RDC : Dan Gertler, Afriland First Bank, Global Witness et PPLAAF, la bataille juridique!

Justice

Fin janvier 2021. Dan Gertler peut sourire. L’homme d'affaires israélien reçoit une licence d’un an pour des transactions en dollars. Proche de l’ancien président Joseph Kabila, il est sur la liste des sanctions du trésor américain depuis 2017. Ces restrictions sont consécutives aux opérations minières jugées douteuses.

Ainsi, il est interdit, pendant la période des sanctions, aux entreprises ou citoyens américains de traiter avec Dan Gertler ou avec des sociétés dont il est majoritairement actionnaire. Pire. Les mêmes sanctions peuvent également toucher les tiers, c’est-à-dire les entreprises non américaines qui font affaire avec lui.

Plus de dix entreprises composant l’empire commercial de Dan Gertler sont ainsi exclues du circuit financier américain. Au total, 34 individus et entités liés au milliardaire sont sanctionnés en vertu de la loi Global Magnitsky (la loi sur la responsabilité concernant les droits humains).

Pour limiter l’impact des sanctions, Dan Gertler réagit rapidement, dans les mois qui ont suivi l'annonce de la décision du trésor américain. Il va réorganiser rapidement toute sa structure d'affaires en redomiciliant le cœur de son empire commercial de Gibraltar et des îles Vierges britanniques en RDC, rapportent la Plateforme de Protection des Lanceurs d'Alerte en Afrique (PPLAAF) et Global Witness, ONG spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles des pays en développement et la corruption. Les proches de Dan Gerler expliquent pour leur part que le transfert de ses entreprises visait en partie à assurer que celles-ci paient bien leurs impôts en RDC. 

Parallèlement, il engage une forte équipe pour faire lever les sanctions. L’ancien directeur du FBI Louis Freeh et l’avocat Alan Dershowitz sont également embarqués. Ils sont à la manœuvre et marquent à la culotte le département d'Etat des Etats-Unis et l’OFAC, expliquent les deux ONG.

En dépit de ces restrictions et d’une réputation écornée, le petit-fils de Moshe Shnitzer (cofondateur et premier président de la bourse de diamants en Israël), aurait continué, selon ces organisations, à faire affaire en dollars à travers le système bancaire congolais.  

La première alerte est donnée le 2 Juillet 2020. PPLAAF et Global Witness, publient un rapport présentant des documents qui portent à croire, selon l’organisation, que Dan Gertler, a peut-être  « eu accès à un réseau de sociétés-écrans, d'hommes de paille et de comptes bancaires par procuration lui permettant de faire circuler des millions de dollars en provenance et à destination de la RDC ».

« En somme, il semblerait que nous ayons à faire à un dispositif qui viserait à blanchir d'importantes sommes d'argent en RDC et à l'international, et permettrait à Gertler de contourner les effets des sanctions économiques américaines », disent alors PPLAAF et Global Witness. 

Leur rapport va plus loin et donne des noms. 

En dépit de ces explications, les deux organisations disent qu’elles ne peuvent pas prouver de façon irréfutable que Gertler a bien établi ce réseau complexe pour échapper aux sanctions américaines depuis 2017. 

Elles nuancent et n’affirment pas que l’évasion des sanctions est une infraction criminelle, « mais qu’une telle activité pourrait saper le principe même et le but de la loi Global Magnitsky, et appellent à l’ouverture d’enquêtes concernant les personnes qui auraient pu faciliter cette évasion de sanctions ». 

Batailles juridiques 

Afriland First Bank a ainsi porté plainte, le 2 octobre 2020, contre Global Witness et PPLAAF devant au tribunal de grande instance de Paris pour diffamation. ACTUALITE.CD apprend aussi qu’une autre plainte a été déposée le 1er juillet à la section financière du parquet de Paris. Afriland First Bank soutient que les documents utilisés dans le rapport Global Witness-PPLAAF ont été obtenus par « vol et abus de confiance, chantage, corruption privée ou encore violation du secret bancaire ». La banque parle aussi de faux et usage de faux.

Dan Gertler a également saisi la justice française contre les deux organisations. 

La bataille juridique est loin d’être terminée parce que PPLAAF a aussi déposé une plainte contre l’entourage de Dan Gertler pour “entraves à la liberté d’expression et d’association, atteintes à la vie privée et dénonciation calomnieuse” devant le parquet de Paris. La plainte demande l’ouverture d’une enquête préliminaire portant « sur les actes de représailles » ayant visé les  auteurs du rapport « Des Sanctions, Mine de Rien ».

Dans leur rapport, Global Witness et PPLAAF pointent du doigt aussi les largesses du système bancaire congolais. Des allégations qui sont aujourd’hui soutenues par deux anciens agents de Afriland First Bank qui acceptent pour la première fois de témoigner à découvert sur ACTUALITE.CD. Il s’agit de Gradi Koko Lobanga et Navy Malela. Les deux ont été également traduits en justice par Afriland First Bank et condamnés à mort. Ils étaient notamment accusés d’avoir communiqué des secrets bancaires à Global Witness et PPLAAF. Ces données, selon la banque, ont été falsifiées ensuite.

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