RDC : Un front politique et religieux contre la révision de la Constitution ?

Un front de plus en plus large, incluant des leaders politiques et religieux, s’organise pour s’opposer à toute tentative de modification de la Constitution en RDC. Félix Tshisekedi, réélu en décembre 2023, a récemment évoqué lors d'un meeting à Kisangani la possibilité de réviser la Constitution, provoquant une levée de boucliers parmi ses opposants politiques et la société civile.

Moïse Katumbi s’oppose fermement à la révision

Interrogé sur la question d’un potentiel « quatrième pénalty » par ACTUALITE.CD, l’opposant Moïse Katumbi a qualifié l’initiative d’un « quatrième faux pénalty ». Rappelant ses échanges passés avec Félix Tshisekedi et d'autres leaders, Katumbi a dénoncé cette contradiction avec leurs positions antérieures : « À l’époque, nous luttions contre la modification de la Constitution sous Kabila. Le président Tshisekedi lui-même affirmait que la Constitution ne devait pas être touchée », a-t-il déclaré.

Katumbi insiste sur le fait que le véritable problème du pays est la gouvernance, et non la Constitution. « Rien ne justifie de la changer. Nous avons une bonne Constitution. Ce qui manque, c'est la bonne gouvernance », a-t-il souligné, avant de rappeler que « toucher à la Constitution serait un signe clair de l’intention de permettre un troisième mandat à Tshisekedi, malgré ses affirmations contraires ».

Martin Fayulu : « Tshisekedi joue avec le feu »

De son côté, Martin Fayulu, leader de l’Engagement pour la Citoyenneté et le Développement (ECIDé), a aussi réagi avec virulence. Sur son compte X (ex-Twitter), il a accusé Félix Tshisekedi de « jouer avec le feu ». « Nous ne le laisserons pas toucher à la Constitution », a-t-il averti. Selon Fayulu, le pays est confronté à des priorités bien plus urgentes, telles que l’intégrité territoriale, la lutte contre la misère et l’insécurité, ainsi que le respect des droits humains.

Fayulu a aussi souligné que la révision constitutionnelle ne résoudrait pas les problèmes actuels : « Ce n’est pas à cause de la Constitution que plus de 115 localités du pays sont sous contrôle des forces extérieures », a-t-il déclaré, en faisant allusion à l’occupation de certaines zones par des groupes rebelles.

La CENCO exprime ses réserves

Le front de l’opposition n’est pas seulement politique. Donatien Nshole, secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), a également mis en garde contre toute tentative de modifier la Constitution. « C’est une démarche à décourager dans le contexte actuel, quelle que soit la pertinence des points soulevés », a-t-il déclaré sur Radio Okapi. Nshole a insisté sur les dangers que cette initiative ferait peser sur la stabilité du pays, tant sur le plan social que sécuritaire.

Le prélat a rappelé que la RDC traverse une période de forte agitation sociale, avec des grèves régulières, et que l’introduction d’un débat sur la révision de la Constitution pourrait aggraver cette instabilité. « Ce projet de changement de Constitution pourrait ouvrir un nouveau front de tensions sociales dans un pays déjà fragilisé, particulièrement à l’Est », a-t-il prévenu.

L'UDPS mobilise pour la révision

Malgré ces oppositions, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), parti au pouvoir, poursuit sa mobilisation en faveur de la révision constitutionnelle. Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS, a invité les membres du parti à se préparer à expliquer aux militants le bien-fondé de cette réforme. Dans une circulaire, il a rappelé que cette révision était une promesse électorale, évoquant même la promesse du défunt Étienne Tshisekedi de revenir sur la Constitution une fois au pouvoir.

Un pays divisé sur la révision constitutionnelle

L'opposition présente cette initiative comme une tentative du pouvoir de permettre à Félix Tshisekedi de prolonger son mandat au-delà des deux prévus par la Constitution. Ils brandissent l’article 220 de la loi fondamentale, qui verrouille des dispositions comme la durée et le nombre de mandats présidentiels. Pour eux, cette révision, au lieu de résoudre les problèmes du pays, ne ferait que le diviser davantage.