Jugé devant la Cour d’assises de Paris pour complicité de crimes contre l’humanité commis en République démocratique du Congo (RDC), l’ancien député national, ancien sénateur et ancien ministre Roger Lumbala conteste, avec son équipe de défense, la légitimité et la compétence des juridictions françaises à le juger pour des crimes non commis sur le territoire français. Dans ce contexte, il a demandé à ses avocats de ne pas se présenter et a lui-même refusé de comparaître devant la Cour.
Alors que les ONG de défense des droits humains impliquées dans la procédure espèrent que la justice suive son cours, elles dénoncent la stratégie adoptée par Roger Lumbala. Pour Danièle Perissi, responsable du programme RDC pour TRIAL International, il s’agit d’une manœuvre destinée à échapper à toute responsabilité dans ce dossier.
« Les tactiques de Roger Lumbala ne sont qu’une distraction et une tentative d’échapper à toute responsabilité. Nous avons déjà vu cela auparavant, lors du procès de Ntaganda devant la CPI, et cela a échoué. Les victimes attendent justice depuis plus de 20 ans. Il appartient à la Cour de veiller à ce que justice différée ne devienne pas justice refusée », a réagi à ACTUALITE.CD Daniele Perissi.
Le procès de Roger Lumbala qui avait auparavant coopéré avec l’enquête se poursuit malgré son absence. Le tribunal a désigné l’un de ses anciens avocats pour assurer sa représentation. Cependant, le banc de la défense est resté vide ces derniers jours : ni l’accusé, ni son équipe de défense n’étaient présents. Le président du tribunal a également annoncé que Lumbala avait entamé une grève de la faim pour protester contre le déroulement du procès.
Combinées à son refus de coopérer, ces actions semblent destinées à déstabiliser les victimes à l’approche de leurs témoignages et à entraver le processus judiciaire qu’elles attendent depuis plus de 20 ans. Les ONG impliquées dans la procédure TRIAL International, la Clooney Foundation for Justice, Minority Rights Group, Justice Plus et PAP-RDC expriment leur vive inquiétude face à cette situation.
Ancien chef du Rassemblement Congolais pour la Démocratie National (RCD-N), un groupe armé actif dans l’est de la RDC pendant la Deuxième Guerre du Congo (1998-2003), Roger Lumbala a également été ministre du Commerce (2003-2005) et candidat à l’élection présidentielle de 2006.
Il est poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité, notamment des meurtres, tortures, viols, réductions en esclavage et pillages, commis lors de l’opération « Effacer le tableau » dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri entre 2002 et 2003. Cette opération est tristement célèbre pour les atrocités perpétrées contre les populations civiles, notamment les Mbuti et les Nande, incluant des violences sexuelles, des tortures, des homicides et des actes de cannibalisme forcé.
Ces crimes sont prévus et réprimés par les articles 212-1, 213-1, 213-2, 121-6 et 121-7 du Code pénal français, ainsi que par les articles 689 à 689-11 du Code de procédure pénale. Selon le dossier de presse consulté par ACTUALITE.CD, l’accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Ce procès constitue le premier cas d’application du principe de compétence universelle pour des crimes de droit international commis en RDC par un ressortissant congolais. Il marque une étape inédite dans la lutte contre l’impunité, d’autant qu’il met en cause un ancien ministre.
Clément MUAMBA