RDC : un député du Nord-Kivu saisit le Chef de l'Etat pour l'armement des citoyens comme en Ukraine pour faire face aux tueries

Illustration
Photo d'illustration

C'est une démarche inédite. Le député provincial du Nord-Kivu Promesse Matofali demande au Chef de l'État Félix Tshisekedi de doter les populations de Beni (Nord-Kivu), Mambasa, Irumu et Djugu (Ituri) des armes pour les aider à se défendre contre les groupes armés ADF et CODECO, auteurs des tueries des civils.

Dans une correspondance lui adressée le 21 mars dernier, en marge de son séjour à Kinshasa dans le cadre du séminaire sur le développement des 145 territoires, l'élu de Butembo (Nord-Kivu) note que, comme en Ukraine, l'armement des citoyens est aujourd'hui nécessaire pour renforcer les efforts de traque de l'ennemi qui n'ont pas jusque-là permis de ramener la paix dans l'est du pays.

"Depuis octobre 2014, les massacres de Beni perdurent. Il y a eu une succession d'opérations militaires, il y a eu état de siège, il y a maintenant la mutualisation des forces entre notre armée et celle de l'Ouganda. Mais tous ces efforts consentis, avec la bonne volonté du Chef de l'État, n'ont pas arrêté les massacres sur terrain. Nous avons curieusement suivi les déclarations de l'armée selon lesquelles les ADF se sont aujourd'hui dispersés dans le Ruwenzori et qu'ils opèrent en petits groupes difficiles à traquer. Aussi, le gouverneur militaire du Nord-Kivu nous a réunis, nous les députés provinciaux et il a dit que c'était difficile d'avoir un militaire pour chaque maison dans tous les villages. Devant ces défis, et face à la poursuite des massacres, nous demandons au Chef de l'État d'expérimenter l'autre stratégie efficace, celle de doter les citoyens des armes pour qu'ils se protègent", explique à ACTUALITE.CD le député provincial Promesse Matofali. 

Il indique que cette mesure devra être encadrée pour éviter les dérapages.

"Toutes les armes qu'on doit doter à la population doivent être identifiées. Le nombre de balles qu'on doit donner à la population on doit les contrôler : on doit savoir qu'on a donné à Matofali l'arme portant tel numéro, autant de balles. Et chaque mois, matin et soir, les chefs des quartiers, des cellules, ceux de 10 maisons, doivent faire le contrôle et la surveillance de l'utilisation de ces armes. Ça peut nous aider, parce qu'il n'y a jamais eu pareille mesure au Congo. Certains disent que le RCD Goma avait donné les armes, je dis non: ça c'était une rébellion, mais pour mon cas c'est un gouvernement qui doit le faire", ajoute-t-il.

A Kinshasa, le député provincial Promesse Matofali dit avoir expliqué la démarche au président du Sénat, aux sénateurs et autres députés. Il espère qu'ils pourront aider à valider cette méthode en remplacement de l'état de siège qui peine à produire des résultats escomptés. 

Au Nord-Kivu, ce n'est pas la première fois que cette proposition d'armement des citoyens pour la pacification de la région est présentée. Elle avait été défendue, il y a quatre ans par le professeur Muhindo Mughanda, chercheur en géopolitique, aujourd'hui recteur de l'Université de Goma, principale université publique du Nord-Kivu. Mais son collègue internationaliste  Nissé Mughendi avait relativisé, dans une conférence publique à Butembo, que l'armement des citoyens ne peut produire des effets positifs que dans un pays capable de contrôler la circulation des armes. Sa crainte était de voir les armes dotées aux citoyens passées aux mains des rebelles et contribuer à exacerber les violences et accentuer la criminalité.

Claude Sengenya