Le ministère de l'Éducation nationale interdit désormais l'exclusion des élèves enceintes des établissements scolaires. À Kinshasa, cette nouvelle directive suscite des réactions contrastées. Entre inquiétudes, soutien conditionnel et rejet total, Actualité.cd a recueilli les avis des parents.
Serge Mbuyi, vivant à Limete et père de trois enfants, voit cette décision comme un progrès :
“Être mère ne devrait pas empêcher une fille de continuer ses études. Je suis favorable à cette mesure. Mais je pense qu’il faut prévoir des aménagements, comme une salle à part, pour éviter de perturber les autres.”
Dans le même ordre d’idée, Moris Nzeza, un agent de la fonction publique estime que cette mesure vient renforcer l’accompagnement éducatif au-delà de lutter contre l’abandon scolaire.
“Ce n’est pas la grossesse le vrai problème, mais l’absence d’éducation sexuelle et de soutien moral. Pourquoi ne pas leur proposer aussi des formations professionnelles, si certaines ne peuvent plus suivre le rythme scolaire ?” s’est-il interrogé.
Un rejet catégorique chez certains parents
À Gombe, Banza et Régis sont formelles, “ une année sabbatique serait la meilleure option ”.
Mme Banza renchérit, “Si ma fille est en terminale, qu’elle s'apprête à passer son examen d’Etat, je peux comprendre. Mais à 13 ou 14 ans, une grossesse en pleine année scolaire est un signal d’alerte. Dans ce cas, une année sabbatique serait plus raisonnable.”
“Une élève, enceinte, en uniforme, dans une salle de classe ? Ce n’est ni moral ni pédagogique. Elle doit revenir après l’accouchement. Je pense qu’à un moment, il faut quand même préserver sa dignité”, soutient Mme Regis.
Même son de cloche chez Papa Nzuzi, quinquagénaire et père d’une famille de quatre enfants dont une seule fille.
“Si ma fille voit ses camarades venir enceintes à l’école, et qu’on les accepte, elle peut être influencée. Je ne suis pas prêt à l’envoyer dans un tel environnement pour son éducation. Je ne suis pas du tout prêt!” s'exclame-t-il.
Si certains parents saluent la volonté de garantir l’éducation pour toutes, d'autres s'interrogent sur les capacités réelles des écoles à encadrer ces situations. En l’absence de moyens supplémentaires tels que les psychologues scolaires, le personnel médical et un encadrement spécifique, la directive pourrait s'avérer difficile à appliquer. C’est d’ailleurs le point de vue de Mme Hortense qui évoque surtout les risques pour la santé de la future mère.
“Chaque grossesse comporte des risques. Monter les escaliers, marcher tous les jours, les embouteillages, les difficultés liées au transport… je crois que ce serait pénible pour une adolescente qui apprend à devenir mère. Je préfère garder ma fille à la maison.”
Depuis le 14 juillet, une note circulaire signée par le secrétariat général du ministère de l’Éducation nationale précise qu’aucune élève enceinte ne peut être exclue du système éducatif, sauf si elle manifeste l'intérêt de quitter l’école. Cette mesure vise à lutter contre la déscolarisation des adolescentes et à garantir l’égalité d’accès à l’éducation, même en cas de grossesse.
Entre protection des droits fondamentaux et préoccupations liées à la discipline ou à la morale, le débat reste ouvert. À quelques semaines de la rentrée, une question demeure : les écoles seront-elles réellement prêtes à accompagner ces jeunes filles sans compromettre l’équilibre scolaire ? A suivre.
Davina D. Banzadio (Stagiaire)