Acteurs clés en leur qualité de médiateurs dans les crises opposant Kinshasa à Kigali, d’une part, et Kinshasa à la rébellion de l’AFC/M23, d’autre part, les États-Unis d’Amérique et l’État du Qatar suivent de près l’évolution de la situation sécuritaire en République démocratique du Congo (RDC). Celle-ci demeure marquée par la poursuite des combats entre la rébellion soutenue par le Rwanda et les forces gouvernementales, ainsi que par une dégradation continue de la situation humanitaire dans la région des Grands Lacs.
La question a été abordée lors d’une rencontre tenue le vendredi 19 décembre 2025 entre Massad Fares Boulos, conseiller principal des États-Unis pour les affaires arabes et africaines, et le Dr Mohammed bin Abdulaziz Al-Khulaifi, ministre d’État et ministre des Affaires étrangères du Qatar. Les deux responsables ont dénoncé les violations répétées des processus de paix et réaffirmé leur détermination à œuvrer pour l’instauration d’un cessez-le-feu durable.
« Réunion importante avec le ministre d’État qatari, le Dr Al-Khulaifi, au cours de laquelle nous avons exprimé notre préoccupation commune face aux récents événements dans l’Est de la RDC et aux violations du processus de paix par le Rwanda. Nous restons déterminés à travailler avec nos partenaires régionaux afin de mettre en œuvre les accords récents, rétablir la stabilité et faire respecter le cessez-le-feu. Nos échanges ont également porté sur la nécessité impérieuse de paix et de stabilité en Libye et au Sahel, y compris au Mali, en soulignant l’importance d’une action coordonnée pour relever les défis sécuritaires actuels et soutenir les communautés affectées par les conflits dans l’ensemble de la région », a écrit Massad Fares Boulos sur le réseau social X.
Si, sur le plan diplomatique, des avancées sont enregistrées du côté de Washington, notamment avec l’entérinement récent des accords de Washington par les présidents Félix Tshisekedi (RDC) et Paul Kagame (Rwanda), en présence du président américain Donald Trump, le processus conduit par le Qatar entre Kinshasa et la rébellion de l’AFC/M23 semble évoluer au ralenti. Depuis la signature, en novembre dernier, de l’accord-cadre censé baliser la voie à des négociations menant à un accord de paix global, peu de progrès concrets ont été observés.
Selon le ministère des Affaires étrangères du Qatar, cette dynamique constitue pourtant une nouvelle étape du processus de paix facilité par Doha et s’inscrit dans le prolongement de la Déclaration de principes signée le 19 juillet dernier. Sur le terrain, cependant, la situation continue de se détériorer. Lors d’une conférence de presse à Goma, Bertrand Bisimwa, numéro deux de la rébellion, avait annoncé le déplacement prochain des délégations de Kinshasa et de l’AFC/M23 à Doha pour la reprise des discussions, sans en préciser la date.
Cette séquence diplomatique intervient dans un contexte marqué par l’annonce, par la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par Kigali, de son retrait de la ville d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu. Une annonce aussitôt contestée par les autorités congolaises, qui y voient une manœuvre de diversion visant à atténuer la pression internationale, notamment celle exercée par les États-Unis, sur le régime rwandais, considéré par les Nations unies comme le principal soutien de cette rébellion.
Dans le même temps, l’AFC/M23 poursuit ses conquêtes territoriales dans l’Est de la RDC et met en place une administration parallèle, échappant au contrôle des autorités de Kinshasa. La ville d’Uvira, considérée comme un verrou stratégique dans le dispositif sécuritaire du gouvernement congolais au Sud-Kivu, était récemment passée sous le contrôle du mouvement rebelle, renforçant ainsi son emprise sur les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Sa perte pourrait ouvrir la voie à une progression de l’AFC/M23 vers l’espace du Grand Katanga, perçu comme le poumon économique du pays.
Clément Muamba