Devant les ambassadeurs accrédités en République démocratique du Congo, le Président Félix Tshisekedi n'a pas dissimulé, le 30 janvier, son désappointement doublé d'agacement de l'impuissance de l'Union africaine et des communautés régionales face aux différentes crises africaines. Impossible de ne pas faire allusion avant tout à son pays en proie à l'activisme des groupes armés locaux et étrangers, et, surtout, à l' "agression barbare du Rwanda". Le chef de l'Etat congolais a-t-il accusé de l'imprudence de sortir de ses gonds face à un parterre des diplomates initiés à un langage codé ?
Au fond, depuis 2019, Kinshasa avait assez misé sur les communautés économiques régionales africaines sur lesquelles elle a assis sa politique extérieure fondée sur un surdosage d'idéalisme. Jusqu'à déconsidérer les "agendas cachés" des pays voisins à la base, depuis des décennies, de la reproduction de l'insécurité dans l'Est du pays. Vouloir faire sa propre expérience de l'autre (Etat, personne physique) pour en tirer les conséquences, attesterait le faible crédit accordé aux services de renseignements, pourtant un véritable pilier de politique extérieure consistant à permettre au Président de la République d'anticiper au mieux sur les événements.
La RDC semble faire les frais de son choix rationnel privilégiant l'EAC au détriment, entre autres, de la SADC. Pourtant, c'est avec le concours de cette dernière que le M23 fut vaincue en 2013. Sur terrain, aujourd'hui, l'EAC deçoit la RDC d'en haut plus que celle d'en-bas à cause du résultat pour le moins mitigé de la Force régionale déployée dans le Nord-Kivu où elle aurait dû "intervenir contre le M23 pour le contraindre de se retirer des zones sous son occupation" (Feuille de route de Luanda du 23 novembre 2022).
Par ailleurs, à garder vif à l'esprit : depuis août de l'an passé, Kinshasa est à la tête de la SADC pour un mandat d'un an. En même temps, il assure la présidence de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale) et du Mécanisme régional de suivi de l'Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la Région dont il a abrité les sommets courant 2022.
Dès lors, il est logique de considérer qu'en critiquant vertement ces communautés régionales, Félix Tshisekedi reconnaît implicitement son faible leadership réformateur de celles qu'elle dirige personnellement. Ce, au point de ne pas réussir à arracher leur soutien actif.
Considérant que les États n'ont que des intérêts, il est plus intéressant, au-delà des propos du chef de l'État, de chercher à comprendre la raison pour laquelle la RDC ne bénéficie pas du soutien de l'UA ni des communautés régionales ni des Nations Unies. Ceci devrait permettre à la diplomatie congolaise de se mettre en cause et, au besoin, de se réajuster pour, cette fois, faire entendre raison à ses interlocuteurs et obtenir leur adhésion à son narratif. Au cas contraire, il pourrait être rappelé à la RDC que " chien qui aboie ne mord pas".
Pour l'heure, Félix Tshisekedi donne l'impression de souffrir de l'isolement à la base d'une aphonie face à une architecture bâtie sur le principe de subsidiarité des organisations en charge de la paix et de la sécurité. En clair, la gestion des problèmes sécuritaires aux effets transnationaux engage successivement, sous la forme pyramidale, les organisations sous-régionales, l'organisation continentale puis l'organisation politique universelle (les Nations Unies). A entendre le chef de l'Etat, il y aurait à penser que la RDC ne serait soutenue par aucune de ses instances.
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Lembisa Tini (Ph.D)