RDC : que contrôle encore le M23 après la date butoir du 15 janvier?

Le dossier de la rédaction
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De la présidence à la société civile, en passant par la Monusco, de plus en plus de voix s'élèvent pour demander une évaluation du processus de retrait du M23 et son retour à ses positions initiales. Elles avaient fait du 15 janvier une date butoir. Mais à ce jour, aucun nouveau retrait n’est annoncé. ACTUALITE.CD fait le point.

Dans le territoire de Rutshuru, rares sont les espaces qui sont encore occupés par les FARDC. Officiellement, le M23 s’est retiré de Kibumba le 23 décembre et de Rumangabo le 5 janvier, mais les soldats congolais sont toujours bannis des espaces libérés. Seule la force de l’EAC y a installé des positions. Elle occupe les Trois antennes, position stratégique du groupement de Kibumba et le camp militaire de Rumangabo qui était le plus important camp FARDC du territoire. Presque partout ailleurs, les rebelles sont visibles, selon des témoignages recueillis par ACTUALITE.CD.

Le M23 a lancé une nouvelle offensive le 20 octobre 2022 qui a abouti en moins de dix jours à la prise des principales localités du territoire. Les rebelles ont fait ainsi leur entrée dans Rutshuru-Centre et Kiwanja sans rencontrer de grande résistance. Par exemple, le 29 octobre 2022 quand ses combattants se sont emparés de la commune rurale de Rutshuru et de la cité de Kiwanja, à une soixantaine de kilomètres de Goma. Les FARDC avaient déjà quitté la zone la veille. Les rares soldats qui étaient restés ont dès le lendemain déposé armes et treillis à la base locale de la mission onusienne. Maître du lieu, le M23 a même imposé aux casques bleus marocains présents à Rutshuru de désormais signaler tous leurs déplacements dans la zone. Cette instruction concerne non seulement les soldats de la paix mais aussi la mobilité des véhicules et des hélicoptères de la mission.

Le 30 octobre, un drone de la Monusco survole la RN qui relie Goma au Grand Nord. Tout le long, des hommes armés identifiés par le M23 patrouillent, installent des barrières. En quelques jours, ils prennent le contrôle des camps et positions militaires abandonnés par les FARDC sur cet axe et parviennent jusqu’à Kibumba à la mi-Novembre.

Officiellement, le M23 se retire de Kibumba le 23 décembre, mais dans les jours qui suivent un drone de la Monusco surprend des hommes armés non identifiés cachés le long de la RN2 sous des arbres et identifie des possibles checkpoints toujours tenus par le M23.

Un rapport confidentiel de l’ONU qu’ACTUALITE.CD a pu consulter, confirme ces mouvements suspects M23 et rapporte également que “plusieurs affrontements impliquant le M23 ont été signalés au cours de la semaine (entre le 26 décembre et le 1er janvier résultant par la prise de contrôle par le M23 de nouvelles zones”.

Sur cet axe de Kibumba, des taximen notent la présence du M23 autour de Kibumba et Rumangabo, des entités stratégiques qu'ils disaient abandonner.

Sur l’axe Kiwanja - Ishasha, le mouvement armé a lancé depuis le début de l’année et toujours sans être inquiété une vaste opération qui a abouti à la prise de contrôle de presque tout le groupement de Binza. Le M23 a accéléré sa progression vers le Nord du territoire en s’emparant facilement de la localité de Kisharo, siège du groupement de Binza, le 2 janvier. La prise de cette agglomération située à 17 km de Kiwanja s’est faite malgré la relative résistance des miliciens Mai-Mai et des combattants Nyatura, alliés de circonstance.

Nyamilima est la plus grande localité de ce groupement. Située à à peine à 12 km de Kisharo, elle avait été désertée par l’Armée et la Police depuis deux mois. La panique s’empare de la ville quand le 4 janvier, les membres des groupes d'autodéfense locaux ont fait le tour de Nyamilima en expliquant aux habitants que faute de munitions, ils ne pouvaient plus rester longtemps dans la cité.

La Monusco avait une position à Nyamilima et ne s’est pas plus battue. Les casques bleus n’ont pas tiré un coup de feu quand les rebelles ont fait ce jour-là leur entrée en ville, selon des témoins. La mission onusienne a cependant assuré une protection aux défenseurs de droits de l’homme et l’évacuation de quelques blessés par balles. Les miliciens locaux étaient restés aux alentours de Nyamilima quand bien même le M23 avait étendu sa présence notamment dans le village de Buramba, à 4 km au sud de Nyamilima.

Le M23 a contrôlé la cité pendant dix jours avant de sembler se désengager dimanche 15 janvier. Ses combattants ont été vus en train de quitter certaines positions, mais ils se sont retirés sans aucune explication facilitant le retour des miliciens qui ont repris le contrôle de Nyamilima, toujours sans aucune intervention militaire de la MONUSCO.

A une vingtaine de kilomètres de là, en dépit de l’évolution de la situation à Nyamilima, certains quartiers d’Ishasha se vident. Des centaines d’habitants ont traversé la frontière ougandaise redoutant la progression éventuelle du M23. Ici, tout tourne au ralenti. L’agglomération d’environ 15 000 âmes est officiellement sous le contrôle de Kinshasa, cependant l’armée et la police ne sont plus visibles depuis près de deux mois. Au poste-frontière, les activités sont également timides.  Même tableau triste au poste-frontière de Munyaga, à 22 kilomètres d’Ishasha. Malgré l’absence de toute force de sécurité, les rebelles ne se font pas voir ni à Munyaga, ni à Ishasha.

Selon les sources locales, les FARDC, elles, se sont repliées à une vingtaine de kilomètres, à Nyakakoma, au bord du lac Édouard, où se trouvent également des unités de la force marine. Ce sont leur seule position dans la zone.

L'autre verrou renforcé par les rebelles, selon des témoins, ce sont ses positions de Kahunga et Mabenga, à la sortie Nord de Kiwanja en direction de Kanyabayonga. 

Sur l'axe Tongo-Masisi où les rebelles avaient lancé l’offensive à la mi-novembre, ils n'ont libéré aucune de leurs positions. Des habitants signalent par contre le maintien de leurs importantes positions à Bambo et à Kishishe, des entités du groupement Bambo qui ouvrent respectivement la voie vers Masisi via Kitshanga et Rwindi via Kibirizi.

En empruntant l'axe de Bambo, le M23 s’est engagé dans un zone contrôlée par les rebelles des FDLR depuis plus de 10 ans et progressait en direction de Masisi. Mais ils se sont heurtés à une coalition des milices mai-mai qui résistent et forment une sorte de bouclier autour de Kitshanga. Ce dimanche 15 novembre, un journaliste présent à Kitshanga a assuré à ACTUALITE.CD que le M23 ne s'est pas encore retiré dans les environs de cette localité du territoire de Masisi. La rébellion y maintiendrait ses positions, y compris à Kavenu, en groupement Bishusha.

Entretemps, Kishishe et Bambo, théâtres du massacre d’une centaine de civils selon les chiffres de l'ONU les 29 et 30 novembre, sont toujours entre les mains du M23.

La rébellion avait annoncé son intention de se retirer de ces localités, mais n’a toujours pas donné de date. La force de l’EAC insiste pour de nouvelles phases de retrait et une évaluation du processus en cours. Mais le groupe armé refuse, insistant pour obtenir avant tout nouveau retrait la venue d’une mission d’enquête indépendante dans ces deux localités. Il dément toujours être responsable de ces massacres.

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Claude Sengenya, Patient Ligodi et Sonia Rolley