À deux jours de la date anniversaire de la mort de Chérubin Okende – retrouvé sans vie dans sa voiture à Kinshasa, le 13 juillet 2023, le corps criblé de balles – sa fille, Frida Okende, a adressé une lettre ouverte au président Félix Tshisekedi. Elle y exprime sa douleur, son incompréhension face à la conclusion judiciaire, et plaide pour une « justice, même tardive », en mémoire de son père.
Dans cette missive antidatée, Frida Okende prend la parole au nom de la famille, encore marquée par le traumatisme. Elle rappelle que la justice avait conclu à un suicide, hypothèse qu’elle juge infondée. Elle affirme s’en remettre aux valeurs de vérité et de justice qu’incarne, selon elle, le président de la République.
« C’est avec tout le respect que je vous adresse cette lettre, mue par une profonde douleur familiale mais aussi par un attachement sincère aux valeurs de justice, de vérité et de mémoire que vous incarnez au sommet de notre République. Il y a maintenant deux ans, le 13 juillet 2023, mon père, feu OKENDE SENGA Chérubin, ancien ministre des Transports et député national au moment de son décès, a été tragiquement arraché à la vie à Kinshasa dans des circonstances particulièrement troublantes. Sa mort, bien qu'officiellement qualifiée de suicide, demeure, pour notre famille comme pour de nombreux citoyens, entourée de zones d’ombre et d’incohérences majeures. »
Et d’ajouter :
« Nous avons accueilli cette conclusion avec une profonde consternation. Aucun élément tangible ne permettait de confirmer cette hypothèse avec certitude. Bien au contraire, les faits, les témoignages et le contexte laissaient entrevoir d’autres pistes, qui, à notre grand regret, n’ont pas été suffisamment explorées. »
Frida Okende exprime également un « sentiment d’abandon » face au « silence de l’État » qu’elle déplore après la disparition d’un « serviteur de la République ». Elle plaide pour une relance de l’enquête, dans l’intérêt de la justice et de la mémoire de son père :
« Je sollicite humblement votre haute autorité pour que ce dossier puisse faire l’objet d’un regard nouveau, impartial et humain. Non pour rouvrir des blessures, mais pour qu’une lumière sincère soit enfin faite, et que la dignité de mon père, comme celle de notre justice, soit rétablie. Je reste persuadée, Excellence, que vous avez à cœur d’agir pour la vérité, dans le respect de notre Constitution et des valeurs qui fondent notre vivre-ensemble. »
Chérubin Okende, porte-parole et cadre du parti d’opposition Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, avait été retrouvé mort, ceinture de sécurité attachée, dans sa jeep stationnée sur l’avenue Poids-Lourds, dans la commune de la Gombe, à proximité du fleuve Congo. Sa veste et sa chemise blanches étaient ensanglantées, et un pistolet avait été découvert à ses côtés.
Quelques heures plus tôt, l’ancien député, alors attendu à la Cour constitutionnelle pour une déclaration de patrimoine, avait été porté disparu. Il était accompagné de son garde du corps.
Dans cette même affaire, l’ancien ministre du Tourisme Modero Nsimba avait été accusé de propagation de faux bruits après la diffusion d’un audio controversé sur les réseaux sociaux. Cet enregistrement, qui lui est attribué, évoquait la mort de Chérubin Okende et impliquait plusieurs personnalités proches du président Félix Tshisekedi, dont Christian et Jacques Tshisekedi, ainsi que Christian Ndaywel, un haut responsable des renseignements militaires. Modero Nsimba avait été placé sous mandat d’arrêt provisoire à la prison centrale de Makala, avant d’en sortir le 13 août 2024.
Samyr LUKOMBO