Le débat sur l'arrêt de la Cour constitutionnelle condamnant l'ancien premier ministre et actuellement député national Matata Ponyo, s'est invité à l'ouverture de la plénière de ce mercredi 21 mai à l'Assemblée nationale. Certains élus ont dénoncé cet arrêt qu'ils considèrent d’inique et demandent au bureau de la chambre basse de tout faire pour aboutir à sa surséance car Matata Ponyo détient encore selon eux les immunités parlementaires.
« Nous n'acceptons pas que des décisions iniques, entachées d'irrégularités soient exécutées au nom du Président de la République. La justice de notre pays vient de connaître un coup dur que nous n'allons non plus accepter conformément à l'article 107 de la Constitution en son dernier alinéa ainsi qu'à l'article 105 alinéa 4 et 5 de notre règlement intérieur. Qu'il plaise à l'auguste plénière de l'Assemblée nationale de saisir la Cour constitutionnelle pour la surséance de la décision prise contre notre collègue jouissant pleinement de ses immunités », a déclaré en premier le député national Marcel Zuma Anibie.
Pour l'élu de la circonscription électorale de Bondo, dans la province dans la province du Bas-Uele, la représentation nationale ne doit pas cautionner des erreurs jurisprudentielles rendues par la haute Cour dans le cadre de l'affaire Bukanga-Lonzo.
« Conformément à l'article 49 de la constitution, la justice sur toute l'étendue du territoire national est rendue au nom du peuple congolais et c'est nous qui représentons ce peuple congolais bien que le juge dans l'exercice de ses fonctions soit soumis à l'autorité de la loi mais les décisions judiciaires que ce dernier prononce il ne le prononce pas en son nom, il le prononce au nom du peuple congolais et nous en tant que législateur nous ne pouvons pas accepter que des décisions iniques soient rendues au nom du peuple congolais, nous ne pouvons pas non plus cautionner des erreurs jurisprudentielles rendues par la haute Cour du pays laquelle Cour est censée être gardienne et veiller à l'application de toutes les dispositions législatives et réglementaires en RDC », a ajouté Marcel Zuma Anibie.
Prenant la parole en second lieu, le député Alfred Dibandi Nzondomyo a appuyé la démarche de son prédécesseur. L'élu de la circonscription électorale de Libenge (Sud- Ubangi) estime qu'avec l'arrêt de la Cour constitutionnelle, les députés nationaux sont désormais en insécurité car leurs immunités pourraient être remises en cause à n'importe quel moment.
« Aujourd'hui c'est l'ensemble de députés qui sont en insécurité juridique. Notre juge naturel c'est le juge de cassation, et pour qu'il nous poursuive il faut la levée des immunités, c'est-à-dire la levée de notre responsabilité et la levée de notre inviolabilité. C'est ce que nous considérons comme des risques épistémiques juridiques que la haute Cour a voulu semer au travers de son arrêt rendu hier », a-t-il dénoncé.
Et d'ajouter :
« Nous devons prendre nos responsabilités face à l'histoire, les immunités qui nous protègent contre la vulnérabilité judiciaire ou juridictionnelle on nous les a ôté, nous sommes là dans une immunité théorique, demain ou après-demain tout le monde peut tomber dans le même filet et il n'y aura personne pour le protéger ».
L’ancien premier ministre Matata Ponyo a été condamné par la Cour constitutionnelle à « dix ans de travaux forcés » pour détournements de fonds publics dans le cadre du projet de parc agro-industriel Bukanga-Lonzo. Actuellement député national et président du parti politique de l'opposition Leadership et gouvernance pour le développement (LGD), M. Matata Ponyo était premier ministre de 2012 à 2016 sous le régime du président Joseph Kabila.
Dans le cadre de cette affaire l’ancien premier ministre était poursuivi aux côtés de Deogratias Mutombo, ancien gouverneur de la Banque centrale du Congo au moment des faits, et de Grobler Christo, gérant de la société sud-africaine Africom. Deogratias Mutombo et Grobler Christo ont été condamnés chacun à « cinq ans de travaux forcés ». La Cour constitutionnelle a, par ailleurs, décidé de « l’expulsion définitive » de Grobler Christo du territoire de la RDC après l’exécution de sa peine.
Cette décision dans l’affaire Bukanga Lonzo est l’aboutissement d’un long feuilleton judiciaire. Tout est parti en 2021 lorsque saisi pour la première fois, la Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente pour juger un ancien Premier ministre. Le dossier a été transféré à la Cour de cassation. Face aux exceptions des avocats de l’ancien premier ministre, cette juridiction a saisi à nouveau la Cour constitutionnelle sur une question relative à l’interprétation des dispositions constitutionnelles sur sa compétences en matière pénale. Cette dernière va alors faire un revirement de jurisprudence en se déclarant cette fois-ci compétente à juger un ancien premier ministre. C’est alors qu’elle a été à nouveau saisie par le Procureur général pour cette seconde affaire.
Clément MUAMBA