Près d'une année après avoir purgé sa peine en République Démocratique du Congo, l'ancien ministre de la Santé Publique Oly Ilunga Kalenga vient d'obtenir gain de cause devant le Comité des Droits de l'Homme des Nations-Unies. Ceci fait suite au recours déposé par ses avocats auprès de cette instance invoquant des violations du droit à un procès équitable et une privation de liberté de manière inégale.
Selon une note de ses services parvenue à ACTUALITE.CD samedi 23 août 2025, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a confirmé que la condamnation du Dr Oly Ilunga Kalenga en 2020 par la Cour de cassation de la République Démocratique du Congo, sans possibilité de faire appel, viole ses droits
fondamentaux.
Après avoir examiné le fond de la plainte, le Comité a conclu que la condamnation du Dr Ilunga Kalenga en première instance par la Cour de cassation, sans possibilité de se prévaloir d’un recours permettant le réexamen de la condamnation et de la peine,constitue bien une violation de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantit le droit à un procès équitable et à un recours devant une juridiction supérieure.
"Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate
que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie de l’article 14 (par.5) du Pacte. Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. Le Comité estime qu’en l’espèce un recours utile consisterait à accorder à l’auteur une indemnisation adéquate. Le Comité estime en outre que l’État partie devrait mettre le cadre juridique applicable en conformité avec les dispositions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas", lit-on dans la documentation.
Selon le document, l'État congolais dispose d'un délai de 180 jours pour proposer une réparation et réformer son cadre juridique afin que de telles violations ne se reproduisent plus dans l'avenir. Conformément à l’article 2 du Pacte, l’État a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés.
"Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le
Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans sa langue officielle", ajoute la documentation.
Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a transmis aux parties concernées ses constatations finales concernant la communication déposée le 13 septembre 2020 par le Dr Oly Ilunga Kalenga, ancien ministre de la Santé de la RDC, après avoir épuisé toutes les voies de recours au niveau congolais. Le Comité souligne également le défaut de coopération de l’État congolais. En effet, l’article 4 du Pacte oblige les États parties à examiner de bonne foi toutes les allégations portées contre eux et à communiquer au Comité toutes les informations dont ils disposent. Or, l’État congolais n’a jamais répondu aux quatre demandes d’observations envoyées par l’ONU entre octobre 2021 et février 2023.
En septembre 2024, L’ancien ministre de la Santé, le docteur Oly Ilunga, a quitté la prison centrale de Makala après avoir purgé une peine de cinq ans pour détournement de fonds publics. Arrêté en août 2019 et condamné en mars 2020, ses proches ont toujours dénoncé une "injustice" et ont contesté la légalité de sa condamnation. Le 23 mars 2020, Oly Ilunga et son conseiller financier, Mbuyi Mwasa Ezechiel, ont été condamnés à quatre ans de travaux forcés pour le détournement supposé de 391 332 USD, et à un an supplémentaire pour le détournement supposé de 13 000 USD. La Cour avait cumulé les peines, portant la condamnation totale à cinq ans de travaux forcés.
Les accusations portées contre les deux hommes sont liées à la gestion des fonds alloués à la riposte contre l’épidémie d’Ebola, entre décembre 2018 et juin 2019. Le ministère de la Santé avait reçu plus de 1,4 million de dollars de financement du gouvernement congolais et de la Banque mondiale, mais des irrégularités dans la gestion de ces sommes ont conduit à leur condamnation.
Oly Ilunga, de son côté, a toujours affirmé que les fonds étaient correctement autorisés et justifiés par des documents signés de sa main, en tant que ministre de la Santé. Il a toujours nié avoir eu connaissance des sommes de 391 332 USD et 13 000 USD, qu’il aurait découvertes lors de son interrogatoire par la police judiciaire. En plus de sa peine de prison, la Cour avait également prononcé une interdiction pour Oly Ilunga et son conseiller financier de voter, d'être éligibles, ou de bénéficier d’une libération conditionnelle pendant cinq ans après leur libération.
Le Comité des droits de l’homme de l'ONU est composé d’experts indépendants qui supervisent l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par les États parties. Il a pour but de promouvoir l’exercice des droits civils et politiques et de susciter ainsi de nombreux changements dans la législation, les politiques et les pratiques. Ce faisant, il permet d’améliorer la vie des populations dans toutes les régions du monde. Il continue de veiller à ce que tous les droits civils et politiques garantis par le Pacte puissent être exercés pleinement et sans discrimination par tous.
Clément MUAMBA