À l’occasion de la Journée de la Femme Africaine, célébrée chaque 31 juillet, le DeskFemme de ACTUALITÉ.CD est allé à la rencontre de femmes à Kinshasa pour recueillir leurs points de vue sur la transmission des valeurs africaines entre générations par les femmes.
De Ngiri-Ngiri à Gombe en passant par Lemba et Mont Ngafula, les avis sont partagés. Pour certaines, la modernité a érodé les repères traditionnels. Pour d'autres, l'évolution des mentalités est une nécessité, même si elle bouscule des normes longtemps tenues pour sacrées.
« Dans mon temps, une jeune fille ne répondait pas à sa mère. Elle connaissait les salutations, le respect des aînés, la retenue, la solidarité communautaire, le rôle éducatif au sein du foyer. Aujourd’hui, même les tenues ne montrent plus aucune pudeur », déplore Maman Pauline, 72 ans, ancienne institutrice, installée à Barumbu.
Pour Grâce Maloba, sociologue spécialisée en genre et culture à l’Université de Kinshasa, toutes les bonnes valeurs africaines semblent aujourd’hui fragilisée par la mondialisation, les réseaux sociaux, et l’individualisme croissant.
« Les jeunes aujourd’hui sont connectés, oui, mais déconnectés de leur identité. Il faut qu’on se demande comment continuer à être Africain, sans être enfermé dans le passé. À la maison, dans les églises, mais aussi sur TikTok ou Instagram, les références culturelles traditionnelles cohabitent difficilement avec les expressions de la jeunesse urbaine », note-t-elle.
Pour certaines mères, cela crée un fossé générationnel qui complique l’éducation.
« Ma fille de 16 ans me dit que les coutumes sont toxiques. Elle refuse qu’on lui parle de mariage coutumier ou de rôle dans le foyer. Elle veut vivre libre, comme les filles qu’elle suit sur Internet. C’est une bataille quotidienne », confie Lucie, mère de trois enfants à Mont-Ngafula.
Cependant, toutes les femmes ne voient pas dans ce changement une menace. Pour plusieurs jeunes interrogées, il s’agit d’une relecture critique de certaines traditions, parfois sources d’inégalités.
« On ne rejette pas nos valeurs, mais on questionne ce qui nous oppresse. Être Africaine aujourd’hui, c’est aussi pouvoir choisir, sans être jugée. Ce n’est pas un manque de respect, c’est une affirmation de soi », affirme Ketsia Erez, étudiante à l’IFASIC.
Cette tension entre fidélité culturelle et affirmation individuelle est au cœur d’un débat plus large : comment concilier respect des racines et adaptation au monde contemporain ? Un défi qui dépasse les générations et que Chantal Mulumba, éducatrice en milieu scolaire, appelle à affronter collectivement, sans stigmatisation.
« Ce n’est pas aux jeunes seules de porter cette responsabilité. C’est à nous, adultes, de réinventer des espaces de dialogue. Si on continue à opposer modernité et tradition, on va perdre les deux », estime-t-elle.
En cette Journée de la Femme Africaine, les voix recueillies rappellent que la transmission ne peut plus être passive. Elle doit être consciente, critique, partagée. Et que les femmes, encore une fois, restent au cœur de cette médiation fragile entre hier et demain.
Nancy Clémence Tshimueneka