Le gouvernement congolais, à travers le ministère de l'Entrepreneuriat, Petites et Moyennes Entreprises, a lancé la semaine dernière à Kinshasa, les activités dédiées à octobre 2023 « mois de l'Entrepreneuriat ». Ce programme, qui découle d'une analyse en profondeur de l'écosystème entrepreneurial congolais, s'articule autour des trois "C", à savoir : Capacité, Crédit et Contrat.
Qu'elles travaillent dans l'informel ou le formel, les femmes œuvrant dans l'entrepreneuriat à Kinshasa sont confrontées à des préjugés sociaux. Elles ont de lourdes responsabilités familiales et leur niveau d'instruction est faible, explique Nadine Tshibola, responsable de l'entreprise Mwasi ya Bwanya ya Congo, spécialisée dans la transformation.
"L'économie congolaise est marquée par le secteur informel, dominé par les femmes. Les femmes entrepreneures que nous sommes, bénéficions des fois d'un appui technique des structures habilitées. Ces structures nous accompagnent avec des formations et des orientations sur la gestion des activités. Et les microfinances passent aussi de temps en temps nous solliciter pour faire des crédits. À Kinshasa, il est possible pour les femmes de faire des affaires, la femme est beaucoup plus privilégiée et accompagnée, mais ce n'est pas du tout facile. Personnellement, j'évolue dans la transformation, précisément la fabrication des pains. Mais en tant que femme, le premier obstacle que j'ai, c'est d'arriver à concilier ma vie de foyer, mon business et le boulot. Toute cette charge ne me permet pas d'avoir un œil regardant sur mon entreprise. La vie des femmes en société n'est pas du tout facile, on fait face à des préjugés sociaux, on a à notre charge la lourde responsabilité des foyers et ce n'est pas du tout facile", confie-t-elle.
Israël Kanku, responsable de Glamour Mode évoluant dans la vente des habits de femmes, estime que les tracasseries administratives constituent un obstacle majeur pour l'émergence de l'entrepreneuriat féminin.
"Certes, l'État congolais est en train de mettre en place des mesures pour faciliter le climat des affaires, mais au niveau des communes, ce n'est pas du tout facile. Lorsque vous vous installez dans un coin, ce sont les agents de la commune qui vont commencer à vous déranger et demander des taxes qui n'existent même pas et finalement, si vous n'êtes pas fort, vous pouvez fermer boutique. Cela ne nous permet pas du tout d'évoluer. Lorsque le gouvernement met en place différentes mesures pour nous accompagner, il faut une forte sensibilisation et un suivi sur terrain pour la mise en applicabilité effective de ces mesures".
Pour Christine Belesi de Miracle Clean Services qui propose des services de nettoyage, les femmes ont besoin d'un bon encadrement pour bien évoluer.
"Les femmes sont aptes à faire les business, mais l'entrepreneuriat féminin n'arrive pas à avancer. Dans la plupart des cas, c'est parce que les femmes se lancent juste pour l'auto-prise en charge. Les femmes doivent repenser leur modèle de business, penser à l'étendre au fur et à mesure. Et pour y arriver, il faut éduquer ces femmes. Elles ont besoin de l'éducation dans les affaires, l'éducation financière, pour pouvoir évoluer", a-t-elle soutenu.
En RDC, précisément à Kinshasa, on distingue deux catégories de femmes entrepreneures. Il y a d'une part des femmes qui créent une entreprise et tentent de la développer sur un segment de marché prometteur. Et d'autre part, des femmes qui se lancent dans une petite activité par nécessité, pour joindre les deux bouts : elles vendent dans la rue des plats qu'elles ont cuisinés, revendent des produits manufacturés ou de grande consommation, ou font du petit commerce transfrontalier.
Les femmes entrepreneures de cette deuxième catégorie ont besoin, elles, d'une aide ciblée pour lever les obstacles liés à la multiplication des taxes et impôts sur le marché.
"Je fais ce petit commerce pour subvenir aux besoins de ma famille, mais on nous demande beaucoup de taxes et impôts, au point qu'on a du mal à générer un revenu suffisant pour prendre en charge la famille et développer le business" déplore Thérèse Kole, vendeuse d'épices au rond-point Ngaba. À côté de cela s'ajoute la police qui nous chasse chaque fois pour libérer la voie au moment où à l'intérieur du marché il n'y a plus de places. Comment on peut vendre dans ce genre de situations ? Ces mêmes policiers, pour nous laisser vendre, on leur doit 500 à 1000 FC. Donc, on ne sait même plus travailler pour nous et nos familles. Nous demandons au gouvernement de revoir ce système pour nous permettre de survivre," a renchéri Mamy Ghenda, vendeuse des légumes.
Pendant ce mois, le ministère de l'Entrepreneuriat, Petites et Moyennes Entreprises prévoit ainsi une série d'activités, entre autres :
(i) Un déjeuner de travail avec les partenaires au développement
(ii) une grand-messe de l'entrepreneuriat autour du projet « 1 million de PME pour huit millions d'emplois »
(III) la troisième édition du « Challenge Entreprise » pour primer les MPMEA qui se sont distinguées au cours de l'année 2022
(IV) l'ouverture de la « Maison de l'Entrepreneuriat »
(v) Les états généraux de l'entrepreneuriat congolais
(vi) La rencontre du Président de la République avec un échantillon de jeunes entrepreneurs à l'échelle nationale.
Ces activités auront l'avantage d'élucider les différentes mesures d'accompagnement mises en place par le cadre légal et institutionnel, de valoriser et capitaliser les initiatives complémentaires venant du secteur privé et de créer un cadre de dialogue avec les initiatives des partenaires au développement.
Nancy Clémence Tshimueneka