RDC-Kwamouth : « les autorités doivent se pencher sur la question des redevances coutumières dans tous les territoires du pays », Nelly Kyeya

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Au moins 28 morts, 244 maisons incendiées et 5.000 déplacés ont été enregistrés suite aux conflits qui opposent les communautés Yaka et Teke dans le territoire de Kwamouth à Mai-Ndombe. Nelly Kyeya, responsable de la structure Congolese family for Joy et point focal adjoint du mouvement Rien Sans les Femmes (RSLF) à Goma (Nord-Kivu) livre son point de vue sur les mesures à prendre pour rétablir la paix. 


« C'est une bonne initiative pour le gouvernement provincial et même central, de lancer des pourparlers entre les communautés qui s’opposent actuellement. J'encourage les parties à s'engager dans un dialogue franc parce que nous devons apprendre à résoudre nos différends dans la non-violence mais aussi à favoriser une cohabitation pacifique entre nos populations.
Quelle que soit l'identité de la tribu qui est lésée, Yaka ou Teke, il faut échanger, dialoguer pour trouver des solutions », conseille-t-elle par rapport  aux discussions annoncées cette semaine par la gouverneure de province, Rita Bola.


Epineuse question de la redevance coutumière


La cause de ce conflit était au départ le désaccord sur les redevances coutumières, notamment la quantité de tribut à verser auprès des autorités locales Teke par les non originaires qui sont les Yaka. Ensuite, ces derniers ont accusé la communauté Teke de leur imposer le renouvellement après 5 ans, des contrats de vente des espaces forestiers déjà acquis auprès des autorités locales.


Pour Nelly Kyeya, l’épineuse question des redevances coutumières oppose plusieurs communautés dans tous les territoires de la RDC et devrait faire l’objet d’un travail intense au niveau du gouvernement congolais.


"Pour ce cas encore, le conflit est parti de la redevance. Comment une tribu non-originaire (Bayaka) doit payer ses redevances à la tribu autochtone (Bateke) ? Le système des redevances est reconnu en RDC et les populations sont confrontées à cette réalité (…) Il est vrai que le pouvoir coutumier doit être respecté, mais je sais aussi que certaines mesures sont rétrogrades au point de rendre des personnes vulnérables. Un individu peut acheter un terrain pour y cultiver son champ. Mais le pouvoir coutumier l’oblige à payer des redevances. Au début, on croit que ce n'est pas un problème. Mais plus le temps passe, plus cela pèse sur le propriétaire de la terre. Il se sent lésé, la redevance semble lui soutirer des biens acquis péniblement (…) », explique-t-elle.


Poursuivant son argument, Nelly Kyeya évoque également les réalités des redevances coutumières dans la province du Nord-Kivu. 
 

« Ici par exemple, nous achetons des terres.
Malheureusement, avec la situation d’insécurité que connaissent nos territoires, nous sommes obligés d’interrompre régulièrement nos activités champêtres. Cependant, il faut savoir que même si le niveau d'insécurité vous empêche d'entretenir vos terres et de les exploiter, le pouvoir coutumier attendra toujours de vous le respect des redevances (…) », a-t-elle déploré.
Par ailleurs, la communauté Teke ne reconnait pas les accusations portées contre elle. Celle-ci accuse également les Yaka d'avoir installé des chefs coutumiers en remplacement des autochtones Teke dans certains villages en recourant aux armes.


" Que prévoit la loi coutumière en matière des Chefs qui doivent être installés ? Il sera important de respecter les prescrits de cette loi. Il y a également lieu d’encourager le gouvernement national à tout mettre en œuvre pour que les élections municipales soient organisées partout en RDC" 


Vulgariser et faire primer la Loi foncière, revoir la notion de redevances en provinces


La mission gouvernementale séjourne actuellement à Kwamouth. Une réunion de sécurité avec les autorités provinciales et locales est annoncée. Le Vice-ministre Ministre de l'Intérieur, Sécurité et Affaires coutumières va également s'entretenir avec les différentes couches sociales et politiques.


 « Ce sera important de faire un sondage auprès de la population pour déterminer les attentes et mêmes les problèmes qui entourent la question des redevances. Ce n'est pas juste une question qui oppose seulement les communautés Teke et Yaka. Les autorités gouvernementales, judiciaires, législatives et exécutives devraient s'investir pour trouver des solutions durables à cette réalité. Il faudrait vraiment que la loi (foncière ndlr) congolaise prime sur les mesures coutumières », a ajouté la coordinatrice de Congolese family for joy.


Dimanche soir, de plus de 200 militaires en provenance de Kinshasa sont arrivés dans le territoire de Kwamouth pour y rétablir la paix et la sécurité.

Prisca Lokale