L’activisme des groupes armés locaux et étrangers continue de lourdement affecter l’Est de la République démocratique du Congo, plongé depuis plus de trois décennies dans une crise sécuritaire et humanitaire persistante. Une situation déjà préoccupante, qui s’est davantage dégradée avec la résurgence de la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda.
Depuis 2022, avec l’occupation de Bunagana, puis la poursuite des combats dans les territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo, jusqu’à la prise des villes de Goma et de Bukavu en janvier et février 2025, le mouvement rebelle a progressivement étendu son emprise face aux forces gouvernementales, notamment les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). À chaque avancée, l’AFC/M23, dirigée sur le plan militaire par Sultani Makenga, met en place une administration parallèle, échappant à l’autorité de Kinshasa.
Dans un contexte marqué par des résultats jugés limités des initiatives diplomatiques en cours, menées sous l’égide des États-Unis d’Amérique et de l’État du Qatar, le cardinal Fridolin Ambongo a profité de son message de Noël pour lancer un appel solennel à la paix. S’exprimant lors de la messe de la Nativité, célébrée le mercredi 24 décembre 2025 à la cathédrale Notre-Dame du Congo, l’archevêque métropolitain de Kinshasa a exhorté l’ensemble des acteurs sociaux et politiques à renoncer à la violence.
« Puisque Emmanuel, Dieu avec nous, est le Prince de la paix, il nous engage dans une véritable alliance pour la paix et le bien-vivre ensemble. C’est pourquoi j’en appelle avec insistance à tous les acteurs sociaux et politiques : choisissez la paix, cessez de faire la guerre. Fêter la Nativité de Jésus, c’est croire que les ténèbres de la violence et de l’injustice n’ont pas le dernier mot. Célébrer Noël sans cette conversion en faveur de la paix et de la justice serait en trahir le sens », a déclaré le cardinal Ambongo devant les fidèles.
Malgré la situation qu’il qualifie de « catastrophique », le prélat catholique s’est voulu porteur d’un message d’espérance, s’appuyant sur les textes bibliques relatifs à la naissance de Jésus-Christ. Il a exprimé sa conviction que la crise actuelle ne saurait étouffer l’espérance d’un avenir meilleur pour la République démocratique du Congo.
« Les déplacements massifs de populations, l’insécurité alimentaire et les traumatismes profonds causés par les conflits nous rappellent l’urgence de laisser le Christ naître dans nos cœurs, dans nos familles et dans notre pays, afin de reconstruire la paix et de restaurer la confiance entre nos communautés. L’espérance ne trompe pas, elle ne déçoit pas », a-t-il souligné, évoquant une éthique de la paix, du vivre-ensemble et du respect de la dignité humaine.
Sur le plan diplomatique, la prise de Goma et de Bukavu au début de l’année 2025 a suscité une mobilisation accrue de la communauté internationale. Deux processus majeurs ont été engagés pour tenter d’endiguer l’escalade : les accords de Washington, signés entre Kinshasa et Kigali sous l’égide des États-Unis, et le processus de Doha, conduit par l’État du Qatar et impliquant le gouvernement congolais et la rébellion de l’AFC/M23.
Si le processus de Washington semble avoir connu une accélération formelle avec l’entérinement des accords par les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, en présence du président américain, les discussions de Doha peinent à enregistrer des avancées concrètes. Ces négociations, censées compléter les accords de Washington en abordant les causes profondes du conflit, notamment la restauration de l’autorité de l’État et la réintégration des groupes armés, restent à ce stade largement au point mort.
Cette inertie a favorisé la reprise de violents affrontements entre l’AFC/M23, appuyée par le Rwanda, et les forces gouvernementales, entraînant l’occupation de la ville d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu. Cette prise de contrôle a provoqué de vives condamnations internationales, visant principalement Kigali, en tête desquelles celles des États-Unis d’Amérique.
Sous la pression internationale, la rébellion de l’AFC/M23 a annoncé son retrait d’Uvira, affirmant vouloir donner une chance aux processus de paix. Toutefois, quelques jours plus tard, la représentante américaine au Conseil de sécurité des Nations unies a rappelé la nécessité d’un retrait effectif et vérifiable, à une distance d’au moins 75 kilomètres de la ville.
Clément Muamba