Est de la RDC : l'AFC/M23 nourrit l'intention de rendre autonomes les zones sous son contrôle, affirme le Groupe d'experts de l'ONU

Les rebelles du M23 à Goma
Les rebelles du M23 à Goma

Le Groupe d’experts des Nations unies pour la République démocratique du Congo affirme, dans son nouveau rapport, que la rébellion de l’AFC/M23, appuyée par le Rwanda, ne cesse de nourrir l’intention de rendre autonomes les zones qu’elle contrôle dans l’Est du pays. Pour appuyer cette conclusion, le rapport consulté lundi 8 décembre 2025 souligne que cette ambition explique la stratégie d’enracinement du mouvement, menée à travers ses opérations militaires et la mise en place d’une gouvernance parallèle dans les territoires occupés.

"Depuis avril 2025, l’AFC/M23 a intensifié ses efforts pour consolider son contrôle militaire par un recrutement accru, une formation militaire renforcée, des redéploiements coordonnés de troupes et des opérations menées au Nord et au Sud-Kivu. Ces efforts se sont accompagnés d’une coordination opérationnelle soutenue avec les RDF permettant à l’AFC/M23 de renforcer ses gains territoriaux et d’étendre sa sphère d’influence. L’AFC/M23 a également cherché à se positionner comme une alternative viable à l’État congolais en matière de gouvernance par la mise en place systématique de structures administratives, judiciaires, fiscales et sécuritaires de type étatique et l’usurpation de fonctions étatiques", renseigne le rapport du groupe d'experts des Nations Unies.

D'après les mandataires de l'ONU sur la RDC, ces intentions du mouvement rebelle ne cessent de se manifester dans les actions sur terrain mais aussi par les discours de ses différents dirigeants

"L’objectif déclaré de l’AFC/M23 était de gouverner les territoires conquis à long terme, par la création d’une région autonome dans l’est de la RDC. En juillet 2025, Benjamin Mbonimpa, secrétaire permanent de l’AFC/M23 et négociateur en chef à Doha, a déclaré que l’AFC/M23 proposait le fédéralisme comme forme de gouvernance. Ces développements contreviennent directement aux engagements de paix de l’AFC/M23 et au régime de sanctions", ajoute le rapport.

La résurgence de l’activisme de la rébellion du M23 est intervenue en 2021, soit près de deux ans après l’accession de Félix Tshisekedi à la magistrature suprême. Quelques années plus tard, le mouvement s’est transformé en Alliance Fleuve Congo/M23 (AFC/M23) avec l’intégration de Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante et désormais son coordonnateur politique. Contrairement à la précédente résurgence, la rébellion, toujours appuyée par l’armée rwandaise, enregistre des avancées militaires significatives, occupant de vastes zones dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu et poursuivant l’installation d’une administration parallèle.

Le processus de Washington, piloté par les États-Unis et à l’origine des accords conclus entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, ainsi que le processus de Doha, conduit par l’État du Qatar pour résoudre la crise entre Kinshasa et l’AFC/M23, constituent deux volets complémentaires d’une initiative diplomatique majeure visant à mettre fin aux conflits persistants dans l’Est du pays.

L’apparition de ce rapport intervient alors que les États-Unis intensifient leurs efforts pour désamorcer la crise entre Kinshasa et Kigali. Présidée par Donald J. Trump, la signature des Accords de Washington a été qualifiée d’« historique » par le Département d’État américain. Ce cadre réaffirme les engagements destinés à mettre fin à des décennies de conflit, à renforcer la coopération économique et à jeter les bases d’une paix durable entre la RDC et le Rwanda.

La médiation qatarie constitue l’autre pilier diplomatique du moment. Un accord-cadre a été conclu entre Kinshasa et l’AFC/M23, mais son contenu reste encore à définir dans le cadre des négociations. Sur le terrain, la situation demeure inchangée : lignes de front actives, absence de mesures de confiance, positions figées. La coexistence du processus de Washington et du processus de Doha illustre la complexité du dossier : d’un côté, une médiation interétatique centrée sur les relations RDC–Rwanda ; de l’autre, une négociation politico-militaire directe avec la rébellion.

Clément MUAMBA