Le processus de Luanda, principal cadre de négociation entre Kinshasa et Kigali sur la crise sécuritaire dans l'Est de la RDC est confronté à des difficultés dans la phase de sa mise en œuvre. Le blocage réside notamment sur les divergences entre les deux parties concernant le projet d’accord. C'est ce qu'a révélé la ministre d'État, des Affaires Étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner mardi 8 octobre 2024 devant le Conseil de sécurité des Nations-Unies à l'occasion de la présentation du rapport semestriel de l'envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, Huang Xia sur la mise en œuvre du Cadre de paix, de sécurité et de coopération pour la RDC et la région (CPS-F).
"Il est désormais évident que face à l'urgence de la situation, il est de notre devoir de clarifier devant ce Conseil les véritables obstacles qui freinent ce processus et l'adoption du projet d'accord proposé par la médiation angolaise. Premièrement le plan harmonisé pour la neutralisation des FDLR et le désengagement des forces. Ce plan propose sur deux volets l'un pour la neutralisation des FDLR et l'autre pour le retrait des forces rwandaises. Dès avril 2024, la République Démocratique du Congo a élaboré son plan de neutralisation des FDLR avec précisions et incluant une évaluation complète de la menace, des opérations militaires et un suivi rigoureux des résultats", a rappelé d'entrée de jeu la cheffe de la diplomatie congolaise.
Thérèse Kayikwamba Wagner qouligne que la contribution du Rwanda sur le retrait des forces se résume en une simple promesse de retrait sans garantie, ni détail concret créant un déséquilibre qui compromet l'application cohérente du plan.
"Pire encore, le Rwanda conditionne son retrait à la neutralisation des FDLR, un chantage qui viole les principes fondamentaux du droit international. Pour que ce processus ait du sens, il est impératif que les deux volets soient mis en œuvre de manière concomitante. Seule une simultanéité peut assurer la crédibilité et l'efficacité d'un plan qui aspire à restaurer la paix dans la région. Deuxièmement, le Rwanda rejette toute clause de responsabilité dans un éventuel accord de paix, ce qui soulève des graves interrogations sur la sincérité de son engagement envers la paix", a fait remarquer Thérèse Kayikwamba Wagner.
Malgré l'attitude du Rwanda, Thérèse Kayikwamba Wagner réaffirme la volonté et la détermination de son pays à respecter ses engagements dans le cadre du processus de la feuille de route de Luanda.
"En République Démocratique du Congo, nous acceptons pleinement d'être tenu responsable de nos actes car le principe de responsabilité est le socle de toute résolution des conflits. Il impose à chaque partie de respecter scrupuleusement ses engagements avec rigueur et sincérité. Lorsqu'un accord est violé, le principe commande des conséquences claires et sans équivoque. Qu'il s'agisse des sanctions où des poursuites judiciaires pour que justice et droit international ne soient pas des simples mots mais des réalités. Sa responsabilité, il ne peut y avoir ni confiance ni paix durable", a-t-elle indiqué.
La partie congolaise insiste également sur l’importance d’inscrire dans l’accord de paix, la question relative à la justice régionale.
"Troisièmement, la République Démocratique du Congo réaffirme la nécessité impérative d'un mécanisme de justice régionale pour répondre aux violations flagrantes du droit international commises depuis la résurgence du M23 en 2022. Le Rwanda refuse catégoriquement l'inclusion de toutes les dispositions visant à intégrer ce mécanisme dans l'accord de paix actuellement en discussion. Ce refus obstiné dévoile sans ambiguïté l'intention du Rwanda d'échapper à la lumière de la justice", a martelé Mme Kayikwamba.
Ces dernières semaines, l'Angola a intensifié ses efforts pour le retour de la paix dans l'Est de la République Démocratique du Congo. Son représentant permanent au Conseil de sécurité des Nations-Unies avait annoncé que la prochaine réunion ministérielle est prévue pour la première moitié du mois d'octobre. Elle aura pour objectif de parvenir à une entente qui aboutirait à un sommet des Chefs d'État qui permettrait nous espérons de sceller une paix définitive et de normaliser les relations diplomatiques entre les deux pays à savoir la République Démocratique du Congo et le Rwanda.
Sur terrain, le statu quo est constaté, les rebelles du M23 soutenus par Kigali occupent toujours une grande partie des territoires de la province du Nord-Kivu avec comme ambition d'étendre sa zone d'influence au-delà de la province du Nord-Kivu. Kinshasa qui croit toujours à la résolution de la crise par voie diplomatique attend l'abandon du soutien de Kigali au M23 et le retrait de ses troupes du territoire congolais.
Clément MUAMBA