Guerre dans l’Est : au-delà du Rwanda, la RDC doit d’abord identifier nommément ses vrais ennemis, par Lembis Tini (PhD)

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Le Président rwandais Paul Kagame

Un mois après la majestueuse cérémonie de sa prestation de serment, ayant ouvert son deuxième (et dernier ?) mandat à la tête de la République démocratique du Congo, le Président Félix Tshisekedi était, hier à Kinshasa, face à un parterre des journalistes, triés sur le volet. Le chef de l’Etat a répondu à des préoccupations liées, entre autres, à la crise sécuritaire dans l’est du pays. A ce propos, Willy Kalengayi a volé à très haute altitude, en soulevant une question qui, à mon sens, est de portée hautement stratégique : « avons-nous (la RDC) déjà identifié les vrais Etats et sociétés multinationales (cachés derrière le Rwanda, notre agresseur) avec lesquels négocier (pour recouvrer une paix durable) ? 

Le célébrissime stratège Sun Tzu (L’art de la guerre) enseigne : « Quand vous ne connaissez pas l'ennemi, mais que vous vous connaissez vous-même, vos chances de victoire ou de défaite sont égales. Si vous êtes à la fois ignorant de l'ennemi et de vous-même, vous êtes sûr de vous trouver en péril à chaque bataille. » Est-il évident que nous connaissons-nous, Congolais ? Je résiste à la tentation d’y répondre négativement. 

En effet, nous nous perdons à considérer le Rwanda comme le vrai ennemi de la RDC. Pourtant, pas besoin d’un doctorat en sciences politiques pour savoir que ce pays voisin n’est qu’un paravent tirant partie d’un deal dont la longue chaîne est à élucider. Si l’intérêt est d’identifier les vraies parties prenantes, leurs rôles, leurs motivations, leur agenda dans ce deal aux douloureux effets existentiels sur les Congolais. Sur cette base, il conviendra d’élaborer laborieusement une « réponse stratégique » pour une paix durable rimant avec le développement.   

Qu’il s’agisse du fameux Protocole d’accord sur les chaînes de valeur des matières premières critiques récemment conclu, à Bruxelles, entre l’Union européenne et Kigali (faisant couler passionnément ancres et salives), il est urgent, au-delà du bons sens patriotique, d’écarquiller nos yeux pour voir la réalité cachée, pénible serait-elle, que nous devons prendre en charge. Ceci s’impose pour pratiquer « L'art de la guerre », ici compris comme la démarche de « soumettre l'ennemi sans combat. »

D’autant plus que cette « guerre » dans l’est est loin d’être utile à la RDC. Elle l’est pourtant pour les « autres ». Elle vise à signer la décrépitude des Congolais qui considèrent (à tort ?) le Congo comme notre « propriété ». Dès lors, osons comprendre – sans soutenir – qu’ils se montrent peu humanistes, compatissants, touchés … face à nos millions de morts. Car l’ontologie relationnelle dans laquelle nous nous retrouvons avec « eux » est construite sur base de l’aiguité de leur attention sur les contenus de notre espace.

Dès lors, il y a une responsabilité nationale de nous remettre en cause pour nous connaitre au mieux, rompant avec nos préjugés, nos représentations, notre hauteur ainsi que notre suffisance, pour percer les esprits des « autres » dans un dépassement disposant à les écouter et à les comprendre. Le but étant de construire une « machine infernale » pour les persuader de composer directement avec nous sur nos ressources naturelles. Encore faut-il que, selon leur grille de lecture à satisfaire, nous soyons reconnus comme des interlocuteurs crédibles.

Dans un contexte d’essoufflement de l’Occident, nous avons intérêt de percer le sillage de véritables maitres du monde, les sociétés multinationales, ignorant presque la notion de frontières à laquelle nous sommes si attachés. Pour, à défaut d’y compter nos amis, d’y identifier nos vrais ennemis. Les Etats, y compris les plus puissants, se soumettent à leur diktat.  Il ne faut maitriser leur langage pour échapper à la dissonance. Réformes, transformation organisationnelle, performance, transparence, sécurité juridique, lutte contre la corruption … relèvent aussi des codes de leur langage à bien assimiler. Si la dissuasion n’est pas à négliger, sa portée, à relativiser, est fonction de nos vrais ennemis à identifions nommément.

Lembis Tini (PhD)