Affaire Roger Lumbala : "les juridictions congolaises n'ont pas donné des garanties sur un procès juste", notent  les avocats des victimes évoquant des demandes d'extradition non datées, non numérotées avec des papiers floues 

Roger Lumbala/Ph droits tiers

La première audience du procès de Roger Lumbala, ouverte mercredi 12 novembre 2025 devant la Cour d’assises de Paris, a été marquée par de vifs débats autour de la compétence de la justice française à juger l’ancien chef de guerre congolais pour des faits présumés commis en Ituri et au Nord-Kivu République Démocratique du Congo (RDC) entre 2002 et 2003.

Alors que la défense de Roger Lumbala plaide pour son extradition vers la RDC, les avocats des parties civiles estiment que les juridictions congolaises n’offrent pas de garanties pour la tenue d’un procès juste et équitable.

"Aujourd'hui, force est de constater que les juridictions congolaises n'ont pas donné des garanties sur un procès juste, équitable pour Roger Lumbala et surtout que les demandes d'extradition qui ont été envoyées tout récemment par la République Démocratique du Congo ne respectent pas le formalisme juridique qui est nécessaire pour faire suite à une telle  demande d'extradition. Une demande d'extradition c'est quelque chose de très codé, de très précis juridiquement, qui doit être particulièrement détaillé, robuste ce n'est pas le cas des demandes d'extradition qui ont été adressées récemment. S'agissant de la demande d'extradition qui date de 2013, celle-ci ne vise pas les faits pour lesquels Monsieur Lumbala est aujourd'hui jugé ici à Paris", a déclaré Maître Henri Thulliez, avocat des parties plaignantes.

Interrogé par ACTUALITE.CD  sur les irrégularités relevées dans la dernière demande d’extradition, Maître Thulliez a précisé :

"Cette demande d'extradition n'était pas datée, ne se referait pas nécessairement au code du protocole du code pénal congolais tels que ça aurait dû l'être, certaines pages qui n'étaient pas numérotées, elles étaient particulièrement floues et peu précises. Une demande d'extradition c'est quelque chose de pro actif, un État qui veut extrader, faire rentrer dans son pays son ressortissant pour le juger, doit faire preuve de pro activité, ce qui n'a jamais été le cas ici de la République Démocratique du Congo".

L’avocat souligne également que ces demandes d’extradition sont parvenues trop tard.

"Ces demandes d'extradition sont arrivées bien tard, elles sont arrivées au moment où Monsieur Lumbala Roger était renvoyé pour être jugé, cette demande d'extradition est arrivée très tard puisque la seule obligation qui pesaient sur les autorités françaises et sur le parquet c'était que de s'assurer au moment du déclenchement des poursuites, au moment de la mise en examen de Monsieur Lumbala Roger en 2021, il  n'y avait pas de demande d'extradition en vigueur en France de Monsieur Lumbala Roger par la RDC", a précisé Maître Thulliez.

Ancien chef du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-National (RCD-N), groupe armé actif dans l’est de la RDC pendant la Deuxième Guerre du Congo (1998-2003), Roger Lumbala a également été ministre du Commerce (2003-2005) et candidat à la présidentielle de 2006.

Il est poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité, notamment des meurtres, tortures, viols, réductions en esclavage et pillages, commis lors de l’opération « Effacer le tableau » dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri entre 2002 et 2003. Cette opération est tristement connue pour les atrocités commises contre les populations civiles, notamment les Mbuti et Nande, incluant des violences sexuelles, des tortures, des homicides et même des actes de cannibalisme forcé.

Ces crimes sont prévus et réprimés par les articles 212-1, 213-1, 213-2, 121-6 et 121-7 du Code pénal français, ainsi que par les articles 689 à 689-11 du Code de procédure pénale.

Selon le dossier de presse consulté par ACTUALITE.CD, l’accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Ce procès constitue le premier cas d’application du principe de compétence universelle pour des crimes de droit international commis en RDC par un ressortissant congolais. Il marque une étape inédite dans la lutte contre l’impunité, d’autant qu’il met en cause un ancien ministre.

Plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, qualifient ce procès d’historique, y voyant une étape cruciale vers la fin de l’impunité pour les crimes graves commis sur le territoire congolais.

Clément MUAMBA