Alors que la chirurgie esthétique gagne du terrain à Kinshasa, entre influence des réseaux sociaux et multiplication de cliniques informelles, ACTUALITE.CD est allé à la rencontre du Dr Richard Batiteyau Kelekele. Septuagénaire, il revient sur son parcours et les débuts d’une pratique encore méconnue en République Démocratique du Congo.
Le docteur Richard Batiteyau Kelekele est, selon le Comité urbain de l’Ordre national des médecins, l’un des pionniers de la chirurgie esthétique à Kinshasa.
« Après mon diplôme d’État vers les années 1987, je suis allé à l’Université Lovanium (actuelle Université de Kinshasa) pour mes études de médecine, qui ont duré sept ans. Ensuite, j’ai été affecté à Mama Yemo où j’ai été repéré par un médecin belge, Paul Wylok. Il faisait partie d’un groupe de médecins venu à la suite d’une collaboration avec le gouvernement congolais. Pendant les séances d’intervention, il a remarqué que j’avais une touche particulière pour l’esthétique et m’a alors proposé une formation complète à Bruxelles, en Belgique. Après un bref test, j’ai été admis. J’y ai passé cinq ans, plus une année en chirurgie plastique et esthétique », rappelle-t-il.
À l’époque, cette spécialité n’existait pas encore en RDC, alors Zaïre. Après lui, un autre médecin s’était également formé en chirurgie plastique avant d’exercer à la Clinique Ngaliema, mais il est décédé depuis. Grâce à une nouvelle collaboration avec ses formateurs, Dr Batiteyau enverra neuf autres médecins se spécialiser à l’étranger. Seuls deux achèveront la formation.
De Mama Yemo à son propre centre
À son retour, il rejoint l’hôpital Mama Yemo (actuel Centre Hospitalier Universitaire de la Renaissance) où il traite des cas de blessures, de malformations et de fentes labiales. La chirurgie esthétique, elle, reste encore peu pratiquée. « La plupart des patients préféraient se rendre à l’étranger », explique-t-il.
Avec le temps, la vétusté de l’hôpital pousse plusieurs patients à chercher des soins ailleurs. En 2010, Dr Batiteyau fonde alors son propre centre sur l’avenue Tshela, dans la commune de Kinshasa. « Au début, j’étais locataire. Quelques années plus tard, j’ai pu acheter la parcelle et la remodeler à ma manière », raconte-t-il.
Une demande en hausse, mais une pratique limitée
Selon lui, la demande de chirurgie esthétique est en nette progression à Kinshasa, mais la majorité des femmes se limitent aux consultations et demandes de transfert vers l’étranger.
« Même si l’expertise existe aujourd’hui, les patientes préfèrent se faire opérer à l’extérieur. Les opérations nécessitent beaucoup de moyens. Dans mon parcours, j’ai réalisé une dizaine d’interventions esthétiques complètes, mais jamais dans ce centre. »
Le chirurgien déplore toutefois la montée des pratiques informelles, exercées sans encadrement adéquat.
« Je ne connais pas de clinique officiellement reconnue pour la chirurgie esthétique à Kinshasa. C’est un domaine libéral, et seul l’État ou l’Ordre des médecins peuvent avoir mot à dire sur de telles structures. »
Des risques ?
Pour le praticien, toute chirurgie comporte des risques, mais l’issue dépend de l’expérience du prestataire et de la qualité du matériel utilisé.
« La chirurgie esthétique exige un haut niveau d’hygiène et d’équipements. À la moindre erreur, une infection peut se propager dans tout le corps. J’ai vu un patient en Europe rester hospitalisé deux ans après une complication. Dans mon centre, ces conditions ne sont pas toujours réunies. »
Aujourd’hui, à 76 ans, le Dr Richard Batiteyau Kelekele se dit fier de son parcours et des jeunes qu’il a pu former. Il invite les femmes congolaises à la prudence. Avant toute opération, il faut s’assurer de la compétence du praticien et de la qualité du matériel. La beauté ne doit jamais coûter la vie.
Prisca Lokale