La rumba congolaise vit sa troisième année en tant que patrimoine immatériel de l’humanité reconnu par l’UNESCO dans sa liste représentative. Depuis le 14 décembre 2021, les congolais peuvent se dire fier de cet héritage identitaire qui parle de la RDC et fait parler d’elle à travers le monde. Cependant, très peu de questions se posent sur la capitalisation de cet acquis culturel afin de le transformer économiquement, touristiquement, infrastructurellement, politiquement et sur bien d’autres plans.
D’où, l’Institut National des Arts (INA), un des espaces emblématiques du pays où la rumba est enseignée et pratiquée dans sa pureté et son originalité, s’est penchée sur la question relative à l’économie de la rumba. Le Festival international de la Rumba Congolaise (FIRC) et l'INA ont réuni, dans un colloque, ce jeudi 12 décembre, des experts du secteur, des artistes, des étudiants et autres pour échanger autour de l’apport de la rumba congolaise dans la diversification de l’économie de la RDC et dans la grande famille rumba.
« Nous avons compris avec les experts du monde culturel et économique que l’INA, comme université de culture, doit présenter un plaidoyer pour que le ministère de la culture et le gouvernement puisse avoir une politique culturelle qui valorise nos artistes, nos économies et finances. Parce que tout ce que nous produisons jusque là est une perte, et d’autres nations qui profitent de notre culture et s’enrichissent. Nous devons mettre fin à cette situation », a indiqué le Directeur Général de l’INA, Félicien Tshimungu.
La rumba et les finances
Dans un élan entre expertise scientifique et expérience du marché de la musique, les intervenants ont brossé ce qu’il faut, presqu’au détail près, afin de transformer une simple danse ou musique à un bien déjà exportable et exporté, pour devenir rentable afin de générer des recettes à l’économie nationale. Le professeur Onésime Kukatula Falash, spécialiste en multinationales, est intervenu sur la valeur et les opportunités de la rumba dans l’économie de la RDC.
« Ce que l’Etat peut faire est de capitaliser le produit qu’il a. Un produit comme la rumba est une grande richesse mondiale, il y a une chaîne de valeur que nous pouvons placer sur le plan international. Quand ça traverse l’espace mondial, ça génère des recettes », a expliqué le premier intervenant de ce colloque.
La rumba congolaise a à participer à l’économie par rapport aux artistes musiciens, aux producteurs et à la nation. C’est un produit avec valeur ajoutée que le Congo met sur la place mondiale non pas de manière brute, ajoute le professeur Kukatula. Il pense que les grands noms de cette musique tels que Wendo, Grand Kalle, Papa Wemba, Tabu Ley, Franco Lumabo Makiadi, etc. peuvent drainer beaucoup de touristes dans le pays et faire ramener des devises, des infrastructures touristiques, créer des d’emplois directs et indirects, etc.
« Il y a moyen de mettre en place une politique économique culturelle pour que le pays profite de cette richesse culturelle qu’il regorge », ajoute encore le professeur Kukatula.
Baya Ciamala, journaliste et cofondateur de Baziks, une plateforme congolaise de streaming des musiques. Il est revenu sur les défis économiques de la rumba dans le numérique. Pour lui, le marché qui a semblé faire faillite avec l’arrivée d’internet a vu fleurir une autre vie grâce toujours à internet et les artistes chanteurs n’ont qu’à se mettre dans le sens de la marche pour gagner à travers le streaming, de préférence sur des plateformes locales permettant aux premiers consommateurs de la rumba d’en avoir accès.
Il a fini son speech, non sans rappeler que pour au moins 1500 $ le mois, il faut atteindre 250 000 streams par mois sur des plateformes qui viennent d’ailleurs. Un défi largement difficile à atteindre pour beaucoup d’artistes congolais qui pourtant se consomment bien dans leur propre pays.
Le chemin à parcourir est long mais rassurant économiquement. Pour emboîter les pas de l’industrie musicale américaine qui a contribué à hauteur de 222 milliards à l’économie du pays en une année, il faut bien que la culture puisse intervenir dans l'économie comme dans tous les autres secteurs de la vie.
Raison pour laquelle, au niveau de cycle de licence LMD en musique à l’Institut National des Arts, une nouvelle brèche a été ouverte sur l'histoire de la rumba et les acteurs majeurs de cette musique. A signaler également que plusieurs travaux de fin d'études sont déjà proposés sur la rumba.
Les origines de la rumba
Michel Ngongo Bisanga, chef des travaux à l’INA, chercheur et spécialiste de la Rumba, est intervenu en troisième position pour évoquer l’histoire de la rumba, ses origines, ses tendances. Sa présence à ce colloque s’explique par le fait de compléter le prisme de la connaissance de cette rumba que tous veulent comme générateur de revenu.
Il s’est étalé sur les tendances de ceux qui pensent que la rumba vient de Nkumba, qui veut dire la danse du nombril au Kongo-Central, qui est partie en Amérique avec la traite négrière et est revenue avec des traces d’ailleurs des siècles plus tard. Une autre tendance ne voit en la rumba aucune résonance d’ailleurs sinon les musiques traditionnelles car les premières traces enregistrées de la rumba, avec Bowulé, n’avait rien de Cuba.
« Ce que j’ai présenté ne sont que des tendances, il n’y a pas une vérité absolue, chacun peut tirer de son côté », a-t-il commenté.
Michel Ngongo a pris pour sous-thème la rumba congolaise et les rumba. Il estime qu’il y a lieu de creuser et d’aller vers quelque chose de plus objectif. « Nous plaidons pour une fédération de toutes ces rumbas. Il faut que tous nous soyons ensemble pour célébrer la rumba qui reste l’ancêtre de toutes ces musiques », a-t-il ajouté.
Pour associer l’utile et l’agréable, un orchestre a accompagné toute la manifestation dans la salle Mikanza. De temps en temps, elle a entonné de la musique, de surcroît la rumba. Des rythmes tel que Africa mokili mobimba ont raisonné pour faire rentrer le participants dans le vif du sujet rumba et faire asseoir en eux, la nécessité de capitaliser une telle valeur pour un si grand pays comme la RDC qui en produit en quantité industrielle chaque année et dans tous les coins de rue.
Kuzamba Mbuangu