Ces faits auraient été commis dans le cadre des activités du RCD-N, groupe armé qu’il dirigeait durant la guerre civile congolaise. Il lui est reproché d’avoir donné des ordres ayant conduit à des tortures et actes inhumains à l’encontre de plusieurs civils ; fournit un soutien logistique et matériel aux auteurs des exactions ; et omis de prévenir ou de réprimer les crimes commis par les combattants placés sous son autorité.

D'après la documentation, cette absence de réaction aurait permis la commission et la répétition de crimes massifs, parmi lesquels : exécutions sommaires de civils ; tortures et viols constitutifs d’actes inhumains ; pillages et vols ; réduction en esclavage, y compris sexuel, de plusieurs victimes, notamment des femmes et des jeunes filles. Selon toujours la documentation, les faits auraient été inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux, exécutés dans le cadre d’un plan concerté visant les populations civiles des zones occupées par le RCD-N et le MLC.

Roger Lumbala est également poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs entre juillet 2002 et décembre 2003, en République démocratique du Congo, dans le but de préparer la commission de crimes contre l’humanité. Le parquet reproche à l’accusé d’avoir noué une alliance politique et militaire avec Jean-Pierre Bemba, impliquant la commission de tels crimes pour accéder au pouvoir. Cette alliance, revendiquée publiquement par Lumbala dans le journal La Colombe Plus du 12 octobre 2002, se serait matérialisée par : la venue de Jean-Pierre Bemba à Isiro fin 2002 ; la mise à disposition de troupes ; le partage de territoires ; Et la planification d’opérations militaires conjointes.

Se référant à la documentation consultée vendredi 14 novembre 2025, ACTUALITE.CD revient sur les différents actes posés par la justice française pour tenter d'obtenir la coopération avec la justice congolaise. D'entrée de jeu, la documentation rappelle que le 29 décembre 2020, Roger LUMBALA était interpellé. Quelques jours plus tard soit le 2 janvier 2021, une information judiciaire était ouverte à son encontre. A l'issue de son interrogatoire de première comparution, Roger Lumbala était mis en examen des chefs de complicité de crimes contre l'humanité et de participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation de crimes contre l'humanité. Le même jour, il était placé en détention provisoire.

"Au cours de l'information judiciaire, cinq commissions rogatoires internationales étaient adressées aux autorités judiciaires de la République démocratique du Congo et six demandes d'entraide pénale internationale au Secrétaire général des Nations Unies et au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'Homme. La Cour pénale internationale était également saisie à plusieurs reprises, et deux décisions d'enquête européennes étaient par ailleurs communiquées aux autorités judiciaires italiennes", lit-on dans la documentation. 

D'après la source précitée, au total 17 victimes résidant en République démocratique du Congo étaient auditionnées en France par le juge ou par les enquêteurs de l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de haine en qualité de parties civiles. A douze reprises, Roger Lumbala était interrogé ou confronté avec des témoins ou des victimes.

"A l'issue d'une instruction d'une durée de 27 mois, un avis de fin d'information était délivré le 20 avril 2023. Le Parquet national antiterroriste transmettait son réquisitoire définitif le 22 mai 2023. Postérieurement à un arrêt rendu par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris le 25 octobre 2023, trois juges d'instruction du pôle crimes contre l'humanité, crimes et délits de guerre rendaient le 6 novembre 2023 une ordonnance de non-lieu partiel et de mise en accusation devant la Cour d'assises de Paris", ajoute la documentation. 

Jugé en France pour complicité de crimes contre l'humanité en RDC, Roger Lumbala a rejeté la légitimité et la compétence des tribunaux français pour le juger, a congédié son équipe de défense et a refusé de comparaître devant le tribunal.

Le procès de Lumbala, qui avait auparavant coopéré avec l'enquête, se poursuivra malgré son absence. Le tribunal a désigné un de ses anciens avocats pour le représenter. Cependant, le banc de la défense est resté vide ces derniers jours : ni accusé, ni équipe de défense. Le président du tribunal a également annoncé que Lumbala avait entamé une grève de la faim pour protester contre le procès. 

Conjuguées à son refus de coopérer, ces actions semblent destinées à déstabiliser les victimes avant leur témoignage et à entraver le processus judiciaire qu'elles attendent depuis plus de 20 ans. Les ONG impliquées dans la procédure, TRIAL International , la Clooney Foundation for Justice , Minority Rights Group , Justice Plus et PAP-RDC, expriment leur inquiétude face à cette situation.

Ces crimes sont prévus et réprimés par les articles 212-1, 213-1, 213-2, 121-6 et 121-7 du Code pénal français, ainsi que par les articles 689 à 689-11 du Code de procédure pénale. Selon le dossier de presse consulté par ACTUALITE.CD, "pour ces faits, l’accusé encourt une peine de réclusion criminelle à perpétuité " Sauf changement de dernière, le verdict est attendu le vendredi 19 décembre 2025.

Clément MUAMBA