Rentrée judiciaire 2025-2026 au Conseil d’État : la Première Présidente Brigitte Nsensele Wa Nsensele place le recours administratif au cœur d’une justice plus humaine, accessible et efficace

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Rentrée judiciaire du Conseil d’Etat

Le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative de la République Démocratique du Congo, a tenu jeudi 14 novembre 2025, dans la salle du Congrès du Palais du Peuple, son audience publique et solennelle marquant la rentrée judiciaire 2025-2026. La cérémonie s’est déroulée en présence du Président de la République, Félix Tshisekedi, de membres du gouvernement, du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que de plusieurs personnalités politiques, civiles et militaires.

Plusieurs interventions ont rythmé cette audience. Dans son allocution, la Première Présidente du Conseil d’État, Brigitte Nsensele Wa Nsensele, a centré son discours sur la place et l’importance du recours administratif préalable dans le contentieux administratif congolais. Elle a rappelé qu’il s’agit d’une procédure par laquelle une personne estimant avoir subi un préjudice du fait d’une décision administrative demande à cette même administration de réexaminer sa décision avant toute saisine du juge administratif.

Selon Brigitte Nsensele Wa Nsensele, le recours administratif préalable constitue "un mécanisme extrajudiciaire de règlement des litiges administratifs, destiné à épuiser les voies internes au sein de l’administration, en dehors de toute procédure juridictionnelle éventuelle". Ce mécanisme favorise un règlement amiable, pacifique et non contentieux des différends.

"Le recours administratif préalable occupe une place de choix dans le contentieux administratif congolais. Il s’agit d’un instrument de régulation permettant à l’administration de corriger ses erreurs sans recourir au juge qui pourrait l’y obliger. Il constitue une condition essentielle de la recevabilité de nombreuses actions devant les juridictions administratives, y compris certains référés, notamment les référés généraux et particuliers. L’article 135 de la loi organique du 15 octobre 2016 en est le socle légal. Dans plusieurs domaines fonction publique, douanes, marchés publics, etc. il s’agit d’une exigence légale dont l’inobservation entraîne l’irrecevabilité du recours juridictionnel", a déclaré la Première Présidente du Conseil d'État de la RDC.

Elle a poursuivi:

"Il revient au requérant d’apporter la preuve du dépôt de ce recours préalable pour toute requête, faute de quoi son action juridictionnelle s’expose à une irrecevabilité formelle. Cette exigence, loin d’être purement procédurale, traduit un choix du législateur en faveur de la résolution amiable des litiges administratifs. L’extension du recours préalable à certaines procédures de référé, même urgentes, renforce le principe de subsidiarité du juge administratif par rapport à l’action de l’administration".

A travers son discours, la Première Présidente a invité les acteurs du système administratif et judiciaire à comprendre que le recours administratif préalable est une exigence légale de loyauté, de dialogue et de responsabilité mutuelle entre l’administration et l’administré. Elle les a appelés à ne pas y voir une simple barrière procédurale ou un obstacle à l’accès au juge.

"Je souhaite qu’avec la maîtrise du recours administratif, la justice administrative congolaise évolue vers une justice plus humaine, plus accessible et plus efficace. Une justice qui encourage la résolution de certains litiges avant toute action juridictionnelle, une justice capable de comprendre les contraintes de l’administration sans sacrifier les droits fondamentaux du justiciable. Une justice dans laquelle magistrats, avocats, administrés et administrations s’engagent ensemble dans le respect de la loi pour faire du recours administratif préalable un instrument de justice, et non un motif d’exclusion. Pour que ce mécanisme remplisse réellement son rôle de filtre utile, il est indispensable d’en clarifier les conditions et de renforcer sa vulgarisation, comme je crois modestement l’avoir fait aujourd’hui", a-t-elle souligné. 

De son côté, le Procureur général près le Conseil d’État, Jean-Paul Mukolo Nkokesha, a consacré sa mercuriale à la problématique de l’abus des procédures de référé par certains requérants.

"L’usage abusif des référés menace l’efficacité de la justice administrative. Nous devons retrouver l’esprit initial de ces mécanismes : la célérité et l’urgence, non la stratégie dilatoire. Le juge doit être un gardien des libertés, non un instrument de blocage”, a-t-il affirmé.

Il a dénoncé l’utilisation détournée de certains référés  notamment le référé-suspension et le référé-liberté dont le nombre de requêtes connaît une croissance exponentielle. Selon lui, certains requérants sollicitent des mesures provisoires qui deviennent, dans les faits, définitives, tout en négligeant volontairement le suivi de la requête principale en annulation, contournant ainsi la loi organique.

Le Bâtonnier national, Michel Shebele Makoba, premier orateur de la cérémonie, a quant à lui plaidé pour la gratuité de la justice administrative lorsqu’une faute de l’administration est établie. Il a dénoncé le paiement des frais de procédure par des administrés victimes d’une décision préjudiciable.

"La justice n’est pas un luxe, c’est un droit. Or, ce droit est aujourd’hui entravé par des barrières financières qui privent les plus vulnérables d’un recours face à l’administration. L’accès à la justice administrative doit être gratuit lorsque la faute administrative est avérée. C’est une question d’équité et de dignité", a-t-il martelé.

Le Conseil d’État comprend deux grandes sections : une section consultative chargée de donner des avis et d’interpréter les textes, et une section administrative ou contentieuse. Il est également structuré en six chambres spécialisées (électorale, financière, sociale, etc.). Au niveau provincial et local, se retrouvent deux sections organisées de manière similaire.

Les réformes institutionnelles menées ces dernières années ont conduit à l’éclatement de l’ancienne Cour suprême de justice en trois hautes juridictions : la Cour de cassation, le Conseil d’État et la Cour constitutionnelle.

La rentrée judiciaire du Conseil d’État intervient quelques semaines après celles de la Cour constitutionnelle et de la Cour de cassation. Prévue initialement pour le 30 octobre conformément à l’article 24, alinéa 1er de la loi organique n°16/027 du 15 octobre 2016, elle a été reportée en raison de l’agenda chargé du Président de la République.

Clément MUAMBA