Tensions Communautaires à Kwamouth : « revoir la loi foncière pour apaiser tous les conflits liés aux terres en RDC », experte en résolution de conflit

Photo/ droits tiers
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Les membres des communautés Teke et Yaka s’affrontent depuis le mois de juillet dans le territoire de Kwamouth à Mai-Ndombe. Plus de 25 personnes ont été tuées, alors que des centaines d’habitants ont dû fuir les violences. Contactée par le Desk Femme, une experte en résolution des conflits, qui a requis l’anonymat, estime qu’il faut surtout revoir la loi foncière congolaise qui est à la base de nombreux conflits au niveau des populations rurales.  
 


« Le conflit qui oppose les communautés Teke et Yaka ne date pas d’aujourd’hui. Il s’agit d’abord, d’un conflit foncier. On se rappellera qu’en fin 2018, un autre conflit intercommunautaire a eu lieu à Mai-Ndombe, opposant les Batende aux Banunu.  Des morts ont également été comptés (plus de 500 selon un rapport de l’ONU). Une commission spéciale chargée d’étudier ce dossier avait été mise en place. Un procès a été ouvert, quel en est le résultat ? Est-ce que les vraies causes des conflits ont été dévoilées ? Quelles mesures ont été prises ? » interroge l’experte.

Une alternative à la Loi foncière


La République Démocratique du Congo dispose d’une loi dite « foncière ». C’est celle qui porte le  n°73-021 datant du 20 juillet 1973, telle que modifiée et complétée par celle n°80-008 du 18 juillet 1980, portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés. 193 articles de cette loi, traitent directement du régime foncier et immobilier, soit de l’article 53 à l’article 244.
 
L’article 53 stipule que « le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat ».
 
Dans un module de vulgarisation de la Loi foncière, élaboré par l’avocat Nsolotshi Malangu en 2017 et disponible en ligne, l’auteur explique que cette partie de la loi, l’article 53, signifie que :


« L’Etat congolais a seul, un pouvoir suprême et direct sur tout le sol congolais et qu’il ne peut ni transférer ce pouvoir à quelqu’un d’autre ni le partager avec une autre personne ni le perdre au profit d’un tiers qui aurait usé du sol pendant longtemps. Ce pouvoir est donc supérieur à tout droit de jouissance ou d’occupation que les autres personnes peuvent se prévaloir sur une portion du sol congolais. Ainsi, l’Etat étant le seul propriétaire de toutes les terres de la RDC, il est techniquement parlant impropre que les autres personnes prétendent aussi être propriétaires des terres qu’ils détiennent à tel ou tel autre titre. Celles-ci sont titulaires des droits de jouissance, lesquels sont de droit de rang inférieur par rapport au droit de propriété de l’Etat.
 
L’article 9 de la Constitution de 2006 va plus loin en précisant que « L’Etat exerce une souveraineté permanente notamment sur le sol, le sous-sol, les eaux et les forêts, sur les espaces aérien, fluvial, lacustre et maritime congolais ainsi que sur la mer territoriale congolaise et sur le plateau continental ».
 
Ces dispositions de la loi ont été précédées par la « Loi Bakajika » dont l’objectif était de reprendre les propriétés jadis réservées aux colons (sous l’époque coloniale). Il s’agit d’une loi votée par la Chambre des députés en mai 1966 et promulguée par Mobutu en juin de la même année, qui précisait aussi que « le sol et le sous-sol appartiennent à l'État congolais ».
 
Tous ces principes et les explications y afférentes ne suffisent pas, car dans plusieurs régions du pays, la loi coutumière est de mise.   
 
« Il va falloir trouver une autre alternative à la Loi Bakajika. Les gens ne la respecte pas. Le conflit foncier est le plus présent dans tous les territoires de la RDC. Le problème des terres oppose de plus en plus les populations, surtout en milieu rural. Le Ministère de l’intérieur, sécurité et affaires coutumières, le ministère des affaires foncières devraient s’y pencher profondément. », conseille l’experte en résolution des conflits.
 
Par ailleurs, elle suggère au gouvernement ainsi qu’aux missions dépêchées sur place de favoriser le dialogue inclusif et participatif entre les communautés en conflits pour partir des causes qui ne sont pas dévoilées et parvenir aux solutions idoines. 
 

Prisca Lokale